Elise Mathy, victime d'un AVC à 27 ans : "J'ai pensé que j'aurais préféré mourir le jour de l'accident"

En France, une femme sur quatre est victime d’un AVC. 10% des victimes d’un AVC sont âgées de moins de 45 ans. Elise Mathy, endocrinologue, fait partie de cette minorité. À 27 ans, elle est foudroyée par un AVC qui paralyse tout le côté gauche de son corps. Dans son livre "Le rêve c’est la vie", elle relate cette attaque brutale qui a bouleversé son quotidien. À l'occasion de la journée mondiale de lutte contre l'AVC ce 29 octobre, nous l'avons rencontrée.

L’accident vasculaire cérébral touche 150 000 personnes en moyenne chaque année. Parmi les victimes, une sur cinq décède. Quant aux personnes qui s’en sortent, elles doivent souvent composer avec des séquelles qui peuvent être très lourdes. Les femmes sont les premières victimes de l’attaque vasculaire cérébrale, qui constitue la première cause de mortalité féminine en France. D’après les chiffres du collectif "Femmes et AVC", en France, une femme sur quatre est concernée. Ce que l’on ignore, c’est que chez la femme, les risques commencent à partir de 25 ans.

Sur le plateau de France Télévisions, le docteur Damien Mascret épingle les facteurs à risque chez les femmes : "Celles qui ont eu leurs premières règles à 10 ans ou avant, celles qui ont eu une ménopause avant 45 ans et celles qui pendant leur grossesse ont eu de l'hypertension ou du diabète."

"C'est comme si on me poignardait dans le cou"

Elise Mathy ne trimballe aucun de ses facteurs. Pourtant, à 27 ans, alors qu'elle se prépare assidûment pour le marathon de Paris, sa vie bascule dramatiquement. Le 10 février 2017, en plein footing, elle ressent un douleur atroce : "Comme si quelqu’un me poignardait dans le cou" assure-t-elle.

Cette douleur la terrasse. "Je pense que j’ai perdu connaissance. Je n’arrivais pas à me relever.". Lorsque la jeune femme reprend connaissance, elle cherche à utiliser son téléphone portable pour prévenir quelqu’un de son état et constate alors être dans l’incapacité de l’utiliser. "Mon cerveau n’a pas été capable d’utiliser mon téléphone. J’ai eu très, très peur." Dans un dernier élan d’espoir, Elise crie de toutes ses forces. Elle est finalement retrouvée par une dame, qui lui vient en aide.

Elise Mathy est alors étudiante en dernière année de médecine lorsqu’elle est victime d’un accident vasculaire cérébral. Dans son livre "Le rêve, c'est la vie", elle explique avoir eu le réflexe de demander à la personne lui venant en secours si son "visage est bizarre". Elle a effectivement du mal à articuler, en raison de son hémiparésie, une paralysie du côté gauche de tout son corps. La jeune femme comprend alors qu’elle est en train de faire un accident vasculaire cérébral, bien qu’elle n’ait eu "aucun signe avant-coureur" avant cet accident.

Vidéo. "J'ai connu beaucoup de jeunes qui avaient eu des AVC. Ça peut même toucher les nourrissons"

Parmi les symptômes qui laissent présager un accident vasculaire cérébral, on retrouve la paralysie d’un ou plusieurs membres du corps, une déformation de la bouche ou des difficultés à s’exprimer.

On distingue deux types d’attaques vasculaires cérébrales. Dans 85% des cas, les personnes sont victimes d’un AVC ischémique, qui survient lorsque la circulation sanguine vers ou dans le cerveau est interrompue par un vaisseau sanguin bouché. L’AVC hémorragique, plus rare, se produit lorsqu’un vaisseau sanguin est rompu. Le Ministère de la Santé et de la Prévention alerte également la population sur les risques de l’AVC ischémique transitoire. "Ses symptômes sont les mêmes que l’AVC, mais ils durent de quelques secondes à quelques minutes avant le retour à la normale. L’AIT peut donc passer inaperçu et être confondu avec un simple malaise. Il signale pourtant un risque important d’AVC plus grave, c’est une urgence : il faut appeler le 15 (le numéro du Samu, ndlr)" souligne-t-il sur son site.

Elise Mathy nous explique que son AVC est survenu à la suite de la section de sa carotide au niveau du cou, provoquant un hématome qui lui a bouché l’artère. Elle reste quatre jours en réanimation et est ensuite hospitalisée trois mois et demi en rééducation. Pour récupérer l’utilisation de la partie gauche de son corps, elle fait un an et demi en hôpital de jour, "un parcours du combattant" comme elle le souligne.

Vidéo. "À ce moment-là, j'étais tellement triste que j'aurais préféré mourir le jour de mon AVC"

"Pourquoi moi ? Pourquoi ma vie est terminée là ?"

