Livres : le top 10 du mois de février
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Livres : le top 10 du mois de février
Hors de question de bafouer nos bonnes résolutions adoptées le mois dernier. Donc on continue d’allonger notre liste de livres à lire absolument. En panne d’inspiration ? On vous conseille une sélection de dix pépites littéraires qui raviront votre cœur de bookovore. Promis.Romans, polars et bandes dessinéesCe mois-ci, on élargit ses horizons et on pioche dans tous les genres. Romans, livres pour enfants et récits personnels : vous n’aurez que l’embarras du choix. Alors n’attendez plus et misez sur les ouvrages qui vous semblent les plus captivants. Cap sur notre top 10, lu et approuvé par la rédaction. - 2/7
« Le bonheur est au fond du couloir à gauche », de J.M. Erre (Buchet-Chastel)
Chacun a son secret afin de conjurer la déprime. Pour Michel H., fan inconditionnel de son homonyme qu'il tient pour un « grand écrivain humoristique », ce sont les discours politiques. En particulier, ceux de notre brillant président : « Aucun obstacle ne peut arrêter une force en marche. Emmanuel l'a dit. Moi aussi, je suis capable de faire bouger les lignes, d'accomplir mon projet, de réaliser mon rêve. » Seulement ce matin, ça ne suffira pas. Bérénice, avec qui il vivait depuis trois semaines la plus longue idylle de sa vie, s'en est allée. Quelque chose a dû encore clocher, mais quoi ? Fort dépourvu dans sa solitude revenue, il se rue sur Internet, étourdi de psychotropes enfilés plus vite que des colliers de bonbons. Après s'y être délesté d'une bonne partie de son RSA – notamment dans les poches d'un marabout virtuel –, Michel tombe sur la page providentielle de Martine. Du haut de sa science de blogueuse, à Gaillac, elle y professe cette imparable vérité : pour rendre heureux son prochain, il faut l'être soi-même. Ça tombe bien, Bérénice a laissé derrière elle pléthore de manuels garantissant la félicité éternelle. Plein de bonne volonté, notre héros les essaiera tous, les gratifiant d'une pluie d'étoiles sur « le-site-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom ». L'occasion pour l'auteur de passer en revue toutes nos toquades contemporaines et leurs injonctions paradoxales, dans cette irrésistible pochade qui se révèle aussi un parfait exutoire. « On dira ce qu'on voudra mais la littérature, c'est quelque chose ! »
Jeanne de Ménibus
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« Trois nuits dans la vie de Berthe Morisot », de Mika Birmann (Anacharsis)
L'année dernière, un certain Mika Birmann signait « Trois jours dans la vie de Paul Cézanne », un petit livre de quatre-vingts pages, aussi modeste que délicieux, qui suivait le peintre dans la garrigue, chevalet sur l'épaule, discutant affaires avec son frère ou pestant contre la bonne qui avait encore dérangé ses pommes. Sous forme de suite ou de diptyque, c'est Berthe Morisot qui passe à présent sous sa plume, ou plutôt son pinceau – car Birmann, qui est aussi historien de l'art, écrit comme un peintre peint. « Le train file à travers champs comme une maille dans un bas de soie », lance la première phrase. Dans le wagon, Berthe est assise avec son mari, Eugène Manet, le frère du célèbre impressionniste. C'est l'été, tous deux vont passer quelques jours à la campagne, et à la gare les attend Nine, une jeune rousse aux pieds nus, qui leur ouvre la maison, prépare les lits et fait briller l'œil d'Eugène. Berthe n'a jamais vu son mari tout nu, mais être loin de Paris lui donne de l'audace, et pas seulement sur la toile. En trois jours et trois nuits, Birmann imagine ce séjour plein de premières fois et trace le portrait bien vivant d'une femme plus si jeune déjà, têtue et sensuelle, qui commence un tableau, se jette dans la rivière, ou s'installe résolument pour observer son sexe dans un miroir. « Le nu est partout, sauf dans la vie », se dit-elle. Comme on sentait la garrigue autour de Cézanne, on sent ici le soleil sur les blés, la lune en été, l'intimité du couple et plus loin les rivalités entre artistes, les salons parisiens, la révolution impressionniste. Magnifiquement écrit, allègre et précis, ce livre est un petit tableau de maître, qui complète à merveille son précédent masculin par sa malice, son érotisme et ses odeurs de femme.
