Préservatifs gratuits : le succès de la mesure « montre que les jeunes ont envie de se protéger »
En janvier, deux millions de préservatifs ont été distribués gratuitement aux moins de 26 ans. Le dispositif est pour l’instant un succès alors que les IST sont en recrudescence chez les jeunes ces dernières années.
SANTÉ SEXUELLE - La capote, ça dépote. Depuis le 1er janvier 2023, les jeunes de moins de 26 ans peuvent se fournir gratuitement en préservatifs dans les pharmacies. Deux millions de protections ont été distribuées en seulement un mois, d’après le ministre de la Santé François Braun, contre 500 000 délivrés sur la même période en 2022. « Ce sont des estimations statistiques en attendant les chiffres de l’assurance maladie », tempère Philippe Besset, le président de Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France. Mais, selon lui, cette mesure est « clairement un succès ».
En janvier, 2 millions de préservatifs ont été remboursés par l’Assurance maladie aux moins de 26 ans, contre 500 0… https://t.co/BEOdkiq5oP
— François Braun (@FrcsBraun)
Ce dispositif est présenté par le gouvernement comme un outil supplémentaire pour lutter contre les infections sexuellement transmissibles, qui « sont en recrudescence chez les jeunes », selon Emmanuel Macron. Ces premiers chiffres « montrent que les jeunes ne sont pas complètement inconscients et qu’ils ont envie de se protéger », d’après Delphine Rahib, la chargée d’étude en santé sexuelle chez Santé Publique France. Mais ils ne permettent pas de savoir si les jeunes se protègent plus : « Est-ce qu’ils utilisent plus de préservatifs ? Ou est-ce que c’est un report des achats en pharmacie et en supermarché ? »
D’après Santé Publique France, le taux d’incidence des diagnostics de chlamydia chez les femmes de moins de 25 ans est passé de 3,2 personnes sur 1 000 en 2018 à 5,2 sur 1 000 en 2021. Sur la même période, il a doublé chez les hommes de cette même tranche d’âge (de 1,4 sur 1 000, à 2,9). Dans le même temps, le taux de dépistage aux IST a aussi augmenté, ce qui peut en partie expliquer la hausse des cas. Mais « l’augmentation des IST n’est pas uniquement due à la hausse des tests », estime Delphine Rahib.
« La confiance dans le préservatif a baissé »
Les dernières données chiffrées d’ampleur concernant l’utilisation du préservatif chez les jeunes datent de 2016, dans le baromètre de la Santé. « On ne peut donc pas montrer que la hausse des IST est liée à l’utilisation du préservatif », regrette Delphine Rahib. « Mais c’est une hypothèse qui est très forte. On a plusieurs indices qui nous disent que son utilisation a changé, même si les ventes se sont maintenues. Par exemple, entre 1990 et 2010, la confiance dans le préservatif a baissé », développe-t-elle.
Selon le baromètre de la Santé de 2016, 86,2 % des Français ont au moins utilisé un préservatif lors de leur premier rapport sexuel. « L’espace aveugle, c’est ce qui se passe entre le premier rapport avec un nouveau partenaire et le moment ou il n’y a plus de préservatif », analyse Delphine Rahib. La question est de savoir si « le dépistage intervient avant l’arrêt du préservatif ou après », quand il y a déjà eu contamination.
Le préservatif était encore en 2016 le moyen de contraception le plus utilisé par les femmes de 15 à 19 ans (45,6 %), parfois en association avec la pilule (dans 16,0 % des cas). « Quand on s’en sert comme contraceptif, on ne l’utilisera pas forcément à chaque rapport. Ce n’est pas la même utilisation quand on s’en sert pour se protéger contre les IST. Les gens nous disent : on utilise des méthodes naturelles et les préservatifs », relate la chargée d’étude.
C’est par exemple le cas d’Alice Guionnet, une jeune femme de 24 ans qui témoigne pour Le HuffPost après s’être rendue en pharmacie pour récupérer une boîte de 24 préservatifs gratuits : « J’ai déjà fait la technique du retrait quand je n’avais pas de capotes. Ce dispositif me pousse à mieux me protéger. »
Gratuité et simplicité
Alors si ce dispositif ne mettra pas fin à « l’épidémie des IST », selon Delphine Rahib, il « améliore l’image du préservatif, favorise son acceptation par l’autre partenaire et facilite son accès ». Pour en obtenir, rien de plus simple : il suffit de se rendre en pharmacie et de présenter sa carte vitale. Pour les personnes mineures, une simple déclaration sur l’honneur suffit à prouver son âge.
Quid de la possible gêne occasionnée en pharmacie au moment de demander ? « Je trouve que de ne plus payer pour des préservatifs rend la chose moins ’honteuse’, parce que ça va plus vite et ça la rend normale, comme un médicament qu’on délivre normalement sans poser de questions », nous dit Sarah Izard, une jeune professeure de mathématique de 24 ans qui se faisait déjà prescrire des préservatifs depuis quelques années.
Le fait de ne plus avoir besoin d’ordonnance « encourage tout le monde à se protéger, encore plus les plus jeunes qui peuvent être freinés par l’argent, ou même par un rendez-vous chez le médecin », estime-t-elle. Un constat que partage Alice : « Une boîte de capotes, ça coûte cher. Ce n’est pas forcément un frein mais c’est un budget. Je préférais mettre mon argent dans d’autres choses. » Avec sa boîte de 24 en poche, Alice a économisé… 5,20 euros.
VIDÉO - Emmanuel Macron annonce la gratuité du préservatif pour les 18-25 ans en pharmacie en 2023
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