Le « Revenge porn » : qu’est-ce que c’est ? Et que faire quand on en devient la victime ?

Le « Revenge porn » est devenu une infraction pénale en Angleterre et au Pays de Galles en 2015 [Photo : Getty]
Le « Revenge porn » est devenu une infraction pénale en Angleterre et au Pays de Galles en 2015 [Photo : Getty]

Le « Revenge porn » fait de nouveau la une depuis que Rob Kardashian a publié plusieurs photos intimes de son ex-fiancée Blac Chyna sur les réseaux sociaux. Le compte Instagram du plus jeune membre du clan Kardashian a été suspendu, mais son compte Twitter reste actif (mais les photos de sexe en question ont été retirées).

Le « Revenge porn » est devenu une infraction pénale en Angleterre et au Pays de Galles en avril 2015. Depuis, plus de 200 personnes ont été poursuivies avec succès.

Cependant, des statistiques ont révélé que 61 % de toutes les infractions rapportées entre 2015 et 2016 n’avaient abouti à rien. La police a précisé que ce chiffre était dû à l’absence de preuves ou à la rétractation des victimes.

« Nous avons constaté une augmentation énorme des cas de « revenge porn » entre 2012 et 2015 », confie Iain Wilson de Brett Wilson Solicitors à Yahoo Style UK. « Je suis convaincu que l’explosion soudaine des affaires de « revenge porn » constatées pendant la première moitié de la décennie découle du développement et de l’utilisation généralisée des smartphones modernes ».

« Les téléphones modernes facilitent ce comportement, car tout le monde peut prendre et publier une image ou une vidéo en quelques secondes sans même y réfléchir. Un document numérique peut-être transféré de nombreuses fois une fois publié. Les avocats spécialistes de la vie privée aiment dire qu’il est « impossible de remettre le génie de la vie privée une fois sorti de sa lampe ».

Voici toutes les informations importantes à connaître au sujet du « revenge porn », y compris la marche à suivre pour les victimes :

Le « Revenge porn », c’est quoi ?

Le « Revenge porn » est un terme « utilisé pour décrire le partage non autorisé de photos et de vidéos privées intimes », confie I. Wilson. « Il est surnommé ainsi car il s’agit souvent d’amants jaloux ou blessés qui publient du contenu sur internet, transformant ainsi leurs victimes en « stars du porno » malgré elles ».

Une photo ou un film « privé » correspond à du contenu qui inclut les parties génitales d’une personne ou qui la montre en plein acte sexuel ou posant de manière sexuelle ou provocante, comme il est rare de le constater dans un cadre public.

L’infraction sera considérée comme un acte de « revenge porn » si le contenu sexuel est publié sur internet, partagé sur les réseaux sociaux, envoyé par SMS ou par email ou montré physiquement en personne.

Une personne commet un acte de « revenge porn » si le but de ce partage est de blesser, de gêner ou de bouleverser.

Blac Chyna est récemment devenue la victime de « revenge porn » lorsque Rob Kardashian a publié plusieurs photos intimes d’elle [Photo : Getty]
Blac Chyna est récemment devenue la victime de « revenge porn » lorsque Rob Kardashian a publié plusieurs photos intimes d’elle [Photo : Getty]

Le « revenge porn » peut-il être une infraction pénale ?

Oui, depuis avril 2015, le « revenge porn » est par exemple considéré comme une infraction pénale en Angleterre et au Pays de Galles. Le coupable encourt une peine maximale de deux ans de prison.

Voyons cela en détails. La section 33 du « Criminal Justice and Courts Act 2015 » explique qu’une infraction est pénale lorsqu’« une photographie ou un film sexuel privé est partagé, si ce partage est effectué (a) sans l’autorisation de l’individu en question, et (b) avec l’intention de bouleverser l’individu ».

En plus d’enfreindre cette loi particulière, les responsables de « revenge porn » peuvent également commettre d’autres infractions pénales.

Celles-ci incluent :

  • L’envoi de communications avec pour but de créer une sensation de désarroi ou d’anxiété

  • Le harcèlement

  • La traque

  • L’accès non autorisé à un ordinateur

  • Le chantage

Plusieurs mesures se trouvent à la disposition des victimes de « revenge porn » [Photo : Getty]
Plusieurs mesures se trouvent à la disposition des victimes de « revenge porn » [Photo : Getty]

Que faire si vous vous retrouvez victime de « revenge porn » ?

Il est primordial de rester calme, confie I. Wilson. « Il est important de savoir qu’il est possible de prendre certaines mesures et de vous rappeler que cette sensation de panique va disparaître. Essayez de rester calme, car votre réaction initiale pourrait s’avérer importante ».

Il est recommandé de réunir autant de preuves que possible avant même de songer à aller voir la police, mais également d’effectuer des captures d’écran de tout contenu blessant en essayant d’inclure l’URL ou la plate-forme sur laquelle le contenu a été partagé. Il est conseillé de sauvegarder les messages éventuels avec les dates et heures d’envois.

Les victimes pourraient instinctivement souhaiter dénoncer le contenu et demander qu’il soit retiré. Le service d’assistance The Revenge Porn Helpline recommande de contacter la police d’abord, avant que les preuves ne soient retirées.

En ce qui concerne le responsable, il est préférable de couper toute communication et de bloquer son numéro, ainsi que toute autre forme de comptes sur les réseaux sociaux. Il est également recommandé de renforcer ses paramètres de sécurité sur Facebook, Instagram…

Vient ensuite la partie potentiellement effrayante : la police.

