Qui est la femme derrière toute cette affaire récemment reprise par D. Trump sur Twitter ?

Louise Mensch participe à un débat lors d’un rassemblement du Cambridge Union en 2015. (Photo par Chris Williamson/Getty Images)
Louise Mensch participe à un débat lors d’un rassemblement du Cambridge Union en 2015. (Photo par Chris Williamson/Getty Images)

Fin février, Louise Mensch, ancien membre du Parlement britannique, a profité de son mode de communication préféré, Twitter, pour partager sa dernière accusation explosive en date : « Je suis absolument convaincue qu’Andrew Breitbart a été assassiné par Putin », a confié L. Mensch dans un tweet du 24 février, à propos de la mort du fondateur conservateur de Breitbart.com en 2012 (qui d’après le rapport du médecin légiste, serait décédé près de sa maison de Los Angeles des suites d’une crise cardiaque, excluant ainsi la possibilité d’un crime).

Les tweets publiés par L. Mensch, qui évoquent souvent des théories de complots sordides russes et américaines, n’attiraient pas vraiment l’attention au départ. Cependant, la situation a bien évolué depuis que le président Trump s’est lui-même emparé de Twitter afin d’accuser le président sortant Barack Obama d’avoir mis son téléphone sur écoute. Une accusation explosive qui rappelle un article rédigé par L. Mensch il y a quatre mois sur Heat Street, un site internet qui appartient à News Corp, l’entreprise de Rupert Murdoch.

Le 7 novembre, la veille de l’élection présidentielle, L. Mensch avait révélé que le FBI avait obtenu un mandat auprès du Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) visant à surveiller les « activités de membres américains de la campagne de Donald Trump ayant des liens avec la Russie ». Aucun média américain n’a confirmé l’information, mais Heat Street s’est immédiatement attribué le mérite en tant que source de D. Trump, le jour suivant la publication des fameux tweets du président, même si l’objectif de l’article de L. Mensch (qui visait à révéler les liens supposés du président avec le Kremlin) était radicalement différent de celui du président.

« Je suis extrêmement fière d’avoir publié cet article en premier », confie L. Mensch, 45 ans, au cours d’une interview avec Yahoo News. « Ce que j’explique, c’est qu’un mandat a été émis et que le FBI considérait clairement Donald Trump comme un agent d’influence pour le compte d’un pouvoir étranger ».

Cette nouvelle mise en avant de L. Mensch ajoute un énième personnage haut en couleurs, et assez surprenant, à toute cette saga Trump-Russie : une ancienne politicienne conservatrice explosive qui a étudié à Oxford, s’est reconvertie en journaliste, a écrit plusieurs nouvelles « pour jeunes femmes » et est mariée au manager des groupes Metallica et Red Hot Chili Peppers.

« Louise est un concentré d’énergie », confie Rick Wilson, organisateur en chef du mouvement républicain « Never Trump » qui a eu l’occasion de travailler avec elle au cours de leur campagne présidentielle aux côtés d’Evan McMullin, candidat conservateur indépendant. « Elle va se pencher sur des sujets que les autres ignorent et va tenter de trouver des sources que d’autres laissent de côté. C’est un vrai chien enragé à ce sujet ».

Cependant, la nouvelle notoriété de L. Mensch soulève de multiple questions dans la communauté des journalistes, comme par exemple : comment L. Mensch, qui vit actuellement à New York et travaille en tant que vice-présidente (creative and strategy) pour News Corp, a-t-elle pu pénétrer le monde ultrasecret des mandats de contre-espionnage FISA, alors qu’aucun américain n’en a été capable jusque-là ? Et surtout, devrait-on faire confiance à ses informations vu le caractère incertain de ses sources ?

Charlie Savage, correspondant spécialisé en affaires légales du New York Times, a confié lundi : « nous avons des raisons d’émettre des doutes ». Il a ainsi fait remarquer, sans jamais mentionner le nom de L. Mensch, qu’Heat Street « ne publiait pas régulièrement d’articles d’investigation au sujet des services de renseignement et des opérations de respect des lois. À ce jour, les journalistes du New York Times qui ont des sources prouvées dans ce secteur ont été incapables de confirmer l’existence d’un tel mandat validé par la Cour ».

