"WAGs" : quand les femmes de footballeurs subissaient sexisme, lynchage et humiliation

Cheryl Tweedy (L), girlfriend of England's Ashley Cole, sits in the stands with Victoria Beckham (R), wife of England's David Beckham, and Coleen McLoughlin (C Top), girlfriend of England's Wayne Rooney, before Trinidad and Tobago's Group B World Cup 2006 soccer match against England in Nuremberg June 15, 2006.  FIFA RESTRICTION - NO MOBILE USE     REUTERS/Kai Pfaffenbach     (GERMANY)
"WAGs" : quand les femmes de footballeurs subissaient sexisme, lynchage et humiliation REUTERS/Kai Pfaffenbach

Alors que la Coupe du monde au Qatar est officiellement lancée (avec son lot de polémiques), revenons à d’autres années de scandales au sein du monde du football. Au début des années 2000, un nouveau terme déboule en une des tabloïds britanniques : WAG. Trois lettres écrites en gros caractères pour qualifier une femme de footballeur. Trois petites lettres qui ont fait basculer le monde du football dans ce que le sexisme peut faire de pire. Avec, en cibles préférées de la presse à scandale, des stars comme Victoria Beckham et Cheryl Cole, porte-étendard, bien malgré elles, de cette culture WAG qui a fait de nombreux dégâts. Yahoo vous rafraîchit la mémoire.

Juillet 1998. L’équipe de France de football gagne sa première Coupe du monde. Sur les Champs-Elysées, les scènes de liesse entrent dans l’histoire. S’ensuit un été où Zinedine Zidane et ses coéquipiers sont traqués par la presse people. En une des magazines, les photos glacées de leurs compagnes : Adriana Karembeu, Linda Evangelista, Noémie Lenoir, Elsa Lunghini, Betty Lebœuf. C’est le premier gros coup de projecteur sur les femmes de footballeurs. Mais en 2004, l’intérêt autour d’elles prend un tout autre tournant outre-Manche. C’est à cette époque que le mot WAG trône pour la première fois en une des tabloïds britanniques. Un acronyme correspondant à "Wives and Girlfriends", comprenez "épouses et petites amies de footballeurs". Ce n’est que deux ans plus tard que le terme explose. Nous sommes alors en 2006, en pleine Coupe du monde de football en Allemagne. À cette époque, l’attention des médias britanniques se cristallise autour des tribunes, où les femmes des joueurs de l’équipe d’Angleterre sont venues les supporter. En France, le terme a du mal à s’imposer dans le paysage médiatique. Chez nous, certains préféreront les termes encore plus dégradants de "michetonneuses" ou "starfuckeuses". Des années plus tard, cette ère "WAGs" a laissé des traces.

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Victoria Beckham et Cheryl Cole, cheffes de file malgré elles des "WAGs"

Retour en 2006. Bien avant le coup de boule de Zidane en finale de la Coupe du monde, une autre star du ballon rond foule les terrains de la compétition : David Beckham. Le capitaine de l’équipe d’Angleterre n’a pas encore pris sa retraite, et dans les tribunes, sa femme, Victoria, ne perd aucune miette de chaque minute de jeu. Lookée comme jamais, "Posh" fait son petit effet aux côtés de ses copines : Cheryl Cole, alors mariée au joueur anglais Ashley Cole, Coleen Rooney, femme de Wayne Rooney, et bien d’autres chéries des Three Lions. Elles chantent dès les premières notes de God Save The Queen, exultent lorsqu’un but est marqué et retiennent leur souffle à chaque occasion manquée. Et ça, ça n’échappe pas aux tabloïds britanniques. Tout au long de la compétition, Victoria Beckham et ses copines WAGs font les choux gras de la presse à scandale, qui se délecte des rumeurs autour de leurs sessions shopping très coûteuses en marge des matchs de leurs maris, et les vendent comme des supportrices sans cervelle. Peu à peu, elles deviennent médiatiquement plus importantes que les footballeurs de l’équipe nationale, et sont cataloguées comme ni plus ni moins que des femmes au foyer, dont la seule distraction en dehors des matchs de leur moitié est le shopping.

