Qu’est-ce que le sadfishing, cette nouvelle tendance des réseaux sociaux qui perturbe les enfants ?

Qu’est-ce que le sadfishing et comment affecte-t-il le bien-être psychologique ? [Photo : Getty]
Qu’est-ce que le sadfishing et comment affecte-t-il le bien-être psychologique ? [Photo : Getty]

Une nouvelle tendance des réseaux sociaux, appelée « sadfishing », est néfaste à la santé mentale des enfants, selon une récente étude.

Pour expliquer simplement ce qu’est le sadfishing, c’est lorsque quelqu’un publie quelque chose pour dire qu’il ne va pas bien, dans le but d’attirer l’attention ou la sympathie de ses abonnés.

Présent dans les dictionnaires en ligne, le terme de sadfishing est défini comme le fait d’écrire ses malheurs ou ses difficultés émotionnelles sur les réseaux sociaux, d’une manière particulièrement vague, pour attirer l’attention ou des réponses compatissantes.

D’après les experts du sujet, on doit cet engouement à des célébrités qui ont été accusées de publier des contenus en exagérant leurs problèmes, et ce pour générer de la sympathie et des clics vers leurs sites.

Les gens critiquent facilement les célébrités pour surjouer ces appels à la compassion, mais une nouvelle étude montre que les jeunes qui souffrent réellement font la même chose, quand ils se tournent vers internet pour chercher du soutien.

L’étude menée par Digital Awareness UK (DAUK) a découvert que les jeunes ayant de véritables problèmes psychologiques, et qui cherchent légitimement du soutien en ligne, font face à des critiques injustes et perturbantes. Ils sont accusés de chercher à se faire de la publicité.

Dans certains cas, ce rejet peut fragiliser la confiance en soi des adolescents déjà fragiles, notamment parce qu’ils sont ensuite harcelés.

Dans des cas plus extrêmes, ils peuvent être les proies de prédateurs sexuels.

Commandée par une association britannique de directeurs d’établissements scolaires (HMC), l’étude est basée sur des entretiens individuels avec plus de 50 000 enfants, âgés de 11 à 16 ans.

L’agence DAUK se dit « inquiète à propos du nombre d’élèves harcelés à cause du sadfishing (via des commentaires sur les réseaux sociaux, sur des applis de messagerie ou en personne), ce qui amplifie un problème psychologique qui pourrait être grave. Nous avons remarqué que les élèves sont souvent déçus de ne pas avoir trouvé, en ligne, le soutien dont ils avaient besoin.

Des prédateurs peuvent aussi utiliser des commentaires qui semblent appeler à l’aide, pour rencontrer des jeunes et gagner leur confiance. Et le but est de profiter d’eux plus tard.

À cette période de la vie où l’on construit son identité, vouloir utiliser les réseaux sociaux pour obtenir des avis est compréhensible. Mais en faisant cela, les jeunes s’exposent bien sûr à des commentaires offensants. De plus, des commentaires positifs peuvent redonner confiance en soi, mais des commentaires négatifs peuvent aussi faire perdre confiance. »

Malgré les découvertes inquiétantes, l’étude souligne que les jeunes savent de mieux en mieux utiliser internet et sont plus susceptibles d’utiliser la technologie en étant responsables.

Chris Jeffery, président d’un groupe de travail sur le bien-être, au sein de l’association HMC, a déclaré : « C’est encourageant de lire que de nombreux jeunes contrôlent de mieux en mieux ce qu’ils font sur internet, mais il est également utile de savoir comment cela s’avère un fardeau pour certains d’entre eux. »

Et la co-fondatrice de DAUK ajoute : « Au cours de l’année dernière, le paysage numérique a évolué extrêmement vite, particulièrement en ce qui concerne le détournement de données, l’accès à des plateformes anonymes et l’augmentation des partages de contenus troublants.

De nombreux parents ne savent plus comment faire pour que leurs enfants naviguent en ligne en toute sécurité. »

Le sadfishing aurait une influence sur l’équilibre psychologique des adolescents [Photo : Getty]
Le sadfishing aurait une influence sur l’équilibre psychologique des adolescents [Photo : Getty]

Le mois dernier, une autre étude a montré que les adolescents qui passent plus de 3 heures par jour sur les réseaux sociaux sont plus susceptibles d’avoir des problèmes psychologiques.

Une étude américaine sur 6 595 jeunes, âgés de 12 à 15 ans, avait montré que ceux qui utilisent beaucoup les réseaux sociaux ont plus tendance à rencontrer des problèmes, comme la dépression, l’anxiété ou la solitude. Ils peuvent aussi avoir plus de comportements agressifs et anti-sociaux, par rapport aux adolescents qui n’utilisent pas les réseaux sociaux.

L’année dernière, le système de santé publique en Angleterre révélait que les jeunes de 11 à 19 ans souffrant de problèmes psychologiques ont plus tendance à utiliser quotidiennement les réseaux sociaux.

Les psychiatres sont d’ailleurs incités, désormais, à questionner leurs patients de moins de 18 ans à propos de leur utilisation des réseaux sociaux.

Les psychiatres britanniques doivent maintenant demander aux adolescents si les réseaux sociaux influencent leurs résultats scolaires, leur sommeil, leur alimentation et leur humeur.

Mais selon une autre étude, qui se penche sur les réseaux sociaux et le bien-être psychologique des adolescents, les effets secondaires de l’utilisation de ces réseaux sont plus problématiques, par exemple le manque de sommeil.

C’est la première étude de grande ampleur qui analyse comment une utilisation importante des réseaux sociaux peut potentiellement être néfaste à l’équilibre.

Publiée dans la revue scientifique Lancet Child and Adolescent Health, cette étude indique que l’utilisation fréquente des réseaux sociaux semble avoir un lien avec des problèmes de santé mentale, mais que les effets ne sont pas directs.

Pour les chercheurs, ce serait plutôt dû au fait que les utilisateurs des réseaux sociaux délaissent d’autres activités, comme dormir et faire du sport, ou au fait que cela ouvre la porte au harcèlement.

Marie Claire Dorking