IST, VIH et dépistage : 5 mythes déconstruits par une experte

Nurse in sterile gloves cleansing the area on the patient arm with an alcohol pad before blood drawing
Femme faisant un test de dépistage sanguin. © Getty Images

Les infections sexuellement transmissibles et le VIH sont encore des sujets tabous pour bon nombre de personnes. Le problème, c'est que le manque de conversation et d'éducation liés à ce tabou joue en défaveur de la lutte contre ces pathologies. Un sondage récent montre que les fausses croyances autour du VIH et des IST ont la peau dure. D'où l'importance de la prévention.

Les Français et les Européens en général semblent avoir une véritable méconnaissance de la santé sexuelle. Voici ce qui ressort d'une enquête menée par les associations britanniques Tackle HIV et ViiV Healthcare. Le rapport "The Sex of Our Nations", basé sur une enquête menée auprès de plus de 6 000 adultes en Angleterre, Écosse, Irlande, Pays de Galles, France et Italie, témoigne d'une véritable stigmatisation envers les personnes séropositives, et d'un manque d'information et de connaissances flagrants autour du VIH, des infections sexuellement transmissibles (IST) et du caractère essentiel du dépistage pour préserver sa santé.

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Interrogée par nos soins, Pauline Duverger, responsable prévention chez Solidarité Sida, a accepté de réagir aux chiffres parfois effarants de cette enquête, afin de déconstruire les principaux mythes autour de la santé sexuelle.

Mythe n°1 : le dépistage n'est pas obligatoire pour tout le monde

Selon l'enquête Tackle HIV, seuls 53% des personnes envisagent de se faire dépister pour une IST, et 45% pour le VIH. Un chiffre inquiétant selon Pauline Duverger, qui pointe du doigt un point important : "Il y a un manque de connaissance sur le dépistage en règle générale. Dans le cadre de nos actions, on se rend vite compte que la plupart des personnes ne sont pas forcément au courant des modes de transmission, ou encore de déterminer à quel moment elles ont pris un risque. Du coup ce chiffre d'une personne sur deux peut indiquer que ces personnes ne se sentent pas concernées par la prise de risque, et donc qu'elles n'ont pas besoin de se faire dépister régulièrement."

Le dépistage est en effet le principal outil pour lutter contre la propagation des IST quelles qu'elles soient. "Aujourd'hui, les règles de recommandations pour la population générale, c'est de se faire dépister au moins une fois dans sa vie, le plus tôt possible. Et ensuite, à chaque changement de partenaire, car le dépistage est aussi un moyen de prévention contre la propagation du VIH et des IST. Et après, pour les populations à risque, c'est-à-dire celles qui enchaînent les partenaires par exemple, de se faire dépister au minimum tous les trois mois, si ce n'est à chaque prise de risque."

Mythe n°2 : tout le monde s'est déjà fait dépister au moins une fois, ou presque

Le rapport The Sex of our Nations précise par ailleurs que seuls 26% des sondés ont déjà été dépistés dans le cadre d'une surveillance IST, et 22% dans le cadre d'un test pour le VIH. Soit seulement une personne sur 4 ! "Ce n'est pas un chiffre qui m'étonne", regrette la responsable prévention de Solidarité Sida. "Non seulement parce que comme on peut le voir, il y a plein de personnes qui ne se sentent pas concernées par le dépistage, mais aussi parce qu'avec l'arrivée du Covid-19, il y a eu beaucoup moins de dépistages. Bon nombre de personnes ne se déplaçaient plus pour se faire dépister ou n'avaient plus accès à ce type de soin. Aujourd'hui, on constate un retard de 14% sur les dépistages depuis le début de la pandémie, que nous n'avons pas encore réussi à combler. Résultat, il y a peut-être des personnes qui sont concernées par des IST ou par le VIH mais qui ne le savent pas."

Une situation qui représente un double danger : "Non-seulement elles ne sont donc pas sous traitement, mais en plus, elles prennent le risque de le transmettre. Pour rappel, une personne touchée par le VIH qui prend son traitement ne peut pas transmettre le virus, et possède une espérance de vie presque normale par rapport à une personne séronégative."

