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Catherine Deneuve et les "343 salopes" : retour sur le combat de l'actrice pour le droit à l'avortement

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Catherine Deneuve et les "343 salopes" : retour sur le combat de l'actrice pour le droit à l'avortement REUTERS/Sarah Meyssonnier

Ce jeudi 14 avril 2022, France 3 diffuse "Deneuve, la reine Catherine". Un documentaire au plus près de l’intimité de l’icône française. Et si elle a brillé, et continue de le faire, sur grand écran, Catherine Deneuve est aussi une femme engagée, qui n’a pas hésité à prendre des risques pour disposer de ses droits fondamentaux en tant que femme, dans une société française encore très puritaine.

Muse de François Truffaut, acclamée par la critique, érigée au rang d’icône du cinéma français, Catherine Deneuve incarne tant de choses. Propulsée sur le devant de la scène en 1964 dans "Les Parapluies de Cherbourg" de Jacques Demy, elle a su, au fil des années, tisser le fil d’une carrière flamboyante. Côté vie privée, Catherine Deneuve a connu l’amour dans les bras de Roger Vadim d’abord, avec qui elle a eu un fils, Christian, en 1963. Puis c’est avec le photographe David Bailey qu’elle convole en secondes noces, avant de fondre pour l’irrésistible Marcello Mastroianni, père de sa fille, Chiara Mastroianni, née en 1972. Actrice, épouse, mère, Catherine Deneuve a aussi été l’une des pionnières dans le combat pour la liberté des femmes en France.

Vidéo. Découvrez le portrait de Catherine Deneuve

Les "343 salopes"

Nous sommes en avril 1971. À cette époque en France, si les femmes ont déjà acquis le droit de vote, l’avortement n’est toujours pas autorisé par la loi. Alors, elles sont nombreuses à le faire clandestinement. Une véritable organisation souterraine pour ne pas avoir à faire face à de lourdes poursuites pénales, mais qui donne lieu à des situations catastrophiques. Ces avortements clandestins peuvent conduire à la stérilité, voire à la mort. Une situation dangereuse et terriblement dégradante pour les femmes. Alors, le 5 avril 1971, elles sont des centaines à se regrouper sous un même manifeste, celui des "343 salopes". La formule est résolument choc. Il le faut pour alerter les consciences.

Dans ce texte publié à l’époque dans les colonnes du Nouvel Observateur, 343 femmes exigent le droit à l’avortement en parlant de leur propre expérience pour certaines. C’est le cas de Catherine Deneuve, qui se joint ainsi aux voix de citoyennes et d’autres grands noms de son temps (et d’aujourd’hui encore), comme Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, Jeanne Moreau ou encore Gisèle Halimi. Le manifeste défraye la chronique. Et si la loi Veil, qui dépénalise enfin l’avortement en France, survient 4 ans plus tard, en 1971, le cri du coeur de Catherine Deneuve et des autres signataires n’avait pas totalement eu l’effet escompté.

Vidéo. "D’où vient cette culpabilité que ressentent certaines femmes lors d’un avortement ?"

En 2014, pour les 40 ans de la loi Veil, l’actrice était ainsi revenue sur ce raz-de-marée médiatique. "Je n'imaginais pas un seul instant qu'elle serait reprise avec autant de violence et de grossièreté, confiait-elle au Huffigton Post. J'étais d'autant plus inquiète qu'au moment de sa parution, j'étais à l'étranger. Mon avocat m'a appelée pour me dire que certains noms étaient cités, pas d'autres, et me raconter l'effet que cela avait produit chez les commentateurs. Puis, ma crainte s'est vite estompée, le contenu et la portée politique du Manifeste m'importaient bien plus. Oui, ce Manifeste était un acte politique, pas une confession." Aujourd’hui, Catherine Deneuve se réjouit de ce droit à l’avortement qui, elle le sait sûrement mieux que d’autres, n’a pas été autorisé sans douleur et abnégation. Elle estime d’ailleurs que les mouvements anti-IVG (qui se réclament être "pro-vie") qui ne cessent de s’attaquer à cette liberté fondamentale des femmes de disposer de leur corps "restent une aberration". "Je suis persuadée qu'en France, rien ne nous fera revenir sur cet acquis, les femmes ne laisseront jamais faire cela. C'est comme si l'on réinstaurait la peine de mort, c'est impensable" estimait-elle en 2014.

Catherine Deneuve et la "liberté d’importuner"

47 ans plus tard, en 2018, Catherine Deneuve reprend la plume pour une tout autre tribune publiée dans le Monde. Cette fois, l’actrice se joint à un collectif de 100 femmes, dont Catherine Millet, Ingrid Caven ou encore Brigitte Lahaie, pour défendre la "liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle". Nous sommes alors en plein mouvement MeToo, dans le sillage de l’affaire Weinstein. Les langues se délient, et la colère monte du côté de Catherine Deneuve. Elle dénonce une "haine des hommes" de la part d'un certain féminisme dans lequel, dit-elle, elle ne se reconnaît pas. Cette prise de positions face aux récits de nombreuses victimes d’agressions sexuelles fait l’effet d’une bombe. Catherine Deneuve tombe un temps de son piédestal. Aux Etats-Unis, elle est même moquée sur les plateaux de télévision.

Vidéo. Tribune sur la "liberté d'importuner" : Catherine Deneuve précise sa pensée

Quelques jours plus tard, l’actrice s'explique dans une lettre publiée dans Libération. "Oui, j’aime la liberté. Je n’aime pas cette caractéristique de notre époque où chacun se sent le droit de juger, d’arbitrer, de condamner. Une époque où de simples dénonciations sur réseaux sociaux engendrent punition, démission, et parfois et souvent lynchage médiatique" argue-t-elle alors. Pour Catherine Deneuve, c’est la cancel culture qui pose problème, et "ces effets de meute" : "D’où mes réserves, dès le mois d’octobre sur ce hashtag Balance ton porc. Il y a, je ne suis pas candide, bien plus d’hommes qui sont sujets à ces comportements que de femmes. Mais en quoi ce hashtag n’est-il pas une invitation à la délation ?" Et de conclure : "Nous devons vivre ensemble, sans "porcs", ni "salopes"."

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