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Adoption, racisme, clichés... Bertrand Uzeel se raconte avec humour et cynisme dans "Adopte-moi si tu peux"

©Karo Cottier

À l'affiche du théâtre Lepic avec "Adopte-moi si tu peux", Bertrand Uzeel s'est confié sur son premier seul en scène dans lequel il se raconte.

"Adopte-moi, si tu peux !" Pour son premier seul en scène, Bertrand Uzeel raconte avec humour et dérision l’histoire de son adoption. Père de famille qui mène de front sa carrière de chef d’entreprise, celui qui a toujours connu son parcours voit sa vie chamboulée le jour où il tombe sur son acte de naissance dans une mallette. Des névroses, des interrogations, des doutes… Sur la scène du théâtre Lepic, où il joue tous les mardis soir jusqu'au 28 décembre 2021, il rit de ses tourmentes tout en évoquant la peur de l’abandon qu’il traîne derrière de lui, le racisme qu’il a vécu et les clichés sur l’Indonésie, son pays natal.

Pourquoi avoir choisi la scène pour raconter ton histoire ?

Toutes les étoiles se sont alignées au moment où j’ai pris conscience que j’avais une histoire à raconter, de par cette mallette que j’ai retrouvée. Cela coïncidait avec une période où j’avais très envie de faire des choses. J’avais commencé à écrire des trucs de mon côté qui étaient dans des fonds de tiroir qui s’apparentaient plus à des sketchs qu’à un seul en scène. À un moment, il y a une envie féroce de monter sur les planches pour défendre ça par la parole et de vouloir raconter son histoire. Ce qui m’intéressait, c’était de parler à un public sans être un porte-parole, c’était de parler de ce qui peut toucher tout le monde. Ce que je dis souvent, c’est qu’on n’a pas besoin d’être adopté pour être abandonné. On a tous vécu des abandons, que ce soit par un parent, son mec… On a tous vécu l’exclusion. Pas besoin d’être noir ou Indonésien pour subir du racisme. Je voulais que ça fasse écho dans les consciences, que les gens se disent : "Ça je l’ai vécu de prés ou de loin, ça fait écho à ma vie". Je parle de sujets assez universels. Je voulais partager des émotions qui sont les miennes et en recevoir d’autres.

Quand tu retrouves cette mallette, tu es déjà un adulte accompli, tu connais ton histoire et pourtant, c’est à ce moment que tout bascule.

Sur le papier, on se dit que le mec a tout dans sa vie, il est marié, il a des enfants… mais ce qui est intéressant de montrer, c’est qu’on est bien plus que ça. Il ne suffit pas de grand-chose pour partir en vrille. Au-delà de mon histoire, c’est vraiment de montrer qu’on n’est pas grand-chose et qu’on n’est pas toujours si solide qu’on le pense, malgré tout ce que l’on peut construire. Ce que j’ai essayé de montrer aussi, c’est que j’ai essayé toute ma vie de construire quelque chose : ma famille, mes enfants, ma boîte… Tu te créais tout un univers, tu te créais des outils, une armure… Tu t’es conditionné pour pouvoir te défendre de toutes ces informations-là qui ont, un jour, refait surface et tout a sauté.

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Maintenant que tu racontes ton histoire sur scène, comment est-ce que tu te sens ?

Je n’avais jamais joué devant des gens, donc la première du seul en scène est très bizarre. Il y a toujours ce sujet de légitimité d’acteur et d’histoire. Pourquoi moi, j’ai une légitimité à monter sur scène et à raconter mon histoire ? T’as toujours peur que ton histoire n’intéresse pas. J’ai été rassuré sur l’émotion que ça peut créer, sur le partage qu’on peut avoir avec le public pendant ce spectacle et les retours que j’ai sont assez géniaux. Et puis ensuite, il y a un deuxième processus qui est assez thérapeutique. Je pense que j’avais une envie féroce de dire des choses et de les partager. Ça fait partie d’une thérapie, c’est mon psychiatre qui a été le premier à me dire qu’il faudrait transformer tout ça en art. Monter sur scène, c’est tellement vertigineux et difficile, que si tu le fais, c’est que c’est plus fort que toi. Si je ne l’avais pas fait, je m'en serais voulu toute ma vie.