« Certaines personnes hésitent à aller voir la police », confie I. Wilson. « Les victimes peuvent se sentir embarrassées ou gênées (à tort). Elles ont parfois également peur de devoir prendre de nouvelles mesures après avoir vu la police (même si ça n’est généralement pas le cas) ».

« Enfin, certaines personnes ne veulent pas porter plainte contre un ancien partenaire ou ne souhaitent pas faire appel au système de justice criminelle, avec tout ce que cela implique (comme fournir des preuves) ».

La ligne de soutien Revenge Porn Helpline confirme que faire appel à la police est la meilleure solution en Angleterre, précisant que « cela peut paraître intimidant, mais que les policiers sont davantage en mesure d’agir en votre nom ».

Il est possible de se rendre directement à la station de police ou encore d’appeler un poste. Il faut être prêt à fournir une déclaration et préparer autant de preuves que possible. Il est également recommandé de bien conserver le numéro de dossier afin de pouvoir le suivre plus tard.

Wilson admet qu’il « existe des failles » légales dans le cadre du « revenge porn ». Il précise également ce qui est nécessaire pour obtenir un verdict coupable au tribunal, et il s’agit uniquement de motivation et de volonté.

« Il est nécessaire que le procureur prouve, hors de tout doute raisonnable, que l’accusé souhaitait entraîner une sensation de désarroi chez la victime en partageant des images intimes. Le fait que le désarroi soit une conséquence raisonnablement prévisible ne suffit pas ».

« C’est pourquoi une personne qui partage des images intimes sous la forme de « potins », d’une mauvaise blague, pour se vanter et/ou pour obtenir de l’argent ne commet pas nécessairement une infraction liée au « revenge porn ». Une motivation particulière doit être constatée. Cependant, lorsqu’une infraction donne lieu à des poursuites, il existe souvent des preuves indéniables d’une telle motivation, comme des messages/menaces et des écrits ».

Facebook, Twitter et Instagram disposent tous de formulaires de contact en cas de problèmes de « revenge porn » [Photo : Getty]
Facebook, Twitter et Instagram disposent tous de formulaires de contact en cas de problèmes de « revenge porn » [Photo : Getty]

Comment retirer des images offensantes sur internet ?

Heureusement, la plupart des moteurs de recherche et sites de réseaux sociaux disposent de formulaires de contact particuliers pour les affaires de « revenge porn ». La plupart des plateformes de réseaux sociaux n’autorisent pas la nudité, et la majorité des sites pornos n’autorisent que les images et les films téléchargés avec autorisations préalables.

Le « Digital Millennium Copyright Act 1999 » stipule que vous obtenez les droits d’auteurs des photos que vous prenez vous-même. Vous pouvez donc faire une demande afin que l’image ou le film soit retiré.

Il est possible de signaler des cas de « revenge porn » sur Facebook, Twitter, Instagram et Snapchat.

Vous pouvez même demander que du contenu offensant soit retiré des listes de moteurs de recherche. Google propose un outil facile d’utilisation qui permet de signaler du contenu non consensuel. Le site a également présenté la règle du « droit d’être oublié » qui vous permet d’effacer tout le contenu en question, pas uniquement les références à votre nom.

Yahoo et Microsoft proposent également des formulaires similaires.

Les experts légaux recommandent de ne parler de ce type d’affaires qu’à une ou deux personnes de confiance [Photo : Getty]
Les experts légaux recommandent de ne parler de ce type d’affaires qu’à une ou deux personnes de confiance [Photo : Getty]

Est-il possible de faire appel aux droits civils ?

Oui, c’est parfois possible. En réalité, beaucoup de gens considèrent cette option plus appropriée et moins effrayante que les plaintes pénales.

En Angleterre par exemple, il est possible de faire appel à un tribunal local afin de demander une injonction si vous connaissez la personne responsable. Le coupable ne pourra plus poster d’image ou de films en ligne.

Pour effectuer cette demande, au moins deux cas de harcèlement doivent déjà avoir été mentionnés. Cependant, aucune preuve n’est nécessaire, car les tribunaux acceptent les déclarations de la victime.

Le processus n’est pas bien long non plus. Une fois l’application rédigée, un juge la consulte dans la journée afin d’accepter ou de rejeter l’injonction quelques heures plus tard.

Inutile de faire appel à un avocat non plus, mais les experts légaux recommandent d’en embaucher un afin de vérifier l’application.

La victime doit alors se rendre au tribunal pendant quelques minutes, et seuls le juge, le commis et la victime sont présents.

Une injonction est généralement validée pour une période de 12 mois. Le tribunal organisera alors une nouvelle audience. L’accusé aura alors l’opportunité de répondre aux accusations.

Certaines mesures peuvent être appliquées si la victime ne souhaite pas se retrouver dans la même pièce que son agresseur, comme la présence de gardes de sécurité ou de salles d’attentes séparées.

Il est important pour la victime de contacter la police immédiatement si l’injonction est validée, mais que l’agresseur ne la respecte pas. L’agresseur pourrait ainsi passer deux ans derrière les barreaux ou payer une amende, voire les deux.

Wilsonprécise que les victimes de « revenge porn » qui optent pour cette solution devraient garder les choses aussi confidentielles que possible, et ne prévenir qu’une ou deux personnes afin d’éviter de perturber l’affaire.

Lauren Sharkey