Pourtant, avant de s’afficher au bras d’Ashley Cole, Cheryl Cole s’est fait connaitre comme chanteuse au sein du célèbre groupe britannique Girls Aloud. Alors, en 2006, elle s’indignait à très juste titre de ce traitement médiatique dans les colonnes du Evening Standard : "Cela m'énerve vraiment quand les gens essaient de m'appeler WAG. J'étais dans Girls Aloud avant de rencontrer Ashley." De son côté, si Victoria Beckham n’était pas encore la styliste de renom qu’elle est devenue, inutile de rappeler son palmarès au sein des Spice Girls. Mais ça, les tabloïds britanniques n’en ont que faire. Alors, quand l’équipe d’Angleterre se fait éliminer par le Portugal en quart de finale de la Coupe du monde 2006, les attaques ne tardent pas à arriver : les WAGs sont accusées d’avoir été une trop grosse "distraction" pour les joueurs. Une accusation portée sans vergogne par les tabloïds... ceux-là même qui ont crée cet engouement autour des femmes de joueurs.

Humiliées et insultées sur la place publique

Déjà à cette époque, certaines voix s’élèvent pour dénoncer la situation. En 2009, Rio Ferdinand, joueur de l’équipe d’Angleterre, déplore le "cirque" médiatique autour des WAGs en Allemagne, estimant que "le football est devenu un élément secondaire". Fabio Capello, alors entraîneur des Three Lions, déclare que les femmes des joueurs ne se rendraient pas dans les tribunes lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud en 2010, alors que certains réclament qu’elles soient bannies de la compétition. Les WAGs, punies par l’opinion publique, pourtant visiblement très friande des magazines à scandale qui les mettent en avant.

Et comme si le lynchage public lancé par les tabloïds ne suffisait pas, la politique s’est aussi invitée dans la discussion. En 2008, Barbara Follett, alors ministre de la Culture britannique, déplorait publiquement le fait que, selon elle, "les filles sont obsédées par l'idée de devenir des stars de Wags ou de X Factor." "La société risque d'être une poupée Barbie. J’aimerais que les communautés s'engagent à changer cela. J'aimerais que les enseignants fassent prendre conscience aux filles de la contribution qu'elles doivent apporter. Il n'y a pas assez d'aspiration chez les enfants et pas assez d'application dans les écoles" poursuivait-elle. Une façon de stigmatiser et diaboliser un peu plus les femmes de footballeurs. Comme si Victoria Beckham et ses copines n’avaient autre valeur que celle de WAGs sans cervelle. La même année, dans un billet publié dans le Guardian, la journaliste Victoria Gorden déplorait déjà les paroles de la ministre, estimant qu’elle était ainsi "tombée dans le piège médiatique et sexiste d'utiliser cet acronyme réducteur, comme si les femmes concernées n'étaient que des "épouses et copines" de footballeurs."

Mais rien n’arrête la frénésie médiatique. Les tabloïds continuent de surfer sur la vague WAG. Et rien de mieux que du sexe et du scandale pour saupoudrer cette indigeste salade. Cette fois, Cheryl Cole n’est plus présentée comme l’écervelée en tribune, mais comme la femme bafouée, trompée par son footballeur de mari. La relation extra-conjugale est détaillée dans les journaux à coup de gros titres, tandis qu’elle tente de garder la tête haute, jusqu’au divorce en 2010.

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Femme de footballeur, objet de tous les fantasmes

Compte tenu de l’interêt considérable qu’ont cristallisé les femmes de footballeurs au début des années 2000 dans les magazines, le petit écran s’est emparé du phénomène. Aussi a-t-on pu assister à une ribambelle de shows télévisés autour de leur vie, cette fois aux Etats-Unis, comme "WAGS LA". En France, si les médias hexagonaux n’ont pas braqué autant de projecteurs sur les femmes de footballeurs, elles souffrent elles aussi d’une mauvaise réputation. À l’instar de Mélanie Da Cruz, mariée pendant plusieurs années à l’international français Anthony Martial, père de son fils. Hôtesse de l’air avant de se faire connaitre dans "Secret Story 9", la jeune femme a d’abord subi les quolibets autour de son statut de candidate de télé-réalité, avant d’être taxée de "michetonneuse" à cause de sa relation avec un footeux. Si elle assure ne pas être blessée par cette étiquette, Mélanie Da Cruz a plus d’une fois battu en brèche les clichés autour des femmes de footballeurs. "Ce sont des sacrifices dans tout. Je suis loin de ma famille, je vis à l’étranger. Je ne m’imaginais pas du tout femme de footballeur. Ce n’était pas du tout mon optique de caler ma vie en fonction d’un homme. Je peux comprendre les gens qui ont des stéréotypes sur les femmes de footballeurs parce que, moi-même, j’en avais" confiait-elle à Konbini.

