L’alimentation intuitive ne doit pas être considérée comme une méthode pour perdre du poids
SANTÉ - Livres, posts sur Instagram, méthodes miracles clefs en main… L’alimentation intuitive est souvent citée comme une manière de revenir à une façon saine et simple de se nourrir. Si elle fait des émules, c’est parce qu’elle propose d’apprendre à écouter son corps et ses envies, en prêtant attention aux indices de faim et satiété. Et donc de mettre fin aux régimes restrictifs et à la privation.
« Se dire que la pression sur le poids peut gâcher son mariage, c’est horrible » - Témoignage
Comment ne pas être attiré par une méthode qui permet de manger ce que l’on veut, quand on le veut ? De retrouver un rapport sain et serein avec son alimentation ?
Mais tout n’est évidemment pas si simple. Le HuffPost fait le point sur ce concept avec Karen Demange, psychologue clinicienne spécialisée dans les troubles alimentaires.
Le HuffPost. Qu’est-ce que l’alimentation intuitive ?
Karen Demange. C’est un courant qui nous est venu des États-Unis en 1995. Ce sont deux nutritionnistes américains, Evelyn Tribole et Elyse Resch, qui ont écrit un livre qui s’appelle « L’alimentation intuitive ». En France, ce mouvement a été nourri par Jean Philippe Zermatti, nutritionniste, et Gérard Apfeldorfer, psychiatre, à l’origine du G.R.O.S., un groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids.
Ils ont dit à peu près la même chose : que si on se reconnecte à ses sensations de faim et de satiété, tout va bien dans le meilleur des mondes. Pour moi, c’est un petit peu comme M. Jourdain [dans Le Bourgeois gentilhomme, ndlr] qui fait de la prose sans le savoir : les gens qui n’ont pas de trouble alimentaire font de l’alimentation intuitive.
Pourquoi a-t-elle autant de succès ?
On ne va pas se mentir, beaucoup de personnes vont aller vers l’alimentation intuitive pour perdre du poids. C’est un mouvement qui a pris de l’ampleur parce qu’on en a tous ras-le-bol des régimes qui ne fonctionnent pas, des restrictions. C’est très vendeur de dire : voici une méthode non restrictive où tu vas pouvoir manger ce que tu veux, quand tu veux. Forcément, c’est tentant.
Dans l’idée, c’est une bonne chose. Il faut se reconnecter avec son corps, ses sensations de faim, de satiété, répondre à ses besoins et à ses envies. Quand on écoute son corps, il est capable de nous informer sur ce dont on a besoin. Quand on a soif, on boit de l’eau.
Mais alors, quels en sont les risques ?
L’alimentation intuitive, ça doit être considéré comme un but à atteindre et pas une méthode. Le but à atteindre, c’est que la nourriture ne soit plus un problème, ne soit plus une obsession, que l’on puisse manger ce que l’on veut sans culpabiliser. Dit comme ça, on ne peut pas être contre l’alimentation intuitive, bien évidemment.
Sauf qu’aujourd’hui, on en a fait une méthode. Tout le monde vend son bouquin ou ses trucs sur Instagram. Le principe c’est : je vais t’aider à redevenir « normal ». C’est ça qui est délicat. Car le problème, c’est que 99,9 % des lecteurs ou des personnes qui vont s’y intéresser ont un trouble du comportement alimentaire (TCA).
Et ces gens ne font pas forcément la différence entre les sensations, les besoins, les envies. Donc il faut d’abord passer par une étape de rééducation, psychologique et psychosomatique. Quand on est passé par certaines étapes au niveau de la sensation, qu’on a appris à en séparer l’émotion, effectivement, là, on peut aller vers l’alimentation intuitive. Mais ce n’est qu’une fois que les trois quarts du chemin ont été faits par le patient. Car sinon, le risque, c’est d’accentuer les troubles alimentaires.
Et ça dépend bien sûr des qualités nutritives de ce que l’on mange. Parce qu’intuitivement, tout le monde ne va pas se dire : tiens, je vais manger des épinards ce soir.
Que conseillez-vous aux personnes qui s’y intéressent ?
Ce qu’il faut commencer par faire, c’est déjà de faire une séance avec un thérapeute, un psy ou un médecin, pour faire un petit bilan avant de se lancer. Il faut avant tout retrouver la confiance en soi et dans la nourriture. Et faire un bon audit du problème. Dans le mot « trouble du comportement alimentaire », on a déjà les trois appuis qu’il va falloir travailler : l’aspect psychologique, l’aspect comportementaliste et cognitif, et l’alimentation.
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