Des troubles de l’érection à moins de 30 ans ? Un « cercle vicieux de stress » pour les hommes concernés
SANTÉ - « Les problèmes d’érection, c’est un cercle vicieux : plus ça arrive, plus tu as peur que ça arrive et plus ça arrive. » De ses 23 à ses 26 ans, Antoine* a vécu des années « d’errance » face à ses troubles érectiles. Son jeune âge amplifie alors sa honte, ce qui l’empêche de consulter un médecin. Car dans sa tête, avoir ce genre de problèmes, c’est un « truc de vieux ».
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Pour lui, tout a commencé par des « pannes au lit », avec des rencontres d’un soir. « Au fur et à mesure, à chaque fois que j’étais avec une fille, j’y pensais de plus en plus, jusqu’à ne plus penser qu’à ça, se souvient-il. Ça a empiré, parce que je me mettais la pression. » Honteux, il n’en parle à personne autour de lui, que ce soit ses amis ou ses partenaires sexuelles.
« J’avais peur du jugement, confie-t-il. Dans une société où on prône la performance au lit, on n’a pas envie d’être le vilain petit canard. » Surtout, il a l’impression que ce n’est « pas normal » à son âge. « Ça me faisait même peur : je me disais que si à 23 ans, j’avais des problèmes, comment ce serait à 40 ou 50 ans ? » Pourtant, son cas n’est pas rare.
La peur de ne pas « assurer »
« Depuis une dizaine d’années, de plus en plus de jeunes consultent pour ce type de problème, confirme Gilbert Bou Jaoudé, médecin sexologue et directeur scientifique du site de téléconsultation Charles.co, spécialisé dans la santé des hommes. Plus d’un tiers de nos patients ont moins de 30 ans. » Sur la plateforme, le « trouble de l’érection » arrive en tête des pathologies listées.
Selon une étude Ifop réalisée en 2019, 40 % des hommes ayant des problèmes d’érection fréquents auraient plus de 70 ans, ce qui en fait la tranche d’âge la plus touchée par ce phénomène. Ils sont 18 % à avoir moins de 30 ans. On observe ensuite un recul entre 30 et 39 ans (12 %), puis une reprise et une augmentation continue à partir de 40 ans.
Chez les hommes de moins de 30 ans, il est plutôt « rare » que l’origine du problème soit physique ou liée à une pathologie. « Le plus courant, c’est ce que l’on appelle “l’angoisse de performance”, la peur de ne pas assurer, de ne pas être à la hauteur, développe le Dr Gilbert Bou Jaoudé. D’autant plus qu’avec le porno, ils se mettent une pression de malade. » Le médecin évoque également l’anxiété généralisée, l’hygiène de vie et l’impact des perturbateurs endocriniens.
« Un cercle vicieux de stress »
Selon l’enquête de l’Ifop, les jeunes hommes ont plus souvent tendance à vivre cette perte d’érection comme une menace à leur estime d’eux-mêmes. « La majorité de la gent masculine a une conception très phallocentrée du plaisir sexuel masculin : 56 % estiment qu’un rapport sexuel doit impliquer une pénétration pour être pleinement satisfait. Notamment chez les jeunes hommes de moins de 30 ans (64 %) », explique François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop.
Thomas* avait 20 ans lorsque ses troubles de l’érection se sont manifestés. Il est alors en couple depuis peu avec une fille qu’il « aime beaucoup ». « La première fois qu’on a essayé de faire l’amour, je n’ai pas réussi à avoir une érection. J’étais beaucoup trop stressé. On a réessayé et pareil. Je suis entré dans un cercle vicieux de stress », raconte-t-il. Et le premier réflexe, dans ces cas de figure, c’est de chercher des solutions ou des conseils sur Internet.
« Aller voir un médecin, aller à la pharmacie, c’était tout un processus qui me faisait peur et me mettait très mal à l’aise, justifie de son côté Antoine. Donc j’ai tenté tous les moyens un peu détournés : des crèmes, des compléments alimentaires comme “Viril XXL” ou “Force G”, des plantes comme du kamagra, du miel aphrodisiaque… » Pendant trois ans, il essaye un nombre incalculable d’astuces trouvées sur les réseaux sociaux, YouTube ou Amazon. En vain.
La honte de consulter encore « très ancrée »
Son « errance » n’est pas un cas isolé. « Beaucoup de jeunes ne consultent qu’au bout de trois ou quatre ans de galère, confirme le Dr Gilbert Bou Jaoudé. Il y a d’abord cette idée “masculino-toxique” : je vais me débrouiller tout seul. Et aussi, la honte de consulter qui reste très ancrée. C’est pareil pour les jeunes garçons qui dépriment et qui mettent beaucoup plus de temps à consulter un psy que les jeunes femmes. »
Et même si les méthodes ou traitements trouvés sur Internet peuvent parfois fonctionner - avec les dangers pour la santé qu’ils représentent -, cela règle rarement le problème à long terme. « Sans stratégie thérapeutique globale, cela ne change rien à la problématique », souligne le sexologue, qui conseille un suivi de la prise du médicament et un accompagnement psychologique en parallèle.
Après avoir essayé un médicament, sans succès, Thomas décide de se lancer et d’en parler à sa compagne. « Après en avoir discuté avec elle, j’ai réussi. Ce n’était pas grâce au produit, j’en suis sûr, se souvient-il. Le cerveau est plus fort que le produit érectile. Si on est vraiment trop sous pression, peu importe ce qu’on prend, on n’y arrivera pas. »
Pas de solution magique
Consulter un médecin est souvent la meilleure stratégie à adopter, afin d’identifier les causes du trouble. « On a parlé de mes habitudes, de mon mode de vie », explique Antoine, qui s’est finalement décidé à téléconsulter. Le spécialiste lui prescrit un médicament érectile à très faible dose, « une béquille » pour se remettre en confiance. Et en parallèle, un suivi psychologique.
Aujourd’hui, Antoine dit aller « beaucoup mieux ». En couple depuis quelques mois, il lui arrive encore parfois d’avoir « un petit problème », même s’il juge que c’est « réglé à 90 % ». « Mais quand ça arrive, je sais beaucoup mieux le gérer », affirme-t-il. En revanche, il n’en a pas parlé à sa copine, parce qu’il estime que « c’est plus simple ».
Lors des consultations, le Dr Gilbert Bou Jaoudé se dit « très touché » de voir souvent ses jeunes patients « réaliser dans quel état d’esprit ils étaient et à quel point ils se prenaient la tête pour “être à la hauteur” ». « Alors que la vraie manière d’être performant se joue sur le plan émotionnel, la complicité, le fait de se connecter à ses sensations et celles de l’autre. C’est ça qui va faire qu’on est en relation », conclut-il.
* Les prénoms ont été modifiés
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