"L'après-2022 va être compliqué": pourquoi les transfuges du RN misent sur Zemmour plutôt que Le Pen

Eric Zemmour, candidat d'extrême droite à la présidentielle, lors de son déplacement à Cannes (Alpes-Maritimes), le 22 janvier 2022. - Bertrand GUAY / AFP
Eric Zemmour, candidat d'extrême droite à la présidentielle, lors de son déplacement à Cannes (Alpes-Maritimes), le 22 janvier 2022. - Bertrand GUAY / AFP

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L'eurodéputé Jérôme Rivière, l'identitaire Damien Rieu, le médiatique Gilbert Collard... et bientôt Marion Maréchal? Alors qu'en fin de semaine dernière trois cadres du RN ont rejoint Éric Zemmour, sa nièce hésite encore à franchir le pas, mais elle a déjà acté qu'elle ne soutiendrait pas Marine Le Pen. "La cohérence, la vision, la stratégie font que je penche pour Eric Zemmour, c'est certain", explique-t-elle ce vendredi dans Le Figaro. "Mais il y a un sujet familial."

Le calcul politique peut sembler hasardeux: rejoindre Eric Zemmour en plein creux sondagier et couper les ponts avec Marine Le Pen, en dynamique dans les études d'opinion. Ces transfuges misent pourtant sur la recomposition à droite après le second tour de la présidentielle.

"Ce sont surtout des opérations de déstabilisation et de lâcheté", jugeait le député européen Jean-Lin Lacapelle, l'un des porte-parole de la campagne, interrogé avant les déclarations de Marion Maréchal. "Il ne faut rien y voir d'autre. On a un projet sérieux, crédible. Eux font le programme de François Fillon en 2017."

"L'après-2022 va être très compliqué"

"La dynamique est de notre côté", se félicitait même auprès de BFMTV.com le directeur de la communication de la campagne Philippe Ballard, quelques heures avant le ralliement de Jérôme Rivière au polémiste.

À voir. "On sait bien tous que, même si Marine Le Pen se qualifie pour le second tour, l'après-2022 va être très compliqué", soupire un cadre du RN.

À l'appui de sa démonstration, le nombre de militants, en berne depuis plusieurs années, un parti dans le rouge (plus de 20 millions d'euros de dettes d'après Le Figaro) et des élections régionales et départementales catastrophiques, pourtant essentielles pour développer l'appareil du parti.

"Aujourd'hui, seuls 0,8% des conseillers municipaux sont au RN et le parti a perdu 44% de ses conseillers régionaux lors des dernières élections. Les militants, s'ils veulent espérer être élus doivent trouver une échappatoire", estime l'historien Nicolas Lebourg, spécialiste de l'extrême-droite, après de BFMTV.com.

"Le pari qu'on fait, c'est la reconstruction de la droite"

En face, le tableau est tout autre. Reconquête! revendique 85.000 adhésions - "Même au sommet de sa gloire et de sa dynamique le Front national n'a jamais réuni 90.000 adhérents", commente Marion Maréchal dans Le Figaro. Et malgré ses fondations, tout est à construire autour d'Éric Zemmour, notamment la structuration du mouvement qui passe par la création de postes de cadres.

Jérôme Rivière, placardisé au RN, est ainsi devenu le vice-président du parti, Gilbert Collard président d'honneur. Damien Rieu, lui, devrait suivre de très près la communication du candidat. Avec en ligne de mire l'après-présidentielle.

En meeting samedi dernier, le polémiste n'a d'ailleurs quasiment pas parlé de sa course à l'Élysée. "L'union des droites, c'est une immense aventure collective qui commence. C'est la plus grande recomposition politique des quarante dernières années", a-t-il assuré à la tribune. Parmi ses fidèles, on ne fait plus vraiment semblant.

"Le pari qu'on fait, c'est la reconstruction de la droite. On a une vision sur le long terme", explique ainsi Stanislas Rigault, le président de Génération Z à BFMTV.com.

Voir loin

Comprendre : faire rentrer des députés à l'Assemblée en juin prochain puis partir à la conquête d'élections locales. Jérôme Rivière rappelle opportunément le scénario qui s'est réalisé dans les années 1980 sur les terres cannoises - là où Eric Zemmour tenait son meeting samedi dernier.

"Le lieu est symbolique pour l'union des droites. Jean-Claude Gaudin, aux élections régionales (le futur maire de Marseille était élu sous les couleurs du RPR), a accepté les voix du FN et deux ans plus tard, Yann Piat est la seule députée du FN qui a réélue grâce à un accord entre l'UDF et le RPR", explique le député européen à Libération.

"Il y a une maison à construire, des élections à gagner", estime encore Nicolas Lebourg. "Même si Marine Le Pen se qualifie au second tour et fait un score honorable, elle aura déjà tenté sa chance trois fois. Et personne ne voit Éric Zemmour s'intéresser à la vie de son parti pendant 5 ans." Offrant ainsi un boulevard aux ambitieux.

Article original publié sur BFMTV.com