Pourtant, le lien entre les informations de L. Mensch et les tweets de Trump est indéniable, même s’il est quelque peu atténué. Un article et une chronologie au sujet de Breitbart publiés vendredi dernier, apparemment largement distribués par l’équipe de la Maison Blanche et transmis au président, citeraient des détails similaires aux informations précédemment partagées par L. Mensch. Cela inclut la demande du FBI, dès le mois de juin, de surveiller les associés de D. Trump, une demande rejetée par la Foreign Intelligence Surveillance Court secrète en charge d’approuver de tels mandats.

Mensch, a, quant à elle, confié : « Je maintiens chaque mot de mon compte-rendu ». Elle insiste cependant sur le fait que son propre rapport au sujet du mandat FISA (pour lequel elle a cité deux sources anonymes « ayant des liens avec le monde du contre-espionnage ») est plus limité que la version des évènements partagée par le président sur Twitter.

Mensch ne mentionne pas le rôle direct potentiel de B. Obama dans cette affaire de mandat FISA, contrairement à D. Trump. Elle ne mentionne pas non plus de mise sur écoute de la Trump Tower, une accusation que L. Mensch considère elle-même comme improbable, sachant que le bureau de Trump, alors candidat républicain, était protégé par les Services Secrets.

Mensch tente de rétablir la vérité sur ce qu’elle a bel et bien écrit : « Beaucoup de personnes semblent vouloir déformer les propos de mon rapport en ajoutant des éléments qui n’existent pas », a-t-elle confié. Elle a bien mentionné l’existence d’un mandat FISA, mais « je n’aurais jamais pu deviner ce que le FBI souhaitait en faire. … Je ne rédige pas d’articles pour leur côté sensationnel. Je ne rédige pas de rapports si je ne suis pas certaine des informations ».

Mensch refuse de révéler si ses deux sources sont des membres actuels ou anciens du « monde du contre-espionnage », ou s’ils sont américains ou étrangers. Elle remarque cependant que deux autres sources de médias britanniques, le Guardianet la BBC, ont publié leurs propres informations au sujet de ce mandat potentiel, alors qu’aucune autre source d’informations américaine n’a confirmé son rapport.

L’ancien espion britannique du MI-6, Christopher Steele, a récemment rédigé un dossier explosif, bien qu’essentiellement non confirmé, sur les liens entre Trump et les membres du gouvernement russe. Beaucoup de rumeurs évoquent donc le rôle de la communauté des services de renseignement britanniques qui pourraient alimenter toute cette affaire de scandale russe.

Les rivaux de L. Mensch explique être sceptiques à cause de son penchant pour les théories du complot. Un récent blog, intitulé « The Carolina Conspiracy » mentionnait que des trolls du Kremlin avaient manipulé un hacker afin qu’il se fasse passer pour une jeune adolescente de Caroline du Nord et « envoie des sextos » à Anthony Weiner, ancien membre du Congrès à New York, initiant ainsi une enquête du FBI qui a finalement poussé James Comey, le directeur du FBI, à ré-ouvrir l’enquête sur les emails d’H. Clinton, juste avant les élections de novembre.

Mensch a confié avoir « une montagne de preuves » pour soutenir ses affirmations et prévoit de publier davantage d’informations à ce sujet d’ici peu. Elle explique souhaiter montrer qu’un « faux crime » aurait été créé afin que les « agents corrompus du FBI puisse mettre la main sur l’ordinateur portable d’A. Weiner », qu’il partageait alors avec sa femme Huma Abedin, l’assistante la plus proche d’H. Clinton.

Et puis, il y a également ce tweet publié par L. Mensch qui mentionne que Putin aurait fait assassiner Andrew Breitbart. L. Mensch suggère ainsi que l’objectif du meurtre était de permettre à Steve Bannon de reprendre les rênes du site internet « alt-right » afin de mieux servir les intérêts du Kremlin. L. Mensch ne cite aucune source à ce sujet, mais distingue clairement ses tweets à ce sujet (un simple avis personnel, d’après elle) et l’histoire qu’elle a publiée à propos du mandat FISA.

Cela pourrait, assez ironiquement, pousser certains à comparer le côté « conspirateur » des tweets de L. Mensch, ennemie de Trump, au côté « conspirateur » des tweets du président lui-même.

Un parallèle que L. Mensch renforce davantage, sciemment ou non. « J’y crois vraiment », a-t-elle confié, à propos de sa théorie selon laquelle Putin aurait fait assassiner Breitbart. « Je ne crois pas vraiment aux coïncidences ».

Michael Isikoff
Journaliste d’investigation en chef
Yahoo News