Réforme des retraites : la triple faute d’Emmanuel Macron

Dans une prise de parole très attendue ce 23 mars, après plusieurs jours de contestation sociale, Emmanuel Macron n’a rien cédé sur la réforme des retraites.
Dans une prise de parole très attendue ce 23 mars, après plusieurs jours de contestation sociale, Emmanuel Macron n’a rien cédé sur la réforme des retraites.

POLITIQUE - « Monsieur le Président, il suffit de traverser la rue pour entendre qu’on ne veut pas de la réforme des retraites ». Cette phrase-là n’est pas de moi. Je l’ai lue sur une pancarte, à Nantes, dans une manifestation contre votre réforme des retraites. Une des neuf journées de mobilisation qui ont déjà réuni des millions de personnes, chaque semaine dans les rues de notre pays. Une de ces journées où tous les syndicats unis ont appelé à défiler ensemble. Un de ces rassemblements où beaucoup de nos concitoyennes et de nos concitoyens se rendaient pour la première fois.

Monsieur le Président, vos mots au journal de 13h le confirment : en vous entêtant à faire passer en force une réforme dont les Françaises et les Français ne veulent pas, vous commettez (au moins) une triple faute politique. C’est d’abord la faute de celui qui traite le peuple comme un enfant capricieux et fainéant qui n’aurait pas compris ce qui est bon pour lui, un enfant qui n’a pas envie de travailler et auquel il faudrait faire entendre raison. C’est pourtant le principe même de la démocratie que de donner le pouvoir au demos, à ce peuple composé de citoyennes et de citoyens dont nous ne sommes que les représentants. L’élection ne permet par tout. L’intérêt général ne se fait pas contre les citoyens. Dans le cas contraire, cela reviendrait à être citoyen au seul moment de mettre le bulletin dans l’urne et assujetti tout le reste du temps. Plus encore alors que vous avez été élu par un grand nombre d’électeurs de gauche qui ont fait le choix de faire barrage au Rassemblement National et certainement pas par adhésion à votre programme.

C’est la faute de celui qui provoque le chaos dans nos villes en refusant d’écouter le mécontentement

C’est la faute de celui qui provoque le chaos dans nos villes en refusant d’écouter le mécontentement, en faisant voter en catimini une loi structurelle comme celle-ci, en utilisant le véhicule (ou le cheval de Troie) d’une loi de finance de la sécurité sociale, puis le 49.3. En imposant ce calendrier dont la France n’avait pas besoin, en refusant de prendre en considération les manifestations pacifiques, vous provoquez ce climat de tension dont nous devons assumer chaque jour les conséquences. En faire peser honteusement, de façon à peine voilée, la responsabilité sur les organisations syndicales n’est pas à la hauteur de la crise et ne trompe personne.

C’est aussi la faute politique de celui qui refuse de voir à quel point les Françaises et les Français ne vont pas bien. Il vous suffirait de traverser la rue pour entendre combien ils peinent à finir les mois, même en travaillant à temps plein. Après trois années de Covid, en pleine inflation, alors que la guerre est sur notre continent, le moral est en berne, en particulier chez les jeunes qui n’ont jamais été aussi nombreux à aller mal. Alors pourquoi leur imposer cet effort aussi injuste qu’inutile ? Pourquoi faire le choix de renforcer encore les inégalités en imposant deux années de plus presque sans distinction ? Qui va encore payer ? Eh bien, ce sont toutes celles et tous ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui bien souvent ont des métiers pénibles. Opposer les bénéficiaires du RSA et celles et ceux qui bénéficient du salaire minimum, est une manœuvre impardonnable qui contribue à diviser encore un peu plus le pays.

Monsieur le Président, entendez la colère des Françaises et des Français. Ils ont bien compris et simplement ils ne sont pas d’accord avec vous.

C’est enfin la faute politique de quelqu’un qui passe à côté des grands enjeux de notre époque. Quel temps précieux nous faites-vous perdre alors que nous devrions mettre toutes nos forces pour trouver des solutions à l’urgence écologique. Le 6e rapport du GIEC le confirme encore : nous allons droit dans le mur. Ce que nous annoncent les scientifiques, c’est 1,5° en plus dès 2030, autant dire demain ! C’est 46 millions de personnes déplacées à cause de la montée des eaux, ce sont des sécheresses et des canicules toujours plus nombreuses, ce sont des catastrophes climatiques extrêmes sur tous les continents. Alors plutôt que de demander aux Françaises et aux Français de travailler deux ans de plus, nous devrions consacrer tous nos efforts à inventer de nouvelles manières de produire et de consommer, d’habiter et de nous déplacer, de travailler et de vivre nos loisirs pour atteindre la neutralité carbone et adapter notre pays à la hausse déjà inévitable.

Monsieur le Président, entendez la colère des Françaises et des Français. Ils ont bien compris et simplement ils ne sont pas d’accord avec vous. Redonnez à notre pays le calme dont il a besoin en abandonnant cette réforme d’un autre temps. Libérez le temps et l’énergie qui nous sont cruellement nécessaires pour une autre bataille qui en vaut la peine, l’urgence climatique.

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