Solenne Piret, quadruple championne du monde : "Arrêtez de dire que vous être trop gros pour grimper. Moi, il me manque un bras et je fais de l'escalade"
Solenne Piret est grimpeuse professionnelle et quatre fois championne du monde de para-escalade. La jeune femme de 32 ans est née sans avant-bras droit, une malformation appelée agénésie. Elle nous livre son parcours.
Dans le milieu paralympique, le nom de Solenne Piret est connu. La jeune femme de 32 ans est quatre fois Championne du Monde de para-escalade. Sur son compte Instagram, la championne de la grimpe partage ses entraînements et s'enorgueillit de son palmarès. Une victoire qu'elle savoure, elle qui dit avoir passé une partie de son enfance à se cacher. La jeune femme est née avec une agénésie : un arrêt de croissance de son bras droit dans le ventre de sa mère. Solenne Piret est née sans avant-bras droit. "J’allais toujours en classe avec des écharpes, des tee-shirts à manches longues,… J’ai des camarades de classe, même après un an, qui ne s’en sont pas rendu compte. Ma différence, je la cachais tout le temps".
Si elle passe une grande partie de sa vie à se cacher, ça n'est pas par peur d'être jugée, mais plutôt par crainte d'être différente, exclue de la masse. Une peur qui, selon elle, puise ses origines d’avant même sa naissance. "Pendant la grossesse de ma mère, les médecins ont vraiment insisté pour qu’elle fasse une interruption médicale de grossesse jusqu’au huitième mois en disant que ‘le bébé ne sera pas normal’ et mes parents se sont vraiment battus pour me garder." Presque "inconsciemment", Solenne Piret n’avait pas envie d’attirer l’attention sur elle. "J’ai tout fait pour que cette différence soit masquée. C’était presque une question de survie."
Une différence dont elle ne souhaite pas se départir pour autant. Lorsqu’à 8 ans, on lui propose une prothèse, la grimpeuse la refuse. "Je préfère dire que je suis née avec cette particularité plutôt que de dire "sans avant-bras droit". Il y a quelque chose en plus."
Vidéo. "Il m'a dit : 'Elle a le même handicap que toi et elle est championne du monde'"
L'escalade a été salvatrice
Grâce à un travail sur elle-même, la sportive apprend à ne plus se cacher. L’escalade joue beaucoup : "Quand on est sur la paroi, avec les prises, on ne peut plus se cacher derrière un manteau ou une veste. Ça a été un peu salvateur aussi."
Solenne Piret le reconnaît, elle aurait pu choisir la course à pied. Mais, son histoire familiale est directement liée à l’escalade. "Mes parents se sont rencontrés en grimpant. C’est le sport familial." La jeune femme a passé son enfance à "grimper le dimanche avec les parents." Pendant quelques années, elle délaisse cette petite coutume familiale du dimanche pour se consacrer à ses études d’architecture.
Et puis, c’est le boom de l’escalade. Le sport de grimpe devient tendance, les salles se multiplient un peu partout en France et "par fierté", Solenne Piret se décide à escalader les parois avec ses amis. C’est une rencontre tout à fait fortuite qui la hisse dans le domaine du paralympique. "Je croise Julien Gasc (athlète paralympique ; ndlr) qui avait un tee-shirt de l’équipe de France et qui grimpait avec une prothèse de jambe".
Le sportif paralympique l’éveille à la compétition en lui parlant de la championne d’escalade Maureen Beck, atteinte elle-aussi d’une agénésie. "Le fait qu’on me dise qu’il y a quelqu’un qui a le même handicap et qui est Championne du Monde, ça m’a montrée que c’était possible. Ça m’a offert un modèle que je n’avais pas avant."
L’idée fait son chemin. Solenne Piret commence à s’entourer de professionnels et à s’entraîner pour les Championnats du monde paralympiques de 2018 à Innsbruck, qu’elle remporte "vraiment de justesse", comme elle le souligne. Sa carrière est lancée. Depuis 2018, elle rafle tous les titres de championne de monde, ce qui lui fait au total, quatre médailles d’or.
Vidéo. "Arrêtez avec vos excuses. Moi, il me manque un bras et je fais de l'escalade"
"Moi, il me manque un bras et j'escalade"
Aujourd'hui, Solenne Piret est l'une des ambassadrices d'Arkose, le géant français des spots indoor. À travers son histoire et son palmarès, elle promeut ce sport devenu olympique en 2021. Il y a quelques mois, la discipline a été émaillée de scandales. Les sportifs "qui luttent contre la gravité" s'astreignent à des régimes alimentaires hyper restrictifs les conduisant à développer des troubles des conduites alimentaires. Des athlètes de haut niveau ont alerté afin de dénoncer des conduites néfastes encouragées par des coachs assoiffés de médailles. Solenne Piret souligne que les para-grimpeurs sont moins "concernés par le sujet" : "On est déjà en train de se battre contre autre chose." La championne dénonce toutefois le rapport obsessionnel que peuvent entretenir certains grimpeurs et lutte contre l'idée d'une "prédisposition à la grimpe" : "L'escalade est faite pour tout le monde. Souvent, j'entends les gens me dire 'Ah non, mais moi je suis trop lourd pour l'escalade.' Ce n'est pas vrai ! Moi, il me manque un bras. Je ne suis pas faite non plus pour l'escalade. Et pourtant."
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