Mohamed Bouhafsi : son combat contre le racisme ordinaire
Depuis 24h, Mohamed Bouhafsi est la nouvelle star de Twitter. En démontant l'argumentaire de la sénatrice LR Valérie Boyer sur la polémique du genou à terre avorté des Bleus lors de leur premier match de l'Euro face à l'Allemagne, il a prouvé une fois de plus sa volonté de ne pas laisser de place au racisme à son antenne. Un combat qui lui a toujours tenu à coeur.
Ce mercredi 16 juin 2021, à l'antenne de BFMTV, la sénatrice LR Valérie Boyer a commenté la volonté des joueurs de l'équipe de France de football de mettre un genou à terre pour dénoncer le racisme dans leur sport. Cette dernière estime que "la France n'est pas un pays raciste", ce geste n'avait pas lieu d'être. "Je pense qu’il y a des causes en France, comme la cause des femmes, la cause des violences conjugales (...), qui sont vraiment des choses qui se passent chez nous, qui sont révoltantes et qui méritent l’adhésion nationale. Je ne crois pas que le racisme ce soit le cas aujourd’hui, en tout cas pas dans l’équipe de France, pas en sport, et la France n’est pas un pays raciste."
Vidéo. La Face Katché - Son passé d'enfant battu, ses débuts marqués par le racisme : le témoignage bouleversant de Mohamed Bouhafsi
Un discours recadré par Mohamed Bouhafsi
Mais pour Mohamed Bouhafsi, rédacteur en chef football à RMC Sport et BFM TV, pas question de laisser qui que ce soit propager de fausses rumeurs à l'antenne. "Il y a plusieurs éléments qui ne sont pas fondés, qui ne sont pas factuels dans les propos qu’elle peut tenir", a affirmé le présentateur de l'émission Top of the Foot. Avant de préciser : "Antoine Griezmann, star de l’équipe de France, s’est engagé profondément dans la lutte contre l’homophobie et a fait la Une de Têtu. Il s’est expliqué et soutient par exemple aussi la cause des violences conjugales. (...) Les joueurs de l’équipe de France n’ont pas voulu prolonger le mouvement Black Lives Matter, il n’y a aucune importation de ce qui se passe aux Etats-Unis, juste une volonté de soutenir les gens qui vivent des incidents racistes aux Etats-Unis ou en Europe, ça peut aussi être le cas parfois en France." Une déclaration qui a été largement saluée sur Twitter, et même qualifiée de "masterclass".
On lui a conseillé de changer de prénom
Il faut dire que le journaliste connaît bien le racisme : il le subit depuis sa plus tendre enfance. Un fléau qui l'a suivi jusque dans le monde du travail, ainsi qu'il l'a raconté à Manu Katché dans son émission Face Katché. "Un jour, alors que j'étais en stage chez Radio France, je rencontre un directeur, qui est une personnalité influente du monde des médias. Il me dit : "Tu sais, Mohamed ça ne marchera pas. Momo, ça marchera pas. C'est encore pire. Momo, c'est le mec qui vend des 'Vache qui rit'. Il me dit : 'C'est l'épicier en bas de la rue. Les gens ne sont pas prêts. Les Français ne sont pas prêts à écouter une voix qu'on appelle Momo'. Et je le regarde comme ça, et franchement, j'ai pris un uppercut."
Video. La Face Katché - Mohamed Bouhafsi : "On m'a dit 'Mohamed, ça marchera pas. Tu devrais essayer Max'"
Face à ce discours, Mohamed Bouhafsi a refusé de s'énerver, mais n'a pas plié : "Je lui ai dit : 'C'est simple, je ne vais pas renier mon nom pour vous, et ça, ça ne va pas le faire, donc on va se dire au revoir'. Il me répond : 'Réfléchis bien, parce que je pense vraiment que Max ou Léo, c'est pas mal'. Je me suis dit : 'Ne t'énerve pas. Ne te mets pas en colère. N'aie pas la haine. Montre-lui que dans quelques semaines, tu seras à l'antenne dans une autre radio puissante, et tu montreras que c'est Mohammed qui est à l'antenne'."
Non, il n'a pas un prénom de terroriste
Si cette histoire a définitivement marqué le journaliste, ce n'est pas la seule fois où quelqu'un s'en est pris à son prénom. En 2019, il dénonçait sur Twitter les nombreux messages racistes qu'il recevait de la part d'internautes, souvent proches du Rassemblement national.
Voilà ce que l’on peut encore recevoir en 2019. 🤮🤦🏽♂️🤮 pic.twitter.com/fRUM3FnZt8
— Mohamed Bouhafsi (@mohamedbouhafsi) December 5, 2019
Ces derniers tournent ses origines en dérision, l'insultent, et un homme est même allé encore plus loin : "J'ai eu un incident sur Twitter, un échange violent avec un mec du Rassemblement national qui m'a dit : "Vous avec une solidarité des prénoms avec les terroristes." Qu'est-ce que tu veux faire ? On ne peut répondre qu'une chose, c'est avec le mépris." Lui préfère être fier de son prénom : "S'appeler Mohamed en 2021, c'est beau parce que ça prouve que notre pays donne sa chance à tout le monde. Et être Mohamed en 2021 en France, ce n'est pas plus dur que Mamadou, Axel qui habite au fin fond de la campagne. Menons ce combat ensemble, ne lâchons rien, on n'est pas condamnés à l'échec. Et à la fin, on verra que notre pays sera plus beau, parce qu'on a vraiment le plus beau pays du monde." Il veut d'ailleurs prouver aux racistes que l'on peut s'appeler Mohamed et faire plus pour la France que ceux qui rejettent les autres à cause de leur couleur de peau.
Il veut faire la peau aux clichés racistes
Depuis toujours, le journaliste a une volonté : celle de retourner les clichés sur les personnes racisées. "Quand je travaille, que je réussis quelque chose, ou que je me bats pour ça, je me dis que je le fais pour deux choses. Et je ne devrais pas le faire pour ces choses-là. Je le fais pour que les gens comprennent aussi qu'un 'Mohamed', c'est aussi un mec bien. Ce n'est pas que les voitures qui brûlent, ce n'est pas que les quartiers, les cités." Mais aussi pour servir d'exemple à "tous ces jeunes qui sont en quartier, qui sont dans la difficulté". "Je me dis que ces gens-là, s'ils peuvent comprendre qu'on n'est pas condamné à l'échec, qu'on peut réussir, qu'on peut se battre et qu'on peut atteindre ses objectifs, c'est formidable", a-t-il ajouté.
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