L'édito de ELLE : « La nuit afghane », par Marion Ruggieri
L'édito de la semaine.
Elle a 21 ans mais semble hors d’âge. Elle est déjà mère de six bambins, dont le dernier tète un sein vide. Elle a le regard creux, fuyant lorsqu’elle dit avoir vendu trois de ses filles pour quelques centaines d’euros. Elle fait la manche dans la rue, entre les voitures, avec les aînés. Tombe à terre comme un sac et rejoint ces fantômes affamés sous leurs tchadris, abandonnés à même les trottoirs. Ce qui se passe en Afghanistan est terrifiant. Les images inédites rapportées par la journaliste Solène Chalvon-Fioriti*, qui a vécu là-bas dix ans et qui a recueilli des témoignages de femmes à visage découvert jusqu’à la fin de l’année dernière, soit un an et demi après le retour des talibans, viennent le marteler encore et encore.
La peur au ventre
Naître femme en Afghanistan est une malédiction : du premier jour (images atroces tournées à la maternité où les bébés garçons sont « raptés » par les belles-mères et les bébés filles malmenés) jusqu’au dernier (les femmes sont bannies des cimetières même quand il s’agit d’y enterrer leurs adolescentes mortes d’avoir voulu étudier). Entre les deux ? Il y a la séquestration, la peur, et les stratégies, puisque tout ou presque leur est désormais interdit. La résistance, aussi, de cette kiné harcelée par un collègue, de cette cheffe d’entreprise qui fabrique des serviettes hygiéniques, de cette paysanne battue qui réclame justice aux talibans, ou de cette...
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