Même son de cloche du côté d’Emilie Nef Naf, gagnante de "Secret Story 3", qui a entretenu une longue relation avec Jérémy Ménez, père de ses deux enfants. "Vu de l'extérieur, c'est un conte de fées. Mais de l'intérieur, ça ne l'est plus du tout, confiait-elle sur TFX. J’ai décidé d'arrêter ma relation peu importe ce qu'il y avait autour, parce que je ne peux pas acheter l'amour (…) La vie ne change pas. Les problèmes avec ton mec, tu les as, voire plus pour les problèmes de solitude. Tu es loin de ta famille, tu n'as pas tes amis. Des gens traînent avec toi mais tu ne sais même pas si c'est par interêt. Ce n'est pas le truc de rêve que tout le monde imagine." Si ces candidates de télé-réalité et autres influenceuses sont souvent qualifiées de "vénales" dès lors qu’elles s’amourachent d’un footeux, leurs détracteurs oublient souvent de préciser que ces messieurs semblent eux aussi très attirés par leur profil médiatique, puisque beaucoup craquent pour des jeunes femmes déjà connues.

Et maintenant, que reste-t-il des WAGs ?

Depuis le début des années 2000, beaucoup de choses ont changé. Déjà dans l'univers du football, mais aussi dans nos moeurs. Les différents mouvements féministes ont fait monter en puissance l'image de la "girl boss", que représentent certaines femmes de footballeurs. À l'image de Wanda Nara, ex-femme de Mauro Icardi qui a longtemps géré la carrière sportive de son homme. Ou encore Georgina Rodriguez, épouse de Cristiano Ronaldo qui a pris le contrôle de son histoire en la racontant dans un documentaire Netflix. Et même lorsqu'un scandale éclate, certaines ne laissent plus la liberté aux médias de les placer au rang de pauvre petite victime bafouée. C'est le cas d'Hayet Abidal, confrontée il y a peu aux infidélités dévoilées de son ex-mari, Eric Abidal, et qui a choisi de s'exprimer publiquement dans les médias.

Oui, aujourd'hui, les choses ont un tout petit peu changé. Les femmes de footballeurs prennent leur destinée en main, brisant les clichés autour de leur position. Et cela passe entre autres par les réseaux sociaux, où elles sont suivies en masse et peuvent parler de leurs aspirations et projets professionnels et personnels, comme Erika Choperena, la discrète épouse d'Antoine Griezmann, créatrice d'une marque de vêtements pour enfants.

Quant à l'époque WAGs, elle est enfin abordée à sa juste valeur. En juin 2022, David Beckham en personne est revenu sur le phénomène : "Avec le recul, il y avait beaucoup d'attention autour de cela, et je ne pense pas que les gens se soient comportés de la bonne manière. Je pense que la culture WAG est allée trop loin. On a plus parlé des épouses et petites amies que du football" a déploré l'ex-footballeur au micro de la chaîne Youtube The Overlap. Selon David Beckham, sa femme Victoria a elle-même remis en cause cette période : "Elle est la première à dire maintenant : 'Mais qu'est-ce que je faisais, qu'est-ce que je portais, pourquoi je faisais ça ?'" Une preuve que les mentalités doivent encore changer, puisque des années après, Victoria Beckham regrette son attitude, alors que les tabloïds, créateurs de cette mode sexiste, sont sans doute les premiers à blâmer.

Pour autant, en 2022, les médias britanniques semblent toujours surfer sur la vague WAGs. En témoigne cet article du Daily Mail publié le 20 novembre 2022, sur le départ des femmes des joueurs anglais pour le Qatar. "Les WAGS s'envolent pour le Qatar" titre le célèbre site web, insistant sur la "montagne de valises" de chacune d'entre elles. Est-ce là une façon un peu plus subtile de dire : "Regardez la tonne de fringues que ces femmes emportent avec elles" ? L'histoire se répète...

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