Les rousses sont des « bombes » mais les roux sont « étranges ». Pourquoi ce grand écart ?

Edward Watson est un premier danseur séduisant dans la troupe du Royal Ballet de Londres. Mais cette semaine, il est particulièrement affecté par un critique qui, d'après lui, s'est acharné sur l'une de ses principales caractéristiques physiques : ses cheveux roux.

Edward Watson, danseur au Royal Ballet, en a marre qu'on se moque de la couleur de ses cheveux. (Photo : Getty Images)

« Il y a toujours cet abruti qui continue d'écrire Oh, il est toujours là avec ses horribles cheveux roux et son horrible teint pâle et je me demande bien ce que la peau et les cheveux de quelqu'un viennent faire dans une critique de danse. Je trouve ça ridicule », a-t-il expliqué au Times de Londres dans une interview cette semaine. « Je pense qu'il est difficile pour certaines personnes de m'imaginer dans la peau d'un rôle principal grand et fort avec des cheveux bruns. Je ne serais jamais ce personnage », a-t-il ajouté. « Je ne vais pas culpabiliser, même si certaines personnes le souhaiteraient ».

Watson n'a pas donné le nom de ce critique mais certains supposent qu'il s'agit d’Alastair Macaulaydu New York Times, qui a fait référence au « teint pâle » et aux « cheveux auburn » d'E. Watson à deux reprises dans des critiques négatives et qui a qualifié la personnalité du danseur sur scène d'« étrange ». Mais il a réponduà la plainte d'E. Watson en faisant remarquer qu'il aimait « les teints de peaux et de cheveux de toutes sortes et aimait les mentionner ».

Edward Watson. (Photo : AP Photos)

Pourquoi E. Watson était-il si embêté à la simple mention de la couleur de ses cheveux ? Probablement à cause des nombreuses moqueries dont lui et de nombreux autres hommes roux subissent, sans oublier la différence de traitement entre les hommes roux et les femmes rousses.

« Je n'avais pas remarqué cette distinction en matière de genre avant d'atteindre la vingtaine. C'est à ce moment-là que j'ai remarqué qu'il y avait cette idée de deux poids, deux mesures », explique le photographe roux londonien Thomas Knights à Yahoo Beauty. « Les rousses sont mises sur un piédestal (de la femme fatale) alors que les roux sont émasculés et désexualisés dans la culture populaire et dans la rue. Il fallait clairement faire quelque chose ».

Knights s'est donc lancé dans une quête de redéfinition grâce à « Red Hot », une exposition itinérante et un album photos (Red Hot 100) qui inclut des photos super sexy d'hommes roux. Il réunit actuellement des fonds sur Kickstarterpour Red Hot II,un beau livre qui inclura d'ailleurs des photos d'E. Watson.

« Le teint pâle est considéré comme fragile et les cheveux roux (chez les femmes) sont perçus comme un symbole de sexualité torride et passionnée. Cela a peut-être tendance à pousser les hommes à trouver les femmes rousses plus féminines », explique T. Knights. « Il en va peut-être de même pour les hommes : le teint pâle et les cheveux roux sont vus comme féminins, contrairement au teint et aux cheveux foncés de l'homme masculin par excellence ».

Photos de l'exposition de « Red Hot ». (Photo : Red Hot/Thomas Knights)

Sa théorie tient la route, d'après Jacky Colliss Harvey, auteure de RED: A History of the Redhead. « Les femmes sont vues comme des bombes », confie-t-elle à Yahoo Beauty, faisant remarquer que le rapport remonte aux portraits médiévaux de Marie Madeleine qui avait des cheveux auburn brillants. « Judas est considéré comme son équivalent masculin », ajoute-t-elle, car il avait également des cheveux roux. « Les rapports négatifs remontent déjà jusque-là ».

Harvey ajoute : « le teint pâle associé aux cheveux roux a été caractéristique de la beauté féminine pendant des siècles mais il a une connotation efféminée chez l'homme. Parallèlement, les cheveux roux chez les hommes sont aussi associés aux Vikings pour les gens d'Europe du Nord ». Elle explique également qu'avoir les cheveux roux signifiait que vous alliez vous transformer en vampire à votre mort, en Serbie et en Roumanie. Du coup, les connotations négatives incluent les faiblards, les barbares et ceux qui n'ont « pas d'âmes » (merci South Park !). « C'est vraiment dommage que les roux aient toujours été si mal considérés », remarque J. Harvey. « Et certains préjugés sont vraiment très enracinés ».

« Les rouquins n'ont pas d'âme ! » (Photo : South Park/YouTube)

Le documentaire « Being Ginger » qui évoque « la quête d'un homme pour trouver une femme qui aime les hommes roux » illustre magnifiquement bien à quel point certains préjugés persistent. Dans une scène publiée sur sa chaine YouTube, l’(adorable) animateur roux rencontre plusieurs groupes de jeunes femmes et leur demande de décrire les roux. Elles répondent : « plus moches que les rousses », « gros », « taciturnes », « maladroits », « un peu nerdy, à part prince Harry ». Et voici les réponses lorsqu'il demande à des jeunes hommes de décrire les femmes rousses : « sexy », « je me la ferais », « féroces », « plutôt séduisantes » et « fougueuses ».

Il est important de préciser que ce documentaire provient du Royaume-Uni, tout comme Watson, Knights et Harvey, et que les préjugés contre les roux sont particulièrement soutenus là-bas. « Les roux peuvent être perçus légèrement différemment aux Etats-Unis car la plupart ont traversé l'Atlantique en tant qu'immigrants », explique J. Harvey. « Et être roux devenait un badge de fierté pour exprimer son identité culturelle lorsque vous aviez traversé l'Atlantique ». Pourtant, elle fait remarquer que des personnes d'origine britannique et américaine ont toutes partagé des histoires d'harcèlement à cause de la couleur de leurs cheveux, dans son récent essai pour Aeon (Myths About Red Hair Are Rooted in Fear of Difference : les mythes sur les cheveux roux découlent de la peur de la différence).

Cela étant dit, de plus en plus de personnes rousses acceptent la couleur de leurs cheveux à bras ouverts, que ce soit dans le cadre de festivals, de rassemblements culturels, de groupes sur Facebook ou encore de l'art (grâce à des personnes comme Knights). J. Harvey l'explique très bien : « C'est une belle époque pour être roux ».

Beth Greenfield
Auteure Sénior