Action - "C'est de l'esclavage moderne", "La responsable m'a fait la misère" : Complément d'enquête dévoile le vrai visage de l'enseigne de hard discount

Complément d'enquête dévoile la face cachée de l'enseigne Action. Mauvaise qualité des produits, jouets pas aux normes, salariés sous pression, ... Quel est donc le vrai visage de l'enseigne préférée des Français ?

Complément d'enquête a enquêté sur l'enseigne Action. (Photo by PHILIPPE HUGUEN/AFP via Getty Images)
Complément d'enquête a enquêté sur l'enseigne Action. (Photo by PHILIPPE HUGUEN/AFP via Getty Images)

En 1993, l'enseigne Action fait ses premiers pas aux Pays-Bas. Près de 19 ans plus tard, la griffe débarque en France et voit sa croissance grimper en flèche. Avec plus de 2750 magasins en Europe et près de 850 sur l'hexagone, Action s'impose comme l'enseigne de hard discount n°1. Après une période de crise et d'inflation intense, Action devient d'ailleurs l'enseigne préférée des Français en 2023 et en 2024.

Près de 17,6 millions de visiteurs chaque semaine en Europe, une croissance de +30% avec un chiffre d'affaires dépassant les 11 milliards d'euros ... Face à ce succès impressionnant, nombreux sont ceux à se poser des questions. Véritable triomphe, mais à quel prix ? C'était justement le sujet du numéro de Complément d'enquête, diffusé ce jeudi 12 décembre sur France 2.

Priscilla, trentenaire et maman de quatre enfants, est une fan inconditionnelle de l'enseigne hollandaise. Sur TikTok, elle partage quotidiennement ses bons plans avec ses plus de 91 000 abonnés pour le plus grand bonheur de tous. "Action fait des promotions tous les mercredis", explique la mère de famille dans le reportage. En achetant ses produits uniquement chez Action, Priscilla est persuadée de faire des économies. "Ce sont des bons plans [...] Est-ce que vous avez vu les prix ?" Et on doit bien l'avouer, les tarifs affichés en magasin défient toute concurrence. "Quand on va chez Action, on fait tout chez Action. Je ne vais pas payer plus cher [ailleurs]", confie la trentenaire, ravie que ce genre d'enseignes puisse exister.

Sur TikTok, beaucoup sont du même avis. "J'achète que chez Action, je ne vais même plus dans les autres magasins", lance une internaute. "Moi j'aime bien Action pour la déco", confie une autre.

Ce n'est un secret pour personne : dans les rayons d'Action, les prix sont petits. Vraiment très petits. Alors les journalistes de l'émission d'investigation ont tout tenté pour découvrir comment ils pouvaient l'être autant. Comme il l'est assuré dans le numéro de ce 12 décembre, les acheteurs du groupe négocient au plus bas avec les fournisseurs. Et ce jusqu'à laisser de côté la qualité et la sécurité du produit, dont plus de 50% proviennent d'Asie.

Pour aller jusqu'au bout de leur enquête, les journalistes de France 2 se rendent en Chine, dans l'une des usines de cintres qui fournit l'enseigne. On se doute que le discounter a choisi les moins chers du marché. Mais il a en plus de cela réussi à négocier une marge de 5% pour le fabriquant, contre 10 à 15% en temps habituel. "Je gagne peu d’argent avec Action. Les bénéfices sont mauvais, mais c’est un complément pour mon usine. Tous les mois, ils commandent les mêmes quantités. C’est pratique", explique le patron de l'usine, face caméra. A priori, d'autres usines auraient arrêté de fournir Action à cause d'une rentabilité bien trop faible.

Quid des produits pour enfants, vendus par Action ? Les journalistes de Complément d'enquête ont fait tester 10 jouets vendus par l'enseigne, et plusieurs ne respectent pas les normes européennes de sécurité. La chaîne de magasins reconnaît d'ailleurs avoir retiré 34 articles de ses rayons depuis 2021, ceux-ci jugés dangereux.

Au fil du numéro de Complément d'Enquête, on rencontre sept salariés. Certains sont en arrêt maladie pour dépression, d'autres ont simplement démissionné. Leur point commun ? Tous décrivent leur expérience chez Action comme leur pire expérience professionnelle. "C'est de l'esclavage moderne", confie aux caméras l'une des salariés. "Pourquoi nous, maintenant, on doit faire le travail de deux ou trois personnes ?", lance une autre. Ensemble, ils dénoncent l'une de leur supérieure. Racisme, harcèlement, pression, manque de respect devant les clients. "À cause du stress, j'ai comme des crises de psoriasis sur les cheveux, sur la barbe, sur les sourcils."

Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux à rebondir sur ces témoignages, ajoutant parfois même le leur. "Ma mère aussi travaille chez Action, elle a fait une dépression", avoue une jeune femme sur TikTok. "J'ai travaillé à Action. Le patron m'a viré quand j'ai pris un arrêt de travail pour le décès de mon père", explique un autre. Et les témoignages ne s'arrêtent pas là : "J'y ai travaillé pendant 2 ans, la responsable m'a fait la misère, j'ai fait une dépression", "Je suis chez Action et ils m'ont fait vivre la même chose", "Ils ont fait la misère à ma fille", "Mon copain était à Action, il a vécu l'enfer pendant 2 mois", ...

Parce que pour afficher des prix aussi petits en rayon, la chasse aux coûts se fait également du côté des 19 000 employés français. Ils sont peu, pour un travail intense à chaque instant. L'exemple le plus fort du documentaire reste sans doute le chronométrage des rayons. À l'écran, on aperçoit un chariot avec une inscription : "17 minutes et 43 secondes". C'est le temps maximal qu'il faudra au salarié en charge de ce chariot pour disséminer les produits qu'il contient dans le magasin. Face à ces images, un inspecteur du travail réagit : "c'est un magasin qui produit sûrement des bénéfices, mais qui produit les malades de demain." Selon Complément d'enquête, le turnover dans les magasins de certaines régions atteindrait jusqu'à 80%, et le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles dépasserait la moyenne des concurrents.

Heureusement, sur les plusieurs centaines de magasins présents sur l'hexagone, tous n'ont pas la même réputation. "J'ai bossé dans un Action, c'était très bien ! Ce n'est pas pareil partout, heureusement", assure une salariée sur TikTok. "Je suis choquée. J'y travaille et pourtant notre équipe est au top. Personne ne vient avec la boule au ventre", confirme une autre.