Ils ont eu le cœur brisé après une relation purement virtuelle

Ils ne s’étaient jamais vus, mais au fil d’échanges, étaient tombés fous amoureux l’un de l’autre. Jusqu’au jour où une déception inattendue est venue ternir leur belle histoire virtuelle…

Crédit Getty
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Comme on craque sur une allure, un sourire, une voix, eux sont tombés amoureux de mots. Ceux échangés sur un site de rencontres, un réseau social ou encore un forum, avec une personne venue de nulle part. Malgré tout, la magie de cette “présence virtuelle” les a bouleversés. Souvent car ils y ont trouvé des échanges de qualité, un sentiment d’être en lien, alors même que la distance les séparait.

Fadila, 37 ans, se remet tout juste de sa récente rencontre virtuelle avec un certain Julien sur un site de dating. Il faut dire qu’après les présentations d’usage, les deux nordistes ont très vite été surpris par l’intensité de leurs discussions : “Nos échanges ont été singuliers, profonds, fouillés, détaillés. […] Nous