Marguerite Baux
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« Pureté », de Garth Greenwell (Grasset)
À Sofia, un professeur de littérature américain a rendez-vous avec un de ses étudiants bulgares. Alors qu'ils font chemin vers un restaurant, le professeur-narrateur réfléchit sur la morphologie de la ville où il vit depuis deux ans, sur son rôle d'enseignant, cette « fierté d'artisan » qu'il tire de son talent pour éveiller de jeunes esprits à l'amour des mots. Mais l'élève n'est pas là pour rêvasser : il est homosexuel dans un pays rétrograde, il est amoureux de son meilleur ami hétéro. Il souffre. Et il choisit de s'en ouvrir à ce prof, reconnu comme gay et élu comme confident. La scène est simple, triste, irrésolue : le jeune parle, l'adulte écoute, échoue à offrir une consolation, s'interroge en son for intérieur sur ce qu'il en coûte de survivre à un chagrin d'amour. Lorsque s'ouvre le deuxième chapitre, le narrateur est sur le pas de la porte d'un inconnu. Plus de vingt pages durant, il se soumet aux fantasmes sadiques d'un homme rencontré en ligne. Le récit est pornographique. La langue, sublime. Souffrance, amour, jouissance, érotisme, honte, secret : Garth Greenwell entrelace tout, comme dans la vie. On sort du passage sonné par tant de vérité, peu habitué, dans une époque littéraire finalement prude à lire le sexe ainsi, à nu, comme un intermède dans un récit qui reprend, au troisième chapitre, sa forme habillée : le narrateur arpente les rues de la capitale bulgare un jour de grande manifestation contre le pouvoir en place. La deuxième partie est le cœur lumineux du livre, le récit d'une histoire d'amour qui emmène le couple à Bologne et à Venise, où deux hommes peuvent se tenir la main sans risquer le passage à tabac. Là encore, le plaisir, le bonheur, l'intimité, la perte. Cet homme nous parle à l'oreille et semble ne rien cacher. Comme le fils spirituel d'Edmund White, ou l'hériter d'un James Salter, débarrassé des attributs ronflants de la masculinité bravache, Greenwell fait revenir le sexe en littérature en lui donnant sa juste place. Il n'y a en lui aucune provocation, et la pureté de son style enveloppe chaque phrase d'un halo de poésie. C'est limpide, et c'est beau.
Clémentine Goldszal
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« Poupées », d'Éléonore Pourriat (JC Lattès)
Elles ont 15 ans au moment de leur rencontre. Un point commun scelle leur amitié : un être leur manque. Joy n'a plus sa mère et Stella ne voit presque plus son père. Ces adolescentes amputées d'un parent se sont trouvées. Elles se jurent un amour éternel jusqu'à ce que Stella rompe brutalement avec Joy, sans explications. Petit à petit, le roman avance d'une trentaine d'années, il pénètre dans les coulisses de cette séparation et en livre la clé : l'emprise masculine, en l'occurrence celle du père de Joy sur Stella. Joy ne se doutait de rien. Quand les filles ont 15 ans, cet homme se sent tout-puissant grâce à l'autorité que lui octroie sa profession. Il est policier et se qualifie de « flic-sans-peur-et-sans-reproche ». On n'est jamais mieux servi que par soi-même. Sans amertume, mais avec une plume qui donne des coups d'épée, « Poupées » explore des sujets essentiels et des situations dans lesquelles de nombreuses femmes se reconnaîtront : le brouillard qui enveloppe une adolescente lorsqu'elle découvre le désir, notamment celui des autres pour elle, et l'ambiguïté d'un père qui assure à sa fille qu'il est le plus fort de tous, qu'il est l'homme de sa vie, en somme. « Poupées » est aussi un tableau de la bohème intellectuelle des années 1980. Stella a une mère délicieuse, qui s'entoure uniquement d'hommes. Ce sont des amis, des amants, des artistes, ils lisent « Actuel » et chantent les louanges de la liberté. Éléonore Pourriat, dont « Poupées » est le deuxième roman, a réalisé en 2018 pour Netflix « Je ne suis pas un homme facile », un film qui connut un grand succès public et dont le thème était le rapport de force entre les sexes. Ici, les hommes exercent un ascendant à travers leur âge. Ce sont « des pères, il y a une ligne infranchissable entre eux et nous », pense Joy pour se rassurer.
