Star Academy : clash, sexisme, traumatismes... ces anciens élèves qui ne veulent plus être associés à l’émission
Le samedi 15 octobre 2022, la "Star Academy" était de retour sur TF1. Si les téléspectateurs ont pu retrouver Nikos Aliagas à la présentation, comme lors du lancement de la toute première saison et celles qui suivirent, ainsi que le même château qui accueille les élèves, la chaîne a opéré plusieurs changements depuis, notamment du côté du jury. Pour ce qui est des élèves, Jenifer, grande gagnante de la toute première saison, avait répondu présente lors du 1er prime. Mais ce n’est pas le cas de certains anciens, qui ne veulent plus rien avoir à faire avec la "Star Academy". Et cela s’explique par plusieurs raisons.
En 2001, la "Star Academy" débarque sur TF1 et chamboule les codes télévisuels de l’époque. C’est le début d’une nouvelle ère : celle des télé-crochets. La suite, on la connait. Des millions de téléspectateurs devant leur poste de télévision chaque week-end pour les primes, et en semaine pour assister aux quotidiennes. L’occasion d’observer ces apprentis chanteurs venus de toute la France pour réaliser leur rêve de percer dans l’industrie musicale. Si certains et certaines ont remporté le pari, comme Jenifer, Nolwenn Leroy ou encore le regretté Gregory Lemarchal, d’autres ont préféré s’éloigner des projecteurs de la Star Ac’, embarrassés par cette étiquette de télé-crochet parfois trop lourde à porter. Plus de 20 ans après la première saison, certains n’hésitent d’ailleurs pas à pointer du doigt les douloureuses conséquences de leur participation au show, dénonçant au passage des moments qu’ils auraient préféré oublier…
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La Star Academy version hypersexualisée
En 2001, le mouvement MeToo ainsi que toutes les remises en question engendrées dans son sillage sont encore loin des esprits. C’est sans doute pour cela qu’il est bien difficile de ne pas s’offusquer devant les archives de l’époque. À la lumière de 2022, la présentation de Jenifer, diffusée en direct sur TF1 et incluant son tour de poitrine et son poids, ne passe pas. Ni même les pressions du corps professoral de la Star Academy sur les candidates au sujet de leurs "kilos en trop". Ou encore l’hypersexualisation éhontée lors de chaque prime. Olivia Ruiz n’a rien oublié de tout cela. Candidate de la première saison, au côté de Jenifer ou encore Jean-Pascal Lacoste, la chanteuse et écrivaine s’est souvent confiée sur cette expérience pas comme les autres. "C'est tout le paradoxe, car quand j'y pense, j'ai mal pour la jeune fille que j'étais, à qui on faisait mettre des minijupes", a-t-elle déjà déclaré, précisant qu’elle n’avait plus porté de robe ni de jupe après son passage dans l’émission : "Je ne veux pas montrer mon cul, je veux juste qu'on m'écoute."
En 2017, sur le plateau d’"On n’est pas couché", Olivia Ruiz se souvenait d’une expérience traumatisante en particulier : "À un moment donné, toutes les filles avaient pris du poids. Moi, j'étais la seule qui était à peu près stable. On m'a emmenée chez l'habilleuse. Il y avait une tenue – ce n'était pas une tenue, c'était un maillot de bain. Tout le monde avait fait en sorte que je n'aie que cette tenue à ma taille. J'ai dû entrer sur le plateau, en larmes, avec un truc qui me cachait à peine le sexe et le bout des seins (…) Si j'avais vu la Star Academy 1, je ne me serais jamais inscrite à la 2."
Pour Jill Vandermeulen aussi, l’expérience Star Ac' en 2005 a été marquée par cette hypersexualisation : "On m’a imposé un style vestimentaire qui ne me correspondait absolument pas. Sur les primes, on me mettait toujours des jupes très courtes. J’avais une fois demandé: ‘Est-ce que je peux avoir un pantalon ou un autre look sympa ?’, On m’avait répondu: ‘Non, non, car la production veut qu'on voie tes jambes.’ J’avais 17 ans, mais il fallait déjà un peu me sexualiser (…). Et je me rappelle avoir eu une réflexion de la production au sein du château parce que je ne m’habillais pas assez provocante" a-t-elle confié dans une interview pour Jeremstar sur Youtube.
