"C’est l’opération la plus mortelle en chirurgie esthétique" : comment et pourquoi le lifting brésilien attire autant les jeunes femmes
C’est l'une des opérations les plus demandées en chirurgie esthétique et l’une des plus mortelles. Le lifting brésilien, également appelé BBL (Brazilian Butt Lift), consiste en une augmentation du volume des fesses. Pourquoi cette opération attire-t-elle autant les jeunes femmes ? Entretien avec le docteur Nathanel Edery, chirurgien esthétique.
Dans un article datant du 20 juillet 2022, le magazine Slate rapporte les témoignages de patientes ayant eu recours à une opération de chirurgie esthétique appelée le "lifting brésilien" ou BBL (Brazilian Butt Lift). Cette chirurgie consiste en une liposuccion de la graisse d’une partie du corps et en l’injection de cette même graisse dans les fesses. L’objectif est d’obtenir un fessier plus volumineux et rebondi. Dans l'article consacré, Slate partage la détresse des jeunes femmes qui sont passées sur le bloc pour augmenter la taille de leurs fesses.
En dépit d’une popularité croissante, le lifting brésilien est l’opération de chirurgie esthétique la plus mortelle, selon des chiffres parus aux États-Unis. La faute à des réglementations "précaires" et des interventions réalisées par des médecins peu expérimentés. Le magazine Slate rapporte qu’aux États-Unis, un praticien peut devenir chirurgien esthétique moyennant une formation de quelques mois délivrée par des organismes indépendants appelés "conseils de spécialité".
En 2021, France Info avait réalisé un reportage sur le boom du lifting brésilien chez nos voisins américains. Le chirurgien Anthony Youn explique le danger mortel de confier cette opération à des professionnels peu qualifiés, comme cela se produit aux États-Unis. : "Quand on injecte de la graisse dans les fesses, il faut l'injecter dans la couche sous-cutanée, entre la peau et le muscle. Si le chirurgien ne sait pas ça, s'il ne l'a jamais étudié, s'il y va à tâtons et injecte la graisse en profondeur dans les muscles fessiers, ce qui arrive très régulièrement, alors le taux de mortalité augmente de manière significative".
Nous nous sommes entretenus avec le chirurgien esthétique Nathanel Edery pour comprendre quelle est la situation en France. Dans l’Hexagone, seuls les chirurgiens esthétiques reconnus par la profession peuvent réaliser ce type d’intervention. Si la France ne dispose pour l’heure d’aucune donnée officielle sur les conséquences de ce type d’intervention sur les patientes, le chirurgien esthétique confirme qu’il s’agit d’une des opérations les plus mortelles. Et pour cause : c’est la zone visée qui explique le caractère complexe et délicat de l’intervention.
"Elles veulent le fessier de JLO ou de Kim Kardashian"
"Quand on va réinjecter cette graisse, on va le faire au niveau de la région glutéale (la fesse), qui est une zone très vascularisée. Lorsque l’on réinjecte la graisse en profondeur au niveau du muscle, les vaisseaux peuvent être traumatisés par la canule (petit tube utilisé lors des interventions chirurgicales, ndlr.) Si un peu de graisse infiltre un vaisseau, les lobules graisseux peuvent migrer dans la circulation et donner ce que l’on appelle une embolie graisseuse. C’est par ce mécanisme-là que le décès peut survenir, soit par détresse respiratoire, soit par défaillance cardio-pulmonaire." Le spécialiste insiste : en chirurgie, le risque zéro n’existe pas. "D’autres complications inhérentes à cette chirurgie, telles que des infections, peuvent apparaître".
Si la réglementation est plus stricte dans notre pays, l’engouement pour cette intervention est aussi important que chez nos voisins américains.
"Il y a une augmentation très importante de cette demande" confirme Dr Nathanel Edery. "Je reçois une à deux demandes par semaine sur les réseaux sociaux. C’est moins en consultation. Une personne sur 20, je dirais." Le lifting brésilien attire surtout les jeunes femmes de 18 à 35 ans. "Elles arrivent avec des demandes en rapport avec les modèles qu’elles ont vus sur les réseaux sociaux : ’Je veux le fessier de JLO, de Kim Kardashian’ mais également l’envie de profiter de la lipo-aspiration, qui est le premier temps de cette chirurgie."
