Handicap invisible au travail : elles nous expliquent pourquoi elles ont choisi de cacher leur handicap

Elles ont choisi de cacher leur handicap au travail et nous expliquent pourquoi (Photo d’illustration)
Ezra Bailey / Getty Images Elles ont choisi de cacher leur handicap au travail et nous expliquent pourquoi (Photo d’illustration)

HANDICAP - « Tant que je n’en parlais pas, pour moi, ça n’existait pas. » Lors de ses deux premiers emplois, Claudia, 29 ans, a caché son handicap. En 2017, alors qu’elle est encore étudiante, les médecins lui diagnostiquent une polyarthrite rhumatoïde. Cette maladie inflammatoire chronique touche les articulations et provoque sur le long terme des déformations, des douleurs intenses et la destruction des articulations touchées, créant un handicap chez environ 20 % à 25 % des patients.

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« C’est un handicap invisible qui est très gênant au quotidien mais qui ne se voit pas du tout, explique la vingtenaire. Avec ça, j’ai de la fatigue chronique et j’ai aussi les symptômes liés à tous les médicaments que je dois prendre, dont beaucoup d’opiacés. » Cacher son handicap alors qu’elle avait besoin de soutien a été difficile pour la jeune femme. « Je me suis retrouvée à aller au travail en étant en crise, à serrer les dents toute la journée, à me cacher pour pleurer parce que j’avais trop mal », se souvient-elle.

En France, plus de 9 millions de personnes sont concernées par un handicap invisible. Parmi les handicaps invisibles, on peut répertorier les handicaps mentaux mais aussi psychiques, les maladies invalidantes, comme certains cancers, l’asthme ou le diabète. On cite aussi les troubles musculosquelettiques, les troubles spécifiques du langage et des apprentissages.

Si Claudia a décidé de masquer son handicap avant tout par déni, elle n’est pas la seule à choisir de ne pas révéler sa situation dans la sphère professionnelle. Une décision qui a un coût sur la santé et le bien-être des concernés.

« Qu’on me reconnaisse pour mon travail, pas pour mon handicap »

Ça a été le cas de Sabrina, 33 ans, atteinte d’une déficience visuelle liée à un glaucome sévère depuis l’adolescence. Enseignante dans le primaire pendant quatre ans, elle choisit alors de ne pas révéler son handicap au travail.

Une décision qui relève avant tout d’une volonté de ne pas rentrer dans une case ou d’être perçue comme un quota. « J’étais méritante, j’étais compétente, j’avais fait des études pour travailler et j’avais envie que l’on me reconnaisse pour mon travail et non pas pour mon handicap, explique-t-elle. Alors j’ai minimisé mon handicap et ça m’a souvent porté préjudice puisque je suis arrivée à des états de fatigue extrême. »

Dans leur travail, Sabrina et Claudia jouent alors un rôle, celui d’un personnage courageux qui doit cacher ses douleurs et son épuisement face à un corps qui souffre en silence. « Quand on veut cacher, on veut tout le temps montrer que l’on va bien. On ne supporte pas trop de montrer les signes de fatigue, on est dans une forme de suradaptation », avoue aujourd’hui Sabrina.

Pourtant, certains osent malgré la peur du rejet et des critiques. Claudia reconnaît une frustration face à son honnêteté. Après avoir passé le concours de la fonction publique, elle change d’emploi et devient professeur des écoles. La jeune femme informe d’emblée ses employeurs mais elle n’est pas préparée à une telle réaction. Elle fait face à de nombreuses critiques et reproches de la part de sa hiérarchie comme de ses collègues : « étant jeune, à première vue, j’ai l’air d’être en bonne santé pour eux. Je suis souriante, donc je dois exagérer un peu, pour eux je ne suis pas complètement honnête ». Cette période de souffrances entraînera pour elle un arrêt maladie le reste de l’année scolaire.

« Arrêter de se cacher »

La société actuelle est-elle cruelle ou moins informée ? Pour Sabrina, il y a une évolution : « J’assiste de plus en plus à une sensibilisation au handicap invisible dans les entreprises, au handicap tout court. Là où je pense que l’on a du travail à faire, c’est sur comment on peut arrêter de considérer la personne en situation de handicap comme un objet qui va permettre de remplir un quota ».

Face à la gravité des souffrances et au type de handicap, le quotidien devient rapidement difficile sur le lieu de travail ce qui amène à une préoccupation majeure, celle de la formation au handicap invisible dans les entreprises. « Les encadrants, les responsables, les chefs tout le personnel devrait être formé au handicap invisible. Ça peut toucher n’importe qui. On peut avoir un handicap invisible temporaire, comme quelqu’un qui a un cancer », insiste Claudia.

Et si cacher son handicap est parfois la dernière option, pour ces jeunes femmes hors de question de répéter l’expérience. Devant cette situation, l’honnêteté est la meilleure option pour des conditions de travail plus justes et adaptées. « Comme on est énormément à se cacher, si on arrêtait tous de le faire, je pense que notre environnement deviendrait beaucoup plus facile. Plus on sera nombreux à montrer que l’on existe, plus on finira par exister dans l’esprit des gens », conclut Claudia.

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