Aurélie Preston, "Brisée" : "Mon père est tombé amoureux de sa demi-soeur. Ça l’a détruit. Il a commencé à se droguer"

Aurélie Preston réédite son autobiographie, "Brisée". La jeune femme de 32 ans revient sur des détails très intimes de son parcours pour alerter sur le fléau de l’addiction et les ravages du harcèlement, dont elle a été victime à diverses périodes de sa vie. Entretien.

Aurélie Preston republie son autobiographie, "Brisée", dans laquelle elle revient en toute intimité sur son parcours et les nombreux traumatismes qui l'ont jonché. Ce qui frappe immédiatement à la lecture de ce livre, c'est la malédiction qui s'est abattue sur presque tous les membres de sa famille. Une décimation à cause de la drogue et de l'alcool. "Quand je regarde ma lignée, je suis terrifiée" écrit sans ambages la jeune femme de 32 ans. Le parcours d’Aurélie Preston ressemble à une course d’esquives contre l’alcool et la drogue. Son géniteur, George, devient héroïnomane après une déception amoureuse. Il apprend que la femme dont il est éperdument amoureux, Cynthia, est en réalité sa demi-soeur. La mère de George était prostituée à Saint-Denis et Cynthia est née d’un rapport tarifé. "Je pense que ça l'a détruit et il a compensé par l’héroïne." Celui qu’elle désigne comme étant son "géniteur" rencontre ensuite la maman d’Aurélie. "Et c’est lui qui l’a mise dedans" nous confie-t-elle. Dans "Brisée", elle évoque le cercle de drogue qui gravite dans la famille depuis plusieurs générations. Son grand-père maternel était un alcoolique notoire.

La maman d’Aurélie tombe dans l’engrenage de l’héroïne "quand elle était enceinte de moi à cinq mois, quand même." Son témoignage, véritable message d’alerte sur le fléau des drogues et autres substances, est cru, brutal, comme pour mieux illustrer la déchéance dans laquelle plongent les êtres dépendants. Aurélie Preston revient sur les premiers mois de sa vie, passés dans un squat à Saint-Denis avec des parents en proie aux délires liés au manque de drogue. Aurélie Preston raconte que son géniteur lui a mordu le front après avoir totalement perdu ses esprits. Au micro de Yahoo, elle révèle une autre scène glaçante : "Mon père, un jour qu’il était en manque, est rentré dans le squat à Saint-Denis, et m'a coupée ici au ciseau au niveau de la lèvre. J’ai longtemps eu une cicatrice."

"L’alcool crée des maladies telles que la bipolarité, la schizophrénie"

À l’âge de dix-huit mois, elle est confiée à sa grand-mère à qui, dit-elle, elle "doit la vie". Une femme dont elle ne cesse de saluer la bravoure : "Elle qui a dû éponger les erreurs de ma mère et élever trois petits-enfants nés de trois pères différents."

Aurélie grandira sans ses parents, mais avec le fantôme d’une mère ravagée par la drogue, qu'elle remplacera ensuite par l’alcool. "Un jour on m’appelle, je suis avec ma grand-mère et on me dit votre mère a été retrouvée ivre morte dans un parc public de Montpellier. Je prends un Uber, je vais la récupérer. Elle est complètement stone. Sur cinq minutes dans le taxi, elle passe d’un comportement où elle s’apitoie sur son sort, où elle dit qu’elle s’en veut de m’avoir abandonnée, et puis cinq minutes après, elle a limite envie de me frapper."

Dans son autobiographie, la jeune femme parle en tant que victime collatérale de l’addiction à l’alcool et alerte sur les dangers de cette "drogue vendue en libre service". "Sur quinze ans ou vingt ans d’utilisation, l’alcool peut créer des maladies telles que la bipolarité, la schizophrénie, la démence." La mère d’Aurélie Preston a été diagnostiquée bipolaire.

Vidéo. "Je devais aller identifier le corps de mon père en décomposition depuis 7 semaines des suites d’une overdose"

"Le corps de mon père était en décomposition depuis sept semaines"

George, le géniteur d’Aurélie, succombe à son addiction à la drogue. "L’annonce de la mort de mon père, ça a été un vrai choc, je m’en rappellerai toute ma vie. La police arrive chez moi, sonne et m’annonce que mon père et mort et qu’il va falloir identifier le corps." Le supplice dure pendant un mois car la famille de son géniteur la harcèlera pour qu’elle paie les frais des obsèques "de quelqu’un [qu'elle] n’a jamais vu, pour identifier un corps de quelqu’un qui était en décomposition depuis sept semaines suite à une overdose. Ça a été horrible pour moi." Aurélie Preston est contrainte de faire une attestation sur l’honneur d’abandon paternel, "pour qu’on puisse enfin me laisser vivre" souffle-t-elle.

