Secrets de famille - Manolo : "Sa peur, c’est que le "sang noir" se réveille et que mes enfants soient tout à fait noirs"
Manolo était fier de présenter sa compagne à sa famille. Il ne s'attendait pas à découvrir le racisme de ses aïeux et les comportements préjudiciables qui en découlent depuis des générations.
Manolo a toujours considéré être trop proche des membres de sa famille pour que ceux-ci cachent un secret : "Je suis super famille. Quand j’ai quitté la maison de mes parents, j’ai continué à aller les voir toutes les semaines et mes grands-parents tous les mois. Je suis là pour les anniversaires des neveux et nièces, je suis le premier à dire oui quand quelque chose s’organise. Je connais toutes les anecdotes de jeunesse de mes grands-parents et de mes parents. Je considère que ces gens sont les personnes que j’aime le plus au monde. Mais il y avait quand même un secret dont je n’étais pas au courant. Ça a été très dur à accepter."
Manolo découvre le secret de sa famille quand il leur présente sa compagne : "Ma femme est noire. Je n’ai jamais pensé que c’était un problème. Je n’ai jamais pensé que ce serait un problème pour eux. Mais après la rencontre, qui s’était très bien passée, j’ai été convoqué par ma grand-mère. Elle voulait savoir si on avait prévu d’avoir des enfants ensemble un jour. J’ai trouvé ça un peu prématuré mais je lui ai dit que oui, on voudrait probablement des enfants ensemble un jour. Elle a été un peu affolée. Et puis elle a commencé à parler de "sang noir". C’était n’importe quoi. J’ai essayé de la calmer de son délire de vieille dame et je suis rentré chez moi. Je n’ai, évidemment, pas raconté ça à ma copine."
"Que mes parents soient racistes, c'est inacceptable !"
Le lendemain, Manolo reçoit un appel de sa mère : "Elle voulait m’expliquer. En fait, j’avais un arrière-grand-père noir. Et ça avait été mal vu dans ma famille à l’époque. Tout le monde scrutait les bébés de peur qu’ils aient l’air métis. Et c’était resté. On ne montrait pas les photos où cet arrière-grand-père posait. On ne parlait pas trop de lui et surtout pas sous cet angle. On disait que mon arrière-grand-mère avait fait un mariage d’amour et c’était tout. Mais on avait peur, quand même, que les enfants soient métis. Heureusement, selon eux, personne n’avait trop de traits en commun avec cet homme. Et tout le monde est un peu naturellement bronzé dans la famille comme on vient de Méditerranée, donc c’est passé un peu inaperçu. La peur de ma grand-mère, là, c’est que le "sang noir" se réveille et que mes enfants soient tout à fait noirs. C’est ce que ma mère m’a expliqué. Ça a été beaucoup à digérer. Déjà, j’en ai voulu à mes parents d’avoir participé à cacher ça. Que des gens de la génération de mes arrières-grands-parents et de mes grands parents soient racistes, c’est nul mais ce n’est pas si étonnant. Mes parents, c’est inacceptable. J’ai eu besoin de plusieurs jours de recul pour réussir à en parler avec eux et pour demander des explications complémentaires."
"La responsabilité d'une nouvelle génération"
Manolo demande à voir des photos de son aïeul : "Il était beau. Sur les photos que j’ai trouvé, il avait l’air heureux. J’ai été désolé d’apprendre qu’il était juste toléré dans la famille. Parce que moi, j’aurais aimé le rencontrer. J’ai commencé à collecter les photos où il apparait, des anecdotes de ma grand-mère et de mon grand-père même s'ils en parlent en rechignant un peu. J’ai laissé tomber l’idée de leur faire changer d’avis. Ils sont trop vieux et trop bornés. Avec les autres, je fais tout pour que ça se sache, pour dire son nom, pour qu’on prenne le temps de regarder les photos. C’est notre famille, notre histoire. Mes enfants seront métis et ça fait partie de leur histoire aussi. Ils le sauront parce que c’est une histoire que je veux continuer à raconter. Il n’est pas question qu’on reste dans nos préjugés racistes. Ça devait finir à un moment et je vais tout faire pour ça finisse à ma génération."
Marié depuis un an, Manolo s’apprête à devenir père pour la première fois : "Je suis heureux d’avoir appris tout ça sur ma famille avant d’être père moi-même. Ça a fait partie de mon processus pour me préparer aux bouleversement qu’il va certainement y avoir. J’ai la responsabilité d’une nouvelle génération maintenant. Et je me sens aussi celle d’une ancienne génération. J’ai l’impression d’être là pour faire le pont, pour apaiser les choses. Ça me rend très heureux. J’ai trouvé une place que je ne pensais pas chercher."
Certaines familles cachent des secrets qui peuvent avoir des conséquences sur plusieurs générations. Quels sont ces secrets ? Comment refont-ils surface ? Et enfin, quelles sont les conséquences que cela peut avoir sur les personnes qui les découvrent ? La série "Secrets de famille" revient sur cet épineux sujet du mensonge et de dissimulation au sein même des foyers. Si vous aussi vous voulez raconter vos histoires exceptionnelles, vous pouvez envoyer un message à cette adresse : lucilebellan@gmail.com.