Rachida Brakni : "Il y en a marre des racistes contre les banlieues et les Algériens"
Ce mercredi 1er juin 2022 à l'occasion de l'émission "Si on lisait à voix haute", sur France 5, Rachida Brakni fait partie du jury qui va départager les candidats de ce grand concours de lecture. Un beau rôle pour cette artiste complète, qui aime aussi bien la langue française que l'arabe de ses parents, qui a bercé son enfance.
Actrice, chanteuse, metteur en scène... Rachida Brakni multiplie les casquettes depuis le début de sa carrière. Un bon moyen pour elle de se débarrasser des préjugés auxquels elle a dû faire face au début de sa carrière. Car comme bien des filles et fils d'immigrés, elle a très tôt été confrontée au racisme de certains Français.
Les luttes de ses parents
Fille d'immigrés algériens, Rachida Brakni a très vite développé un rapport aigu à l'injustice, lassée de voir le comportement des administrations à l'égard de ses parents, et en particulier de son père "Analphabète, comme ma mère", précise-t-elle à Madame Figaro. Résultat, très vite, elle prend en charge l'administratif de sa famille, et envisage même de devenir avocate pour faire changer les choses. "Chez les politiques, je n'entends pas ce que je devrais entendre, le droit est un rempart", reproche-t-elle.
Mais finalement, elle attrape le virus du théâtre, tout en regrettant la précarité du métier de comédienne : "J'avais conscience de tous les sacrifices accomplis par mes parents, et je me répétais : "Si j'entre au Conservatoire, alors, je pourrais m'octroyer le droit d'être actrice." Une façon de se considérer comme légitime, en somme.
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Son coup de gueule contre le racisme
Pendant sa jeunesse à Athis-Mons, Rachida Brakni a grandi dans un véritable melting-pot : "J'ai le souvenir d'une cohabitation heureuse entre les communautés. Il y avait des Algériens, des Italiens, des Français pure souche... On se parlait à la fenêtre, les enfants jouaient tous ensemble", racontait-elle à L'Express. Aussi, elle regrette la mauvaise image que peut avoir la banlieue dans l'imaginaire collectif. "Je ne nie pas la violence qui règne dans certains quartiers, mais je ne supporte pas la vision étriquée que donnent aujourd'hui les médias de la banlieue. Ce ton tragique, cette voix grave que prennent les présentateurs de la télé quand ils parlent d'endroits qu'ils ne connaissent souvent pas."
Les clichés autour des jeunes de banlieue l'énervent : "Je m'indigne quand je réalise que, pour beaucoup de gens, la seule façon pour un jeune de se sortir de la banlieue serait de devenir footballeur ou rappeur : c'est le même message réducteur que l'on destinait aux Noirs américains. Je crois que la seule solution serait de démolir cette enceinte matérielle, mais aussi invisible, qui entoure Paris, de jeter les clichés à la poubelle et d'apprendre à cohabiter avec d'autres cultures."
"Il y a une vision un peu fausse qui est véhiculée par les médias, où on nous montre toujours des barres d'immeubles avec des voitures brûlées", regrettait-elle dans l'émission "L'invité". "C'est pas que ça la banlieue, il y a de vrais élans de solidarité. (...) Il y en a marre des racistes contre les banlieues et les Algériens." Un discours partagé à l'antenne de France Ô, où elle avait raconté une scène de racisme ordinaire vécue il y a quelques années. Elle s'était disputée avec sa voisine qui avait voté Jean-Marie Le Pen, lui reprochant de mettre en danger les immigrés et étrangers et leurs enfants, dont elle. Cette dernière lui avait alors répondu : "Vous, ce n'est pas pareil." Comprenez : vous, vous êtes intégrée, connue, et donc cataloguée "utile".
Un désaccord culturel avec son mari
En couple avec Eric Cantona depuis de nombreuses années, la comédienne n'est pas toujours d'accord avec son mari concernant la transmission de sa culture à leurs enfants. En particulier en ce qui concerne l'apprentissage des langues. Elle a en effet grandi dans une double culture et échange avec sa famille en arabe, la langue de ses parents... Qui n'est pas parlée par ses propres enfants. "Mes enfants, si doués pour les langues, ne le parlent pas, et je les tanne avec ça, au grand dam de mon homme. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot…", avait-elle regretté dans les colonnes de Madame Figaro.
Rachida Brakni garde quant à elle un très bon souvenir du pays d'origine de ses parents : "Quand j'étais gamine, je parlais arabe à la maison et français à l'école. J'ai toujours passé mes vacances en Algérie, même si, aujourd'hui, j'ai moins le temps d'y aller. Tout me manque de là-bas : l'odeur, les fruits gorgés de soleil, la nonchalance, cette joie de vivre que j'adore... Je ne supporte pas que l'on me demande si je me sens plus Française ou Algérienne. C'est comme si je devais choisir entre deux identités", clamait celle qui est fière d'être un véritable mélange de cultures.
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