Virginie Bloch-Lainé
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« Elle, la mère », d'Emmanuel Chaussade (Les Éditions de Minuit)
« Les secrets de famille les mieux gardés sont ceux qui n'ont jamais été interrogés. » Le fils n'aura pourtant cessé d'interroger en silence cette mère, morte d'avoir été mal aimée. Qui était vraiment cette femme aux allures de petite fille, à la fois libérée et soumise, qui aimait tant la vie qui pourtant le lui rendait si mal ? Qui était effrayée par l'amour, à commencer par celui, défaillant, de ses parents. Un vide qui trouvera écho dans le mépris d'une belle-famille, d'un mari qui l'ignore, de ses enfants qui la délaissent. Mais l'impossibilité de l'amour est un modèle comme un autre, et la mère ne se départit pas de ses sourires en rempart contre l'adversité. Le premier roman d'Emmanuel Chaussade saisit – avec une crudité qui n'empêche jamais la pudeur – la vérité d'une vie à la fois tristement banale et profondément singulière ; et avec elle un peu de ces autres vies mêlées à la sienne, souvent à regret. Mais « Elle, la mère » est aussi une réflexion sensible sur ce que nos morts emportent de nous, et qui demeure enfoui sous terre à leurs côtés : nos silences et nos amours déçus, notre insatiable besoin de consolation. C'est surtout l'histoire d'un regard : celui, jamais complaisant mais toujours tendre, d'un enfant sur sa mère, et qui finalement l'aura portée toute sa vie. L'hommage ultime d'un fils qui sera le seul à la reconnaître, car il n'y a pas que les pères qui reconnaissent leurs enfants : « Le fils mémorise le visage de sa mère, pour plus tard. Quand elle ne sera plus qu'un souvenir. […] Le fils sent ses cheveux quand il lui pose un baiser sur le front, avant de s'en aller. »
Avril Ventura
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« La maison des Hollandais », d'Ann Patchett, (Actes Sud)
Les habitations, immeubles gris ou résidences de vacances, avec leurs recoins et leurs pièces cachées, sont un terrain romanesque fort constructible. Ann Patchett ajoute une nouvelle pierre au genre en imaginant une fiction bâtie sur une splendeur honnie. Quelle folie est donc passée par la tête de Conroy, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour imaginer que la plus belle maison de Pennsylvanie rendrait heureuse son épouse, cette jeune fille qu'il a été chercher chez les nonnes pour la demander en mariage ? Autant jeter Elna dans une fosse aux lions. La demeure est splendide, spectaculaire mais pas du tout son genre. Par ce mauvais choix immobilier, un père transforme sa femme, ses deux enfants et même les domestiques en marionnettes d'un épisode tragique de conte de fées. Des années plus tard, alors que la maison leur a été ravie par une marâtre – elle aussi de conte de fées –, les enfants Maeve et Danny sont toujours ensorcelés. Régulièrement, ils reviennent ensemble griller des cigarettes dans une voiture garée sous ses fenêtres.
L'auteure d'« Orange amère » signe un roman à double fond. Sous couvert de percer à jour les secrets d'une famille taiseuse et en morceaux, elle ausculte le rapport qu'un individu entretient avec son passé. Maeve et Danny ont certes la même mère, mais pas la même appréhension de sa disparition subite alors que Maeve était adolescente et Danny un garçonnet de 4 ans. Pour l'une, l'enfance est un paradis, pour l'autre un incendie. « Quel genre d'être humain abandonne ses enfants ? » demande le frère à sa sœur. « Les hommes passent leur vie à abandonner leurs enfants et ils sont universellement célébrés pour ça », lui répond-elle, citant Bouddha et Ulysse. Du pardon ou de la revanche, quel est le terrain le plus propice pour bâtir une existence, alors même qu'on agit déjà, non en toute liberté, mais mû par des sentiments hérités de ses ascendants déglingués ? La réponse est aussi subtile que ces personnages férocement loyaux.
Olivia de Lamberterie
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