À son réveil en réanimation, Elise Mathy est dans le déni de son accident, avant de se rendre compte que sa vie ne sera plus la même. Le réveil est brutal. Elle est traversée d’un sentiment d’injustice. "Il y a eu beaucoup de colère aussi. Je me disais 'Pourquoi moi ? Pourquoi ma vie elle est terminée là ?'." Avant ce jour fatidique, Elise Mathy mène une vie très saine, rythmée par une pratique sportive intense : "Je n’étais pas diabétique ou en surpoids. Je ne fumais pas. Il n’y avait pas d’antécédents dans ma famille. Pourquoi moi ?" Comme elle le souligne, on distingue pas moins de 10 facteurs à risque qui provoquent la survenue des AVC :

L’antécédent d’hypertension artérielle, qui contribue à 40% au risque d’AVC (risque multiplié par 2, et par 5 chez les moins de 55 ans) ;

Le tabagisme, qui triple le risque d’AVC ;

L’obésité abdominale, évaluée par le rapport du tour de taille/tour de hanche, qui contribue à hauteur de 36% à l’AVC ;

Une alimentation non équilibrée contribue à hauteur de 33% au risque d’AVC ;

Le manque d’activité physique

La consommation d’alcool

La fibrillation atriale, qui est le premier facteur de risque d’origine cardiaque, avec un risque multiplié par 4

Les facteurs psychosociaux (stress, dépression, isolement social…) ;

Un diabète, pour l’AVC ischémique ;

Une concentration trop élevée d’un ou plusieurs lipides présents dans le sang (cholestérol, triglycérides…).*

*Liste des facteurs recensés sur le site du Ministère de la Santé

"J’étais tellement triste et dévastée que j’ai pensé que j’aurais préféré mourir ce jour-là"

Elise Mathy se souvient alors du combat intérieur qui la ronge : "Soit tu restes en fauteuil roulant toute ta vie, soit tu te bouges les fesses pour avoir un moyen de récupérer.".

Dans son ouvrage, elle narre avec transparence les moments de détresse qu’elle a dû affronter pendant sa rééducation. "J’en étais arrivée au point où on me lavait, on me faisait les transferts pour aller aux toilettes, je ne faisais rien toute seule. J'étais si triste et dévastée que j’ai pensé que j’aurais préféré mourir ce jour-là." S’ajoute à ces incapacités, la crainte de refaire un accident vasculaire cérébral. "J’avais dit à mes parents que si jamais j’en refaisais un, il ne fallait surtout pas me réanimer" se remémore-t-elle.

Elise Mathy sort de rééducation en béquilles, consciente des efforts qui lui restent à accomplir pour retrouver une utilisation, non pas complète mais du moins partielle, de sa jambe et de son bras gauche. Dans son journal de bord, véritables mémoires intimes de la vie d’une patiente victime d’un AVC, l’étudiante en médecine décrit ses séances intensives de quatre heures de rééducation par jour, sept jours sur sept. Six ans après, Elise Mathy n’est plus en fauteuil roulant, a remisé ses béquilles, mais continue de boiter, comme elle nous le précise.

Vidéo. "J'ai rencontré l'amour et j'ai eu un petit garçon grâce à mon AVC"

"Ma vie est beaucoup mieux maintenant qu’avant"

L’accident la fragilise dans sa confiance en elle et dans sa féminité, elle qui pratiquait jusqu’à quatre heures de sport par jour: "Mon corps a changé, j’ai pris beaucoup de poids, je me déplace en boitant…" Intérieurement, la jeune femme souffre de l'idée de ne jamais renouer avec l’amour et de devenir mère.

Six mois après l’attaque, Elise Mathy reçoit sur Facebook un message qui va bouleverser sa vie, à nouveau. "C’est un homme de 26 ans. Il me dit par message : 'Moi aussi j’ai eu un AVC. J’aimerais discuter avec toi'." Le jeune homme se prénomme Louis, et comme Elise, il fait partie des 10% des patients victimes d’un AVC à la vingtaine. Louis a survécu à l’accident vasculaire cérébral en gardant comme séquelles une aphasie, une perte partielle voire complète de la capacité à s’exprimer ou comprendre le langage écrit et parlé. C’est l’une des conséquences les plus courantes après un AVC ou une tumeur cérébrale.

Comme Elise, Louis est un rescapé luttant au quotidien pour retrouver une vie meilleure. Il devient le compagnon de route d’Elise et progressivement, son partenaire de vie. "J'étais un peu perdue au début parce que d'un côté, je vivais quelque chose de terrible et de l'autre, je vivais la relation amoureuse que je rêvais toujours d'avoir."

L'homme l’encourage à terminer ses études et à obtenir son diplôme de médecin endocrinologue, qu'elle décroche avec une très bonne moyenne. Elise et Louis sont aujourd'hui les parents d'un petit garçon de quatre mois. La jeune femme, qui était rongée par la crainte d'avoir "la vie gâchée", exerce en tant qu'endocrinologue en Haute-Savoie. Elle n'a pas récupéré l'utilisation de sa main gauche, boite encore mais lorsqu’on l’interroge sur sa nouvelle vie, Elise Mathy tire ce bilan : "J'ai rencontré l’amour grâce à ça. J’ai eu mon petit garçon grâce à ça." Une nouvelle vie grâce à l’AVC. Un témoignage nécessaire et porteur d’espoir pour les nombreuses victimes d'accidents vasculaire cérébral.

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