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Même son de cloche du côté d’Elodie Frégé. Il y a quelques semaines, la gagnante de la Star Academy 3 a quant à elle balancé sur le débriefing d’un prime, à l’époque mené par la tranchante Raphaëlle Ricci. Dans les pages du livre "Toutes pour la musique" de Chloé Thibaud, l’ancienne élève se souvient des mots qu’aurait tenus sa prof d’expression scénique : "Mais putain, tu n'étais pas à l'aise du tout, comment est-ce qu'ils t'ont fagotée ? T'avais des bourrelets sous les fesses !" Des années plus tard, Elodie Frégé n’a rien oublié de ce qu’elle a vécu comme un véritable traumatisme : "J'étais boulimique et elle me balançait ça devant des millions de gens. C'était la double peine."
De quoi provoquer la colère de la principale concernée. Éloignée du feu des projecteurs depuis de nombreuses années, Raphaëlle Ricci a contre-attaqué sur Facebook, assurant n’avoir jamais tenu de tels propos : "À l'époque, je luttais avec mon anorexie et je n'ai jamais attaqué qui que ce soit sur son corps ou sa morphologie. Je vais donc croire que c'est une mauvaise interprétation."
Les douloureuses conséquences de la médiatisation
À l’époque des première saisons de "La Star Academy", les codes de ce genre télévisuel et ses conséquences n’étaient encore que trop peu appréhendés, par les candidats mais aussi par les productions. C’est en partie pour cela que beaucoup ont eu bien du mal à remonter la pente après leur participation. À commencer par Raphaëlle Ricci. Prof au tempérament de feu et aux remarques incisives, ses apparitions dans la Star Ac’ n’ont pas été très bien accueillies par certains téléspectateurs. En avril 2020, dans un live sur Instagram, elle révélait avoir "reçu des menaces" à l’époque de la diffusion. Peu à peu, cette image de "méchante" à l’écran est devenue de plus en plus lourde à porter. "J’avais des crottes de chiens dans ma boite aux lettres, des gens venaient devant chez moi" expliquait-elle, précisant que la production avait dû mettre des gardes du corps à sa disposition.
Il en va de même pour certains anciens élèves, comme Emma Dauma. Après avoir été révélée dans l’émission en 2002, elle refuse désormais d’être "ramenée à la candidate de télé-crochet" qu’elle était il y a 20 ans. Il faut dire que la jeune femme a très mal vécu les répercussions d’une telle médiatisation : "Pour certaines personnes, ça peut être destructeur, ça l'a été pour moi. J'ai très mal vécu le fait de ne plus m'appartenir, de ne plus trop savoir qui j'étais, où j'en étais" a-t-elle confié à TV Magazine. Un coup de projecteur tout autant mal vécu par Alex Balduzzi, lui aussi élève de la deuxième saison. "À l'époque de la Star Academy, ce qui faisait partie de la part traumatisante du truc, c'était de devoir dévoiler ces choses. Il faut le porter derrière. Moi, je n'ai pas trop envie de parler de ma vie privée, ça me concerne. Après l'émission, dans des interviews, j'avais beaucoup de questions à ce sujet puisque j'avais une histoire avec l'une des candidates. Je ne trouvais pas d'intérêt à ça" déplorait-il dans un entretien à Purepeople.
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Gagnant de la saison 6, Cyril Cinélu a tout autant déchanté après sa victoire. "Tout de suite, je me suis rendu compte que ce n'était pas évident, qu'il y avait des critiques, qu'il fallait tout le temps faire attention à ce qu'on fait, attention à ce qu'on dit" racontait-il en 2020 dans "TPMP People", précisant les injonctions de l’industrie musicale dont il a ensuite été victime, notamment sur son physique : "On m'a dit : 'va à la salle de sport, commence à te préparer'."
Les élèves de la Star Academy étaient-ils assez préparés au raz-de-marée médiatique qui suivrait leur participation au show ? Pas vraiment à en croire certains témoignages. Comme celui bouleversant de Jill Vandermeulen. Aujourd’hui Youtubeuse, la jeune belge a eu bien du mal à se défaire de l’image Star Ac’, qui l’a même conduite à une véritable errance psychologique : "Un jour, je me retrouve dans un bus, je rentrais chez moi. Il y a des nanas au fond du bus, un groupe de racailles. J’entends dire: ‘Ah, c’est la meuf de la Star Ac’, venez, on la pointe’ (…) Je suis passée par des stades psychologiques très violents, avec une tentative de suicide, parce que j’étais juste à bout. J’ai vraiment perdu pied à ce moment-là (…). J’ai avalé deux plaquettes d’anxiolytiques. C’est ma mère qui m’a retrouvée inconsciente chez mon ex-petit copain. Et j’ai été transportée aux urgences, le lendemain matin." Silent Jill, comme elle se fait appeler aujourd’hui sur Youtube, l’assure : après son passage sur TF1, elle n’a bénéficié d’aucune aide psychologique.
