"Tout le monde savait que ça partouzait" : Clovis Cornillac sans filtre sur le milieu du show business et Harvey Weinstein
Ce mercredi 16 novembre 2022, Clovis Cornillac est à l’affiche du téléfilm de France 2, "Après le silence". Acteur et réalisateur, il connaît très bien les rouages du septième art. Pourtant, lorsque l’affaire Harvey Weinstein a éclaté et impacté drastiquement nos sociétés occidentales, Clovis Cornillac ne cachait pas sa stupéfaction. Et pour une raison bien précise.
En octobre 2017, le prestigieux New York Times jette un pavé dans la mare en dévoilant les agissements d’Harvey Weinstein, véritable prédateur sexuel qui a fait des dizaines de victimes, connues ou non. Si une grande partie de l’opinion publique est alors sous le choc de ces révélations, beaucoup d’acteurs du milieu ne sont en rien surpris par l’attitude du producteur hollywoodien. Peu à peu, l’ombre d’un macabre secret de polichinelle se dessine. Harvey Weinstein profitait-il de sa toute-puissance pour imposer une véritable omerta ? Cinq ans après, ce système opaque interroge encore, même en France. Très engagé dans la lutte contre le sexisme, Clovis Cornillac a été l’un des premiers à prendre la parole à ce sujet, sans faux-semblants.
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"Tout le monde savait"
"Tout le monde savait que ça partouzait. Tout le monde savait" lâchait ainsi Clovis Cornillac en 2018 dans l’émission "Le Grand Oral des Grandes Gueules". Habitué du Festival de Cannes, l’acteur français expliquait ce que tout le monde répétait déjà en boucle : "Harvey Weinstein était le maître de Cannes en tant que producteur". C’est d’ailleurs lors de cet évènement prestigieux que l’homme a sévi, agressant sexuellement plusieurs femmes en marge de la compétition, à l’instar d’Asia Argento. Mais pour Clovis Cornillac, même si "tout le monde" était au courant des pratiques sexuelles consenties de certains et certaines du milieu, comme ces fameuses "partouzes" donc, il était bien difficile de deviner les abus qui s’y cachaient : "Le nombre de gens qui font ce genre de trucs, tarifés, partouzes etc… Quand tu ne fais pas partie de ça, tu ne sais pas que, derrière, il y a de la maltraitance. Franchement, aucune actrice ne me l’avait dit. De ma vie, je n’ai jamais été témoin de ça, ni avec des gens en France, alors que je sais que ça existe."
Encore sous le choc des accusations portées contre Harvey Weinstein, Clovis Cornillac l’assurait : "Si j’avais été témoin de ça, je ne me vois pas dire ‘Oh non, c’est Weinstein, c’est pas grave.’" Et ce, même s’il connaissait déjà bien la stature imposante du producteur : "Là, on parle de citoyen ! Tant pis. Après, comment tu vis si tu regardes quelqu’un en train de faire ça à une femme ?! Mon problème, ce n’est plus le cinéma à ce moment-là. Tu te dis juste que c’est un malade." En 2017, c’est le scénariste américain Scott Rosenberg qui avait tenu plus ou moins le même discours que Clovis Cornillac dans un long billet publié sur Facebook. "Il faut qu’on parle d’Harvey. Tout le monde savait, putain. Je le sais, j’étais là. Peut-être qu’on ne connaissait pas la magnitude de l’horreur, les viols notamment, on n'en avait pas entendu parler. Mais on savait tous qu’il y avait quelque chose d’odieux, quelque chose de pourri. Son appétit, sa voracité, comme un ogre glouton. […] Je suis désolé et j’ai honte. Car au final, j’étais complice. Je n’ai rien dit. Je n’ai rien fait" avait-il écrit.
Du côté des autres acteurs français, Jean Dujardin, qui assurait avoir "découvert ça en même temps que tout le monde, dégoûté" avait quant à lui décrit un Harvey Weintein "très animal" : "J'ai connu le distributeur, moins le prédateur, on va dire. J'ai vu un homme violent dans ses mots mais je n'ai connu que cet homme-là. Après, j'ai pu le voir effectivement assez tactile. Mais de là à imaginer cet homme demandant aux actrices de se faire masser dans sa chambre d'hôtel, ça, non. C’est plutôt bien ce qui lui arrive. C'est une machine de guerre, il est complètement déshumanisé, donc je suppose que ça participait à tout le reste. Il est très dur, très animal."
Clovis Cornillac et ses réticences sur #BalanceTonPorc
Dans le sillage de l’affaire Weinstein, de nombreux mouvements ont été lancés. Aux Etats-Unis, le hashtag #MeToo a libéré la parole des femmes. En France, elles se sont réunies sous la bannière #BalanceTonPorc. Mais l’accueil ne fut pas aussi chaleureux qu’outre-Atlantique. Clovis Cornillac avait d’ailleurs émis des réserves sur le plateau des Grandes Gueules : "Ce que je trouve bien, c’est que la parole sorte. Ça me semble important. Après, le souci que ça peut engendrer, c’est que demain par exemple, quelqu’un peut dire sur moi : ‘Il m’a mis la main aux fesses’. Alors là, comment on fait ? Est-ce qu’on se dit que ce sont les dommages collatéraux ? Là, je serais très en colère, blessé. Je ne sais pas comment on réagit à ça. Moi je ne suis pas sur les réseaux sociaux. Je ne m’occupe pas de ça."
Et là encore, comme lui, d’autres stars françaises avaient exprimé leurs doutes quant au hashtag. À l’image de Catherine Deneuve, et sa tribune polémique dans Le Monde sur la "liberté d’importuner". Mais pour Clovis Cornillac, l’important est encore et toujours d’accueillir la parole : "Ce que j’aimerais, c’est qu’il y ait un endroit qui ne soit pas forcément exposé médiatiquement, où des femmes sont entendues, où elles peuvent porter plainte. Dans les commissariats, on sait bien qu’il y a tellement de choses à faire. Il faudrait, je pense, un commissariat dédié à ça. Où tu peux vraiment aller, que les mecs enquêtent, et qu’après ça sorte dans les médias." Déjà en 2016, l’acteur et réalisateur avait participé et parrainé la campagne contre le sexisme lancé par Laurence Rossignol, alors ministre des Droits des femmes.
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Et son discours était toujours aussi tranché, comme dans Le Parisien : "Ce qui est étonnant, c'est qu'il faille s'engager, ça paraît fou de devoir encore s'afficher contre le sexisme, qu'on en soit là à notre époque. Pour moi, c'est une évidence que les hommes et les femmes sont égaux. J'ai le sentiment que sur ce point tout le monde devrait penser la même chose, j'ai du mal à comprendre que ce ne soit pas le cas." Elevé en partie par sa grand-mère, lorsque sa mère, l’actrice Myriam Boyer, était en tournage, Clovis Cornillac a été élevé dans ce respect fondamental des femmes : "Moi qui ai grandi entouré de femmes, j’ai dit oui tout de suite quand on m'a joint. Si c'est par là que ça se passe pour faire évoluer les choses, alors je m'engage. Faire des mauvaises blagues, j'en fais sûrement comme tout le monde, je suis loin d'être parfait. Mais je suis au plus profond de moi persuadé de cette égalité. Et remettre en question cette idée est terrible... C'est inscrit dans la culture de nos sociétés, quelque chose qu'on transmet inconsciemment par l'éducation : on a placé les femmes à un endroit pendant des siècles... Il serait temps que ça change."
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