En corps heureux : « C’est comme si la dysmorphophobie avait toujours été là »
Tous les quinze jours, un témoin nous raconte sa relation avec son corps. Son rapport à la douleur, aux regards, à la nudité et au plaisir, l’histoire de son poids et celle de sa peau. Cette semaine, nous écoutons celles de Virginie, 33 ans, artiste plasticienne.
Dans ma famille, l’évolution du corps était un sujet que l’on n’abordait pas, par pudeur je pense. Quand j’ai eu mes premières règles, je n’osais pas l’annoncer à ma mère. Je lui ai dit « j’ai mes R.E.G.L.E.S. », comme ça, sans prononcer le mot. Et ça a donné le ton. Tous les sujets en lien avec la puberté, les cycles, ont été pour moi une expérience solitaire. Et parfois ambivalente. Mes potentielles sources de complexes - être plus grande que mes premiers amoureux, ne pas voir ma poitrine se développer - ne m’ont pas affectée tant que ça en grandissant. En revanche, la dysmorphophobie me semble avoir toujours été là. Comme si ça faisait partie de moi, cette conviction d’être plus grosse que je ne l’étais. Et je n’ai aucun souvenir de la façon dont ça s’est installé.
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AUCUN VÉCU IDENTIFIÉ
Mes ressentis de dysmorphophobie les plus anciens remontent au primaire, et le mot, lui, a surgi en thérapie, quand j’ai commencé à développer des troubles du comportement alimentaire : deux épisodes d’anorexie pure à 17 ans et à 27 ans puis, à 31 ans, un basculement vers l’ anorexie-boulimie, et ensuite la boulimie pure. C’est pendant une hospitalisation il y a deux ans que le diagnostic a été posé formellement par les thérapeutes, en utilisant des questions d'auto-évaluation corporelle et des images de...