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A l'approche des nominations aux Oscars, le réalisateur Jacques Audiard revient sur "Emilia Perez", son "film transgenre" sur un narcotrafiquant mexicain qui devient une femme, et livre ses réflexions sur l'industrie du cinéma américaine confrontée aux incendies de Los Angeles.Prix du jury à Cannes et récompensé par quatre Golden Globes, dont celui de la meilleure comédie et du meilleur second rôle féminin pour Zoe Saldaña, "Emilia Perez" figure parmi les prétendants aux Oscars, où son diffuseur Netflix le pousse dans toutes les catégories majeures, y compris celle du meilleur film."C'est un film qui a été tourné à Paris, parlant espagnol. C'est un film bâtard", s'amuse le cinéaste de 72 ans lors d'un entretien accordé à l'AFP à la Cinémathèque de Bogota.Casquette, lunettes de soleil et chemise à motif léopard assortie à ses chaussures, le réalisateur explique la genèse de son œuvre, une comédie musicale surréaliste narrant le repentir d'un puissant baron mexicain de la drogue qui orchestre sa disparition pour réaliser son aspiration profonde: devenir une femme, Emilia.Enfin libre d'être elle-même, l'ex-criminelle monte une association d'aide aux victimes du narcotrafic. Elle renoue aussi avec sa femme et ses enfants, qui la croient morte, en se faisant passer pour une parente éloignée."C'est un film transgenre" car il "passe par des genres différents", souligne Jacques Audiard. "Il m'est apparu que le film devait changer de genre, à l'instar du personnage principal et à l'instar de tous les personnages".- Narcoculture -Déjà récompensé par plusieurs prix, le film divise au Mexique, le pays qui l'a inspiré. Critiqué pour son manque de rigueur sur des sujets sensibles comme les disparus et la violence, il lui est aussi reproché d'avoir privilégié le tournage en studios en France et de n'avoir qu'une seule actrice mexicaine dans son casting.Le film est le fruit d'une "documentation sociologique, criminelle" de plus de quatre ans, avec des dizaines d'interviews, affirme son auteur, qui se défend toutefois d'avoir voulu faire "un documentaire". "Le travail d'adaptation vers le cinéma a été très long", explique-t-il.Avant "Emilia Pérez", Jacques Audiard avait songé en 2016 à "faire une comédie musicale sur les narcos en Colombie", plus grand producteur de cocaïne au monde.Le réalisateur de "Un prophète" (2009), film qui touchait déjà au thème du trafic de drogue, rejette cependant toute "fascination" pour les représentations des narcotrafiquants."Je ne supporte pas toutes les attaques faites à la démocratie. La narcoculture est une attaque à la démocratie", affirme-t-il."Ce que j'ai senti en Amérique du Sud, dans les pays comme le Mexique, c'est le drame social et humain" que crée le narcotrafic. "Des gens ont disparu, on ne les retrouve pas. C'est ça qui me touche".- "Nouveaux modèles" -L'annonce des nominations aux Oscars se fera en ligne jeudi, après deux reports en raison des flammes qui ont dévoré une partie de Los Angeles depuis début janvier, faisant au moins 27 morts.Ces incendies constituent un coup dur pour Hollywood et son industrie du cinéma déjà en difficulté. Des acteurs, scénaristes et producteurs ont vu leur logement détruit par les flammes, des productions cinématographiques et télévisuelles ont été temporairement suspendues.Interrogé sur les Oscars, le réalisateur a estimé qu'"avec ce qui s'est passé à Los Angeles, la grande difficulté qu'ils (les Américains) doivent connaître en ce moment, ils vont devoir, à mon avis (...) jouer local. Ils vont devoir se réaffirmer ou retrouver de la confiance. Ça passera probablement par leur cinéma". "Je crois que l'industrie américaine a besoin de nouveaux modèles", loin des blockbusters, confie Jacques Audiard, dont la filmographie fait la part belle aux personnages marginaux.lv/pld/esp/lpa