Pornographie : entre visionnage non consenti et pratiques violentes, les premières vidéos marquent parfois à vie
L’exposition aux premières images pornos, surtout à un très jeune âge, peut avoir des conséquences durables sur le rapport à la sexualité. Cinq personnes témoignent.
SEXUALITÉ - Trop tôt, trop jeune. S’il est difficile de connaître l’âge moyen du premier contact avec du contenu pornographique, une chose est sûre : les mineurs sont de plus en plus nombreux à en consommer.
Selon un sondage de l’Ifop pour MonPetitVPV, publié ce mercredi 4 octobre 2023, le nombre de jeunes (18-24 ans) initiés à la pornographie en ligne avant l’âge de 15 ans a doublé au cours des dix dernières années, passant de 30 % en 2013 à 57 % en 2023. Parmi les jeunes, ils sont 53 % à estimer qu’ils n’avaient pas l’âge de visionner du porno la première fois qu’ils y ont été confrontés.
Car cette première fois peut être marquante, voire choquante, quand on n’est pas préparé aux images explicites et parfois violentes. Pour Le HuffPost, cinq personnes racontent les circonstances dans lesquelles elles ont vu leur premier porno. Une expérience qui peut laisser des traces dans la construction de sa sexualité.
Léa*, 25 ans : « Je ne l’ai pas regardé de mon plein gré »
Vers l’âge de 11 ans, Léa a été forcée de regarder son premier porno dans la cour du collège. « Les garçons m’ont mis un téléphone portable devant les yeux. Je ne l’ai pas regardé de mon plein gré », se souvient Léa. Son ressenti : « Ça n’avait pas l’air du tout agréable. Sur le coup, j’étais dégoûtée. J’étais aussi déçue que le sexe ressemble à ça. Je me suis dit : “il va falloir faire ça”. Et je n’avais pas envie. »
À cet âge-là, Léa ne pensait pas que la sexualité pouvait être violente. « Les trucs extrêmes, le fait de faire plaisir à l’autre avant de penser à soi… C’était très présent dans ma sexualité quand j’étais plus jeune. Je les ai en partie intégrés à cause du porno », nous glisse-t-elle. Aujourd’hui, elle « ose espérer avoir défait ces images de [sa] tête », même si elle continue de consommer (et aimer) majoritairement de la pornographie mainstream, qui reproduit donc souvent encore les schémas de domination traditionnels.
Laurent, 31 ans : « Le porno a influencé ma sexualité par logique de mimétisme »
« Une cassette VHS sans boîtier des années 80, ça donne envie de savoir ce que c’est. Et ce n’était pas Babar ou Oui-Oui. » C’est comme ça que Laurent a accédé à son premier film chez ses grands-parents. Il se souvient d’y avoir vu quelques pratiques « hards » qui le choquent alors. « Je me rappelle m’être dit “Mais pourquoi il(s) regarde(nt) ça ? Pourquoi la femme à l’air d’avoir mal ? »
À l’époque, il ressent aussi une sorte de fascination et de curiosité. « Je pense que le porno a influencé ma sexualité par logique de mimétisme. Pour moi, le sexe, c’était la domination de l’homme sur la femme, pour le plaisir de l’homme. Et ça m’a accompagné de nombreuses années », raconte-t-il. Mais Laurent a réussi à déconstruire cette image, « peut-être pas à 100 % », grâce à beaucoup de témoignages sur les mauvais messages délivrés par le porno et à l’arrivée de contenus plus éthiques comme ceux d’Erika Lust ou d’Ovidie.
Fanny, 24 ans : « J’étais excitée malgré moi par quelque chose par lequel je n’avais pas envie d’être excitée »
C’est durant sa scolarité au collège que Fanny a eu accès à ses premières vidéos. Quand trois amis lui proposent de visionner du porno, elle admet être « contente d’en regarder », mais s’être aussi sentie « un peu forcée ».
« On a regardé des vidéos avec des viols, des femmes qui se font étouffer ou pénétrer de force. Ces images ne sont pas sorties de ma tête depuis », relate la jeune femme, qui s’est sentie confuse et dégoûtée : « J’étais excité malgré moi par quelque chose par lequel je n’avais pas envie d’être excitée. Je ne contrôlais pas. Et je n’avais pas envie que ma sexualité ressemble à ça. »
Troublée, Fanny continue malgré tout à visionner du X durant son adolescence, mais évite les contenus « hardcores ». « Ça m’excitait très rapidement. Mais à chaque fois, j’avais honte d’en regarder », admet-elle. Aujourd’hui, elle consomme toujours du porno, mais s’assure d’inclure des productions alternatives qui ne montrent pas une vision phallo centrée de la sexualité et dans lesquelles elle a la certitude que les actrices sont bien traitées.
Simon, 32 ans : « Je voyais bien que la fille n’aimait pas »
« J’avais téléchargé un clip de Booba sur Kazaa, sauf que c’était un porno. » C’est donc par inadvertance que Simon a vu son premier porno à 13 ans. « J’ai trouvé ça dégoûtant et on voyait bien que la fille n’aimait pas ce que l’homme lui faisait », se rappelle-t-il.
Il reconnaît avoir été néanmoins curieux, « un peu comme quand on passe à côté d’un accident sur la route, on ne peut pas s’empêcher de regarder ». Même s’il a découvert la pornographie très tôt, Simon assure aujourd’hui n’avoir intégré que très peu de biais liés à cet univers dans sa sexualité. Avec le temps, il dit avoir compris la différence entre porno et réalité et assure avoir rejeté cette vision de la sexualité.
Aujourd’hui, il dit regarder uniquement des vidéos « éthiques », « principalement destinées aux femmes ou en tout cas du contenu où le plaisir féminin n’est pas simulé et bien mis en avant ».
Charlotte*, 36 ans : « J’ai trouvé cela horrible »
Charlotte a beau avoir découvert le porno plus tard, son impact a tout de même été dérangeant. Elle découvre le genre après le lycée, avec son petit ami de l’époque. Il lui propose de regarder des vidéos « soft » susceptible de lui plaire. C’est raté : « J’ai trouvé cela horrible. Même les scènes de masturbations féminines étaient violentes, et je n’ose même pas parler du reste. » Elle dit avoir été si bouleversée « que ce soit la vision de la sexualité du garçon dont [elle était] amoureuse » qu’elle en a pleuré.
C’est avec un autre de ses compagnons qu’elle se réconcilie un peu avec le genre, en regardant une vidéo « mettant en scène des couples qui se livraient à des pratiques avec une complicité et un respect mutuel ». Mais la vision de la sexualité promut dans le X la gêne beaucoup dans ses relations. En cause ? Elle ressent un « inconfort face au fait de devoir [se] confronter aux attentes d’un partenaire » et « craint d’être objetisée » lors de rapports sexuels.
*Les prénoms ont été changés.
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