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Mythe n°3 : un bilan sanguin détecte toujours les IST et le VIH

Si vous vous êtes déjà dit : "J'ai fait un bilan sanguin dans le cadre d'un examen médical, si j'avais quelque chose de grave, on me l'aurait dit", détrompez-vous. "Il y a aussi beaucoup de personnes qui pensent que lorsqu'elles ont fait un bilan sanguin à l'occasion d'examens médicaux, il y a automatiquement un dépistage du VIH qui est fait", évoque la spécialiste. "C'est une fausse croyance dangereuse car ça ne fonctionne pas comme ça. Dans le cadre d'un bilan sanguin, on va aller chercher des choses précises. Si le VIH n'est pas précisé sur l'ordonnance, le test ne sera pas effectué. Il faut arrêter de croire que, sous prétexte qu'on a fait un bilan sanguin récemment, on est à jour sur son statut sérologique."

Mythe n°4 : un hétéro ne peut pas contracter le VIH

Statistique pour le moins troublante de l'enquête signée Tackle HIV : en France, 69% des personnes interrogées pensent que les personnes hétérosexuelles ne sont pas concernées par le risque de contracter le VIH. "C'est encore une fausse croyance. Quand le VIH SIDA est apparu à la fin des années 90, on parlait des "4H" : homosexuels, héroïnomanes, hémophiles et Haïtiens. Il y a toujours un important stigma autour de la communauté LGBTQIA+ parce que c'est la première communauté à avoir été très durement touchée. Dans l'imaginaire collectif, aujourd'hui, les personnes hétérosexuelles ont l'impression de ne pas être concernées, ce qui est complètement faux puisqu'aujourd'hui, le nombre de personnes séropositives est plus important chez les hétérosexuels que chez les personnes LGBTQIA+. Mais forcément, si on rattache cela à la taille de la population, on a l'impression que les hétéros sont moins concernés, parce que le chiffre est plus dilué.", précise Pauline Duverger. "Il est important de rappeler que la transmission n'a pas d'orientation sexuelle ou de pratique. D'où l'importance de rappeler les modes de transmissions et la façon dont on peut adapter les modes de protections à différentes pratiques."

Mythe n°5 : coucher avec une personne séropositive signifie automatiquement contracter le VIH

Preuve qu'il y a toujours un véritable stigma autour du VIH, l'étude révèle que 6 personnes sur 10 envisageraient de mettre un terme à leur relation si elles découvraient que leur partenaire était diagnostiqué séropositif. "C'est un stigma qui est encore très présent et qui date de l'époque où le VIH n'avait pas de traitement", regrette l'experte. "A l'époque, avoir le VIH était associé à une condamnation à mort. Dans les années 90, l'espérance de vie était alors très faible, parfois de quelques années à peine. Résultat, il y a toute une génération de personnes qui ont vu mourir beaucoup de gens du VIH, et c'est encore très présent dans l'imaginaire collectif. Il y a beaucoup de gens qui pensent que si on est séropositif, soit on va mourir, soit on va le transmettre, ce qui est totalement faux."

Les nouveaux traitements et notamment la PreP ont changé la donne : "Aujourd'hui, en 2022, on a des traitements qui sont très performants. Une personne qui connaît son statut sérologique, qui est séropositive et qui prend son traitement quotidiennement va avoir ce qu'on appelle une charge indétectable, c'est-à-dire intransmissible. Une personne qui a le VIH et qui se traite ne pourra pas transmettre le virus. C'est normal d'avoir peur, mais c'est aussi pour ça que notre rôle de prévention est important pour faire connaître ces informations. Aujourd'hui, il est moins dangereux d'avoir une relation avec une personne séropositive qui se soigne qu'avec une personne sérointerrogative, c'est-à-dire une personne qui ne connaît pas son statut sérologique parce qu'elle ne se fait pas dépister régulièrement."

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