"J’étais la bâtarde, la fille à abattre"

Physiquement, Aurélie Preston porte en elle les ravages de la drogue que sa mère consommait alors qu'elle était enceinte d'elle. La jeune femme de 32 ans souffre de problèmes cardiaques : "J’ai une bradycardie et un problème à la valve mitrale. Je ne peux pas tendre les bras aussi. J’ai une ablation du biceps, et deux ou trois petits dysfonctionnements comme ça."

Des séquelles lourdes que la chanteuse préfère considérer comme "des petits dysfonctionnements", signe irréfutable de la résilience dont cette dernière a fait preuve tout au long de sa vie. Le traumatisme de l'addiction déclenche en elle le besoin viscéral de ne pas ressembler à ses parents. "Si j'essayais quoi que ce soit comme substance ou comme médicament, de l'alcool ou autre, je pouvais devenir addict, donc je n'essayais rien. Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne fais rien de tout ça." L'impact de la toxicomanie des parents et la modalité de la répétition chez les enfants a déjà été abordée dans des études. Si la jeune femme de 32 ans tient à rester éloignée des substances, son jeune frère lui, est devenu alcoolique.

Aurélie Preston prend soin de ne pas mentionner la drogue. Car c’est vers cette substance qu’elle s’est tournée lorsqu’elle a tenté de mettre fin à ses jours en 2022. Beaucoup ont attribué à ce geste désespéré le harcèlement acharné dont elle a été victime dans la télé-réalité "Les Anges 8" à laquelle elle a participé pour lancer sa carrière de chanteuse. La vague de haine dont elle a été victime pendant l’émission a même été signalée au CSA. Malheureusement, le harcèlement, elle l’endure depuis sa scolarité. "Quand il fallait répondre au questionnaire au début, en indiquant le nom du papa ou de la maman, ça a toujours été extrêmement douloureux car je n’avais ni mon papa, ni ma maman. Tout de suite, j’étais un peu la bâtarde, la fille à abattre." Plus tard, elle le subit également dans la sphère intra-familiale de par son lien fusionnel avec sa grand-mère, qui a attiré la jalousie de son frère, de sa soeur et de sa propre mère.

Un harcèlement quotidien et constant qui la pousse aujourd'hui à dénoncer la banalisation qui en est faite au sein de la société. L'interprète de "Brisée" dénonce la légèreté des mesures anti-harcèlement dans lesquelles le gouvernement s’est engagé. Des mesures "juste pour être choisi au moment des élections européennes" tonne-t-elle. "Il faudrait avoir une armée pour gérer ça. Je ne connais pas une seule personne dans ma vie qui n’ait pas été harcelée. Que ce soit par un ex, par un(e) meilleur(e) ami(e) envieux(se), par un camarade de classe… Tout le monde est harcelé à son échelle." Elle en veut pour preuve les messages quotidiens qu’elle reçoit sur Instagram : "Des parents qui me disent que leur fils de 9 ans veut se suicider ou des personnes qui me disent ‘Je veux me suicider, aide-moi, s’il-te-plaît.’ C’est horrible pour moi de lire ça." La chanteuse déplore le manque d’accompagnement des personnes harcelées et la prévention qui pourrait leur être adressée. "À l’école, il devrait y avoir des tests passés en début d’année pour détecter les hauts potentiels émotionnels, les profils qui ont des soucis familiaux et qui ont, malgré tout, un spectre qui va attirer les personnes harceleuses."

Si la jeune femme décide aujourd’hui d’afficher publiquement son lourd passé, c’est pour, dit-elle, "donner espoir". "Malgré le fait que l’on soit harcelé, ou addict à quelque chose, on peut se raccrocher à la vie à travers l’art ou le sport." Aurélie Preston s'est quant à elle exclusivement tournée vers la musique, qui comme elle le rappelle dans son ouvrage, reste son unique planche de salut.

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