Ton histoire, tu la racontes avec humour. Et entre deux anecdotes qui peuvent faire sourire, tu abordes des sujets sensibles comme l’adoption, les névroses qui vont avec...

Tout à fait. Je parle de la peur d’être abandonné par sa mère, sa meuf. C’est la quête perpétuelle de trouver la femme qui ne m’abandonnera jamais. C’est un peu viscéral surtout quand tu as compris que ta mère biologique est restée un mois avec toi avant de t’abandonner.

...et le racisme que tu as pu vivre au cours de ta vie.

Je suis toujours renvoyé à mes origines, parce que toute personne qui n’est pas née en France, on lui renvoie à ses origines, à son histoire. Cela montre bien que si j’avais été adopté par des gens plus populaires, je ne sais pas si ça aurait été mieux. Ce que je dis, c’est que ce n’était pas forcément facile d’être le seul petit Pygmée d’une école de blancs cathos… Je pense que si j’avais été gros ou roux, j’aurais été discriminé aussi. L’adoption, c’est dure parce que les gens te regardent, mais sans en parler.

Et puis à un moment dans ton spectacle, tu parles de l’adoption, mais surtout de son prix monétaire.

Il y a un côté chenille, on vient chercher un enfant. Il n’y a pas de livre qui explique comment être un enfant ou un parent. La vraie difficulté, c’est le regard que tes parents te renvoient tout le temps. Tu as le sentiment de redevabilité, tu as l’impression qu’ils t’ont sauvé. Et il y a ce sentiment de ne pas être l’enfant qu’ils voulaient. La vanne au final, c’est qu’on se dit : ‘J’espère qu’il ne m’a pas payé trop cher’.

Sur scène, tu parles aussi de ton fils. Est-ce que lui aussi se posent des questions ?

Il s’en pose oui. C’est très perturbant pour lui de se dire que sa grand-mère n'a pas la même gueule que son père. Il se demande : ‘Comment tu peux aimer ta mère alors que ce n’est pas vraiment ta mère’ ou ‘Ta mère, c’est vraiment ta mère ?’ Puis pour eux, ma mère, ce n’est pas ma mère… On ne fait pas rentrer un carré dans un rond. Je ne leur cache rien, mais un enfant ça se pose moins de questions et en même temps beaucoup.

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Tu viens du monde de l’entreprenariat, comment s’est passé ton processus d’écriture ?

J’ai commencé tout seul dans mon coin et ensuite je me suis entouré de deux amis. Ils ont tous les deux une patte une très différente. Il y Sébastien Thoen, réalisateur, qui est très dans la vanne. Et puis, il y a l’écrivaine Saphia Azzeddine qui va jusqu’au bout de ses sujets, elle a une plume très acide et très belle. Je me suis dit que le mariage de ces univers avec moi en réadaptant, ça pouvait donner un cocktail assez intéressant. Puis Caroline Duffau, la metteur en scène, m’épaule énormément et a adapté cette écriture avec qui je suis, sans le sur-jouer. J’ai eu l’impression de faire trois ans de cours Florent en six mois.

Pendant que tu fais tes premiers pas sur scène, tu débarques sur TMC avec ta série "Profession comédien".

Exactement, là on écrit le prime-time de profession comédien. C’est une vie dans laquelle je m’éclate. J’ai l’impression de beaucoup travailler et pas beaucoup en même temps. En montant sur scène, je me suis senti à ma place alors que ce n’est pas un endroit où j’ai l’habitude d’être. C’est une aventure fabuleuse. On va peut-être partir en tournée en province avec le seul en scène. Il y a plein de choses qui se mettent en place, mais je me laisse le temps de grandir avec le spectacle.

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