Comment se débarrasser des clichés du porno dans sa vie sexuelle ? Les conseils d’une experte
SEXUALITÉ - Des chiffres à nouveau inquiétants. Une nouvelle étude sur la pornographie, publiée ce mercredi 4 octobre 2023 par l’Ifop, alerte sur l’influence de ce type de contenu sur notre conception de la sexualité et des relations hommes femmes. Selon l’enquête, plus la consommation de contenu X est importante et précoce, plus les biais sexistes existent.
Ainsi, l’idée selon laquelle « (…) beaucoup de femmes aiment être dominées au lit » est plus répandue chez les hommes regardant des sites X au moins une fois par semaine (48 %) que chez les non-amateurs (30 %). Idem pour les personnes ayant été initiées au porno avant 11 ans, qui sont 58 % à adhérer à cette déclaration, contre 40 % de celles qui ont vu leur première vidéo à 15 ans.
« Un tiers (34 %) des amateurs très réguliers de pornographie en ligne admettent ne pas avoir toujours respecté le consentement de leurs partenaires à certaines pratiques sexuelles, contre seulement 10 % des hommes ne fréquentant jamais les sites X », alerte également le rapport.
Malgré ce constat, beaucoup de personnes ne se rendent pas compte de cet impact : seulement 10 % des répondants estiment que la pornographie a une influence négative sur leur sexualité.
Si vous sentez que le porno a un impact sur votre sexualité, il est possible de se libérer des carcans et des diktats imposés par cette industrie, selon Malvina Chabilan, sexologue, psychothérapeute que nous avons contactée en mai 2023. Pour Le HuffPost, elle proposait certaines clefs pour entrevoir sa sexualité sous un meilleur jour.
Le HuffPost. Quel impact la pornographie a-t-elle sur notre cerveau ?
Malvina Chabilan. La pornographie impose une norme dans les positions, les pratiques et sur les corps. Les femmes qui en regardent risquent de développer des angoisses corporelles. Ce qui entraîne une explosion de la chirurgie esthétique. Les hommes ont plutôt des angoisses de performance. Ils veulent être aussi « bons » que l’acteur dans le film, avoir un sexe aussi gros que lui… J’ai beaucoup de questions en consultation sur la taille du pénis. La pornographie crée beaucoup de problèmes d’estime de soi.
Elle dérègle aussi le circuit de la récompense dans le cerveau. Quand on a un orgasme devant une vidéo, la production de dopamine sera plus forte que lorsqu’on en a un dans une relation sexuelle. Le cerveau supprimera à moyen terme des récepteurs de dopamine. Cela va créer une désensibilisation et donc une perte de désir pour son partenaire à long terme. Le support visuel empêche également de développer un imaginaire érotique. Le cerveau est le premier organe sexuel. On se prive de tout son côté imaginaire quand on regarde trop de pornographie.
Quelles vont être les conséquences directes sur notre sexualité ?
Comme il n’y a plus d’imaginaire érotique, on reproduit ce qu’on voit. Dans le porno, la sexualité est très codée. On risque de partir dans des pratiques un peu extrêmes. Certaines se sont démocratisées et ne plaisent pas à tout le monde, comme la fellation et la sodomie. Par exemple, un homme ne va pas comprendre pourquoi sa femme ne veut pas pratiquer la sodomie et va se montrer insistant. Ça peut briser des couples. D’une manière générale, la pornographie développe un machisme sexuel avec la banalisation d’actes extrêmes, de la violence et de la femme objet.
Quels sont les signes qui nous disent que nous sommes trop influencés par la pornographie ?
Le signe vraiment évocateur est la perte de désir pour son ou sa partenaire. Il peut y avoir des images parasites qui arrivent pendant l’acte. Celles de la vidéo qu’on a vue la veille. On se rend compte qu’on a envie de penser au porno pour avoir du désir pour son ou sa partenaire. Cette perte de contrôle peut être les prémices d’une addiction.
Alors comment déconstruire sa sexualité ?
Quand on est dépendant, et non addict, il faut prendre du recul sur ce qu’on voit. Il faut relativiser et se rappeler qu’on regarde des acteurs dans une performance. La sexualité n’est pas une performance. Il faut déconstruire la sexualité pornographique et revenir à l’érotisme, aux caresses et au temps : la pornographie va toujours très vite. Il faut aussi travailler son imaginaire érotique.
Quels sont les moyens pratiques d’y arriver ?
La première chose est de communiquer avec son partenaire. Redécouvrir le corps de l’autre et le sien, savoir ce qu’il aime ou pas… C’est le seul moyen de connaître les désirs et les fantasmes de l’autre. On peut utiliser des sex-toys ou des jouets. Les podcasts ou les livres érotiques aident à travailler l’imaginaire. La masturbation peut aussi être sympa, qu’on soit seul ou en couple. Mais sans porno. Il faut penser à des scénarios quand on le fait. Il faut se créer une image dans la tête et pas laisser la pornographie nous l’imposer. Le porno est un peu un fast-food sexuel. Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux.
Faut-il arrêter de regarder du porno ?
Je ne suis pas contre le porno. J’estime que quelque part, c’est une forme d’art. Quand on est dépendant, tant qu’il n’y a pas de pertes de contrôle, on peut continuer à regarder du porno mais ça doit se faire avec parcimonie. Mais il faut aussi s’intéresser à d’autres formes. Le porno peut être plus axé sur le plaisir féminin et se rapprocher de la vraie relation sexuelle, comme le porno féministe d’Erika Lust. Il faut trouver d’autres pistes qui peuvent nous faire fantasmer.
Et quand il y a une perte de contrôle ?
Quand on est addict, il est conseillé d’arrêter sa consommation. Ce sont des personnes qui passent deux ou trois heures par jour à regarder du porno. Ce sont des personnes qui doivent être aidées. En tant que sexothérapeute, je préconise, entre autres, d’avoir une bonne hygiène de vie pour ne pas tomber dans l’addiction. Faire du sport peut aider à avoir ce shoot de dopamine qu’on a avec le porno quand on est addict.
Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost le 25 mai 2023. Nous rediffusons aujourd’hui sur notre site une version enrichie de cette archive, que nous estimons toujours pertinente sur le plan éditorial.
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