En 2020, Joselyn Cano, surnommée "la Kim Kardashian mexicaine" en raison de ses formes généreuses rappelant celles de la star américaine, est décédée après une opération de lifting brésilien en Colombie.
"Je refuse de pratiquer cette opération dans environ 90% des cas"
Le docteur Edery confie qu’il refuse de pratiquer le lifting brésilien dans 90% des cas. La principale raison étant le profil des patientes. "J’élimine toutes les patientes qui n’ont pas d’excès graisseux." Un point qui retient toute notre attention. Le spécialiste nous confirme que les candidates de télé-réalité influencent l’attrait des patientes pour le lifting brésilien. Souvent, ces jeunes femmes participant à de la "docu-réalité" n’affichent pas un excès graisseux justifiant une juste répartie au niveau des fesses. Le chirurgien précise qu’il élimine également les profils des personnes en surpoids ainsi que les fumeuses "car les risques d’infection et de nécrose sont plus importants."
Le tourisme de la chirurgie
Lorsque l’on tape "lifting brésilien" sur les moteurs, parmi les recherches associées, on découvre "lifting brésilien prix Tunisie". Et pour cause. De nombreuses candidates s’offrent un voyage en Tunisie ou en Turquie pour se faire opérer. La raison ? Des conditions d’admission moins strictes et des tarifs alléchants.
Sur le site "clinique-espoir-tunisie.com", on propose un forfait à partir de 1800 euros comprenant :
"Honoraires du chirurgien esthétique
Honoraires du médecin anesthésiste
Prise en charge en clinique
Séjour de convalescence en hôtel »
Le site privilegesthetic.com/, mentionne que le prix du lifting brésilien comprenant l’intervention et "le séjour de 4 nuitées" est de 2700 euros. Dans un français approximatif, la plateforme précise : "Vous bénéficiez de prix attractifs beaucoup plus abordables que ceux pratiqués en Europe tout en profitant du savoir-faire des chirurgiens certifiés et de réputation internationale sans compter la modernité de nos infrastructures médicales."
Pour le chirurgien, le boom du tourisme esthétique s’explique par le prix, la faisabilité de l’intervention "beaucoup plus simple à organiser dans ces pays qu’en France" et la promotion sur les réseaux sociaux par les candidates de télé-réalité. "Les patientes arrivent deux ou trois jours avant l’intervention, voient le chirurgien pour la première fois et sont mises au bloc le lendemain. Tandis qu’en France et en Europe, il faut avoir eu au préalable plusieurs consultations et avoir respecté un délai légal de "14 jours entre la première consultation avec remise du devis et la signature du devis", ce délai ayant essentiellement pour but de laisser à la patiente le temps de la réflexion afin que cette dernière puisse mûrir sa décision et recueillir, si elle le désire, d’autres avis chirurgicaux.
Mais ce n'est pas le travail de ses confrères étrangers que pointe du doigt le docteur Edery. Il alerte surtout sur le manque de suivi. "On ne va pas jeter la pierre sur nos collègues étrangers. Mais toute chirurgie représente des risques. Lorsque l’on prend l’avion quelques jours après et que le suivi avec le chirurgien n’est pas assuré parce qu’il est difficile de le contacter, on se retrouve avec des patientes qui sont perdues sur l’évolution post-opératoire avec des cicatrices ou des pansements tachés. Parfois, elles présentent des complications plus importantes comme des abcès ou, lorsque c’est le cas d’implants, des infections. Dans ces cas-là, il faut les opérer d’urgence pour retirer l’implant infecté."
Compte tenu du caractère délicat de l’intervention, existe-t-il d’autres alternatives ? "Il n’y en a pas de très bonnes. La technique des implants fessiers a l’avantage d’être simple. L’inconvénient est que c’est un corps étranger dans une zone fragile qui peut s’infecter plus rapidement. Les injections d’acide hyaluronique ont quant à elles l’inconvénient de ne pas être définitives. "C’est pour cela que le lifting brésilien a autant la cote" explique le spécialiste.
Aux États-Unis, où la demande de lifting brésilien ne cesse de croître, des techniques sont sur le point d’être élaborées pour diminuer les risques de détresse respiratoire ou défaillance cardio-pulmonaire après le BBL. "Des chirurgiens américains suggèrent d’envisager l’opération avec une sonde d’échographie pour mieux localiser les vaisseaux et être sûr de ne pas injecter de la graisse à l’intérieur. C’est un peu l’avenir du lifting brésilien en termes de sécurité."
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