Je vis constamment dans le passé, que faire ?
La question de notre internaute :
Je vis constamment dans le passé et regrette toujours les moments vécus. Ça gâche mon présent, que faire ?
Ce qu'en dit Sarah :
Vivre constamment dans le passé, c'est sentir en soi le temps qui file, passe et trépasse, de façon particulièrement douloureuse. Si douloureuse que certains refusent de croire que ce qui a eu lieu (une histoire d'amour, une enfance identifiée comme « heureuse », une période épanouissante au travail, etc.) n'aura plus jamais lieu.
En somme, lâcher son passé, en faire le deuil, renvoie à toutes les expériences de séparation que vous avez pu expérimenter au cours de votre existence. A ce propos, en général, comment gérez-vous la séparation ? Vous êtes plutôt du genre à partir ou à vous laisser quitter ? La vie est faite de séparations : l'entrée à l'école, la première sortie sans les parents, le premier studio... A ce propos, à quel âge êtes-vous partie de la maison de vos parents ? Comment cela s'est-il passé ?
La tyrannie de la performance
Il y a des personnes qui préfèrent s'attacher au passé car « vivre dans le présent » s'apparente, pour elles, à anticiper l'avenir et à, le mot est lâché, « faire des projets ». Aujourd'hui, nous vivons dans des sociétés où l'injonction à être un individu autonome, performant, dynamique, et donc, en permanence, tourné vers l'avenir, s'apparente à une tyrannie.
Le devoir de mémoire
Et puis, il y a des gens qui se font un devoir moral de se cramponner aux gens, aux images, aux lieux du passé. Ils se figurent que les oublier, les laisser de côté, c'est tuer une seconde fois ces visages aimés, ces lieux importants, ces mots que l'on porte en soi et qui s'accumulent, sédimentent, s'additionnent en nous. Comme si oublier l'autre en soi, c'était oublier une partie de soi...
Votre plus grand regret ?
Il y a une ambiguïté intéressante dans la formulation de votre question, qui mériterait, à elle seule, que vous vous preniez le temps d'y réfléchir. « je regrette toujours les moments vécus ». On peut l'entendre comme « je regrette les moments du passé ; c'était mieux avant », aussi bien que « je regrette que ce moment ait eu lieu » ou « je regrette que ce moment ait eu lieu de cette façon-là et, si c'était à refaire, je referais différemment ». Quel est, dans la vie, à ce jour, votre plus grand regret ?
Alors que faire ?
Si votre entourage vous reproche de ruminer sans cesse votre passé, ou si vous avez le sentiment d'être parasitée sans cesse par des images, des souvenirs, des idées du passé, n'hésitez pas à consulter un psy, même pour quelques séances. Cela vous permettra d'avoir un espace pour parler de ces choses qui vous minent, d'examiner pourquoi vous vous cramponnez au passé, ce que vous avez peur de perdre... Cela vous aidera aussi à moins parler à votre entourage, qui doit sans doute vous le reprocher, de ce passé que vous semblez démesurément idéaliser.
Se sentir pleinement dans le présent, ça n'est pas du tout une posture intellectuelle, ça passe aussi par le corps. La création peut être un bon moyen de fabriquer quelque chose et de se sentir pleinement acteur de son existence. Et pas la peine d'être un « artiste » pour se lancer. Nous pouvons tous être des artistes de notre vie, si nous nous en donnons les moyens.
Vous aimer danser ? Prenez des cours de danse, et constatez, au fur et à mesure des séances, vos progrès et votre évolution dans le temps. Sachez en outre que le sport est excellent pour le moral et permet de moins « ruminer » sans cesse, à condition d'en faire pendant plus de vingt minutes.
Vous aimez la marche ? Allez vous promener dans les jardins, dans les rues, dans des paysages que vous aimez. Si vous vous sentez, en marchant, envahie de tristesse, de nostalgie, n'ayez pas honte de ces émotions, accueillez-les, et notez-les dans un carnet, qui pourra devenir le lieu où vous déposez votre nostalgie du passé.
Vous aimer cuisiner ? N'hésitez pas à fabriquer, pour vous même, ou pour les autres, des plats, des gâteaux, tout ce qui vous permettra de faire plaisir tout en ressentant, simplement, que c'est vous qui, en mélangeant ces différents ingrédients, en les dosant, arrivez à fabriquer, à produire, quelque chose de nouveau.
Bon courage à vous,
Sarah Chiche
Psychologue, psychanalyste et psychothérapeute
www.sarah-chiche.blogspot.com