La majorité des salariés aime les potins de bureau et c’est un problème selon cette experte
VIE DE BUREAU - Que celui qui n’a jamais chuchoté à la machine à café jette la première pierre. Une étude publiée ce jeudi 16 novembre a révélé que les ragots sont le sujet de conversation préféré de 69 % des salariés français, et de 75 % des managers.
Des chiffres peu surprenants quand on sait que le commérage est une pratique humaine ancestrale. En 2019, le professeur de psychologie Mark Leary expliquait en interview que les ragots sont un « instinct humain fondamental » servant un besoin d’avoir « autant d’informations que possible sur les gens autour, les règles du groupe, les personnalités et points de vue, etc. ».
Mais dans l’environnement feutré des bureaux, ce besoin peut avoir des conséquences négatives aussi bien pour ceux qui participent aux potins que pour ceux qui en font les frais. C’est ce qu’explique Juliette Naji-Dumas, directrice d’agence d’inclusion et spécialiste des ressources humaines, que Le HuffPost a fait réagir à ces chiffres.
La majorité des salariés aime les potins de bureau, et ça pose beaucoup de questions
Que vous évoquent ces chiffres sur les ragots ?
À titre personnel, les ragots sont l’une des premières choses qui m’ont choquée quand j’ai intégré le monde du travail. Depuis, j’ai vu la même chose dans de nombreuses entreprises : des personnes un peu isolées, dans leur coin, et des gens qui les critiquaient. Ça peut être extrêmement blessant.
Le fait que les ragots soient le sujet préféré de 75 % des managers est également inquiétant : le rôle du manager, c’est de défendre un esprit collectif, de chercher les biais de son équipe, et d’être exemplaire à ce sujet.
Mais dans le cadre du travail, les ragots ne peuvent-ils pas être utiles pour se confier ou relâcher la pression ?
Dans le ragot, il y a souvent un besoin qui s’exprime. Lors d’un déménagement ou d’une réorganisation d’entreprise, par exemple, on voit fleurir beaucoup de bruits de couloir. Mais ce qui s’exprime, c’est la peur, l’impression de ne pas pouvoir faire confiance. Dans ce cas-là, c’est aux managers et à la direction de faire des points, d’être transparent, de donner l’occasion aux salariés de s’exprimer.
C’est également important que les salariés puissent exprimer leurs doutes entre eux, sans supérieurs hiérarchiques. Et si quelqu’un dépasse les limites du respect ou qu’une situation problématique se met en place, pouvoir en parler discrètement à ses collègues est nécessaire. Cela permet de s’entendre dire « tu as raison, ce que tu as vécu n’est pas normal ». De manière générale, avoir des espaces où se réconforter est une très bonne chose. Mais à mon sens, c’est différent du « potin ».
Vous recommandez donc d’éviter les commérages en entreprise ?
Il y a un effet boomerang aux commérages. Parler des autres, à court terme, peut être une manière de s’intégrer et de créer du lien sans avoir à parler de soi. Mais à long terme, ça empêche le bon travail d’équipe et ça crée des problèmes. Cela peut isoler certaines personnes, participer à créer des tensions, diffuser des informations fausses… Ce qui apporte de la productivité, c’est la capacité à travailler ensemble, pas les petites guerres.
Par ailleurs, beaucoup de ragots naissent de l’absence de transparence en entreprise. Quand on cache tout, on les alimente. Dans une équipe où tout le monde connaît le salaire des uns et des autres et où on peut en parler librement, où tout est expliqué et justifié, il y a moins de messes basses.
Comment distinguer les ragots et les situations toxiques ou le harcèlement ?
Je dirais la question n’est pas là. Dans une grande partie des cas, les personnes qui harcèlent ne se rendent pas compte qu’elles harcèlent. Entre ragot et harcèlement, blague et harcèlement, les limites ne sont pas toujours évidentes et quand on ne connaît pas le vécu de la personne dont on parle, on ne sait pas de quelle manière cela peut l’affecter. C’est pour ça qu’il faut se dire de manière très claire que parler des autres quand ils ne sont pas là, même quand l’intention n’est pas méchante, ce n’est pas OK.
Je conseille plutôt l’honnêteté envers soi-même. Plutôt que de « bitcher », j’essaierais de me demander pourquoi cette situation me dérange ou m’énerve. Travailler sur soi est souvent plus positif que de se préoccuper des autres.
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