Cette situation inquiétante, Olivia Ruiz l’a plusieurs fois dénoncée dans les médias. Comme en 2020, au micro de Sud Radio : "Je me suis un peu sentie manipulée quand j’étais à l’intérieur. Et puis, je garde une petite colère au fond de moi. Même pas par rapport à mon cas, parce que je m’en sors plutôt très bien, mais par rapport aux gens qui ont souffert de ça. Que ce soit les gens qui étaient avec moi ou ceux des années suivantes. Je déplore le non-accompagnement pour des jeunes qui ne sont que des post-adolescents très fragiles et qu’on n’accompagne pas sur l’avant et sur l’après "
Les éternelles têtes brûlées de la Star Ac'
Et puis il y a ces candidats qui ont marqué l’histoire de la Star Academy à travers leur personnalité forte et leurs prises de positions tranchées. C’est le cas de George-Alain Jones, l’inoubliable mauvais élève de la saison 2, pas vraiment motivé par l’enjeu de la compétition, au demeurant. En 2002, chacune de ses performances aux primes ne manquent pas de faire réagir. Son attitude désinvolte en décontenance plus d’un. On est loin de l’image lisse du candidat de télé-crochet prêt à tout pour gagner. George-Alain est plutôt de ceux qui poussent des coups de gueule. Et ce, même des années après la Star Academy. Ainsi, en 2020, celui qui est aujourd’hui commentateur sportif a jeté un pavé dans la mare. "Maintenant, je peux l'avouer, tout était truqué ! J'avais découvert que c'est moi et Emma Daumas qui devions aller en finale. C'était décidé avant même l'émission", lâchait-il dans les colonnes du Parisien, précisant que c’est pour cela qu’il avait "pété les plombs". Selon lui, la production aurait "organisé" son élimination en demi-finale après ses menaces de "tout balancer" : "Mon problème, c'est que j'étais plus vieux que les autres candidats et que j'avais compris les rouages." Et d’expliciter ses propos auprès de Télé-Loisirs : "C’est juste le mot 'truqué' qui est gênant en fait. Mais où est-ce qu'on situe la limite entre 'truquer' et 'orienter' ? Chacun voit les choses comme il veut. Moi, je trouve que le mot 'truqué' est très violent." De quoi provoquer la colère d’Alexia Laroche-Joubert, ancienne directrice de la Star Academy : "C'est complètement faux. Je lui ai envoyé un texto pour qu'il m'explique. Il n'a apporté aucune preuve et s'est finalement rétracté. Moi, je n'ai rien compris à son histoire", s’indignait-elle dans Le Parisien.
Toujours est-il que, des années plus tard, George-Alain dresse un bilan amer de son expérience dans le télé-crochet, et dit même avoir "fait une erreur" en s'inscrivant à la Star Academy. Un constat que partage très certainement Pierre Nesta. Candidat de la troisième saison, il est à l’origine d’une scène à peine croyable, aujourd’hui devenue culte. Nous sommes alors le 14 novembre 2003, en direct d’un prime. Nominé face à Morgane et Lukas, Pierre défend sa place avec la chanson de Queen, "Bohemian Rhapsodie", sur une chorégraphie de Kamel Ouali. Le jeune homme assure le show. Mais à la fin de sa performance, c’est le coup de théâtre : il annonce en direct sa décision de quitter l’émission avant même le résultat des votes du public, sous les yeux ronds d’un Nikos Aliagas abasourdi et d’une audience sous le choc. "Je n'attends pas qu'on me rende ma liberté, je la prends" lance-t-il avant de quitter précipitamment le plateau.
19 ans plus tard, dans un entretien accordé à Télé-Loisirs, l’ancien candidat de la Star Ac’ est revenu sur ce coup d’éclat, motivé en partie par la pression d’une industrie dont il avait du mal à comprendre les rouages : "Après 10 semaines passées dans le château, j’avais atteint ma limite. Filmé nuit et jour, les cours, les tournages du prime, je sentais que je devais prendre du recul rapidement et me reposer. Le rythme était intense et la pression était difficilement soutenable pour un électron libre comme je l’étais à l’époque" se souvient-il, avant de justifier son choix de quitter l'aventure en plein direct : "C’était surtout pour marquer le coup, comme on dit. On n'a pas tous les jours l’occasion de vivre un moment de direct incontrôlable. J’ai saisi l’occasion ! Et puis j’ai toujours aimé les "départs en beauté". C’est un bon moyen de faire oublier que finalement, on est qu’un perdant parmi les autres."
En 2022, la dixième saison de la Star Academy a déjà séduit le public de TF1. Reste à savoir si la production du télé-crochet a tiré des enseignements des erreurs du passé, et si les élèves seront plus protégés, en tout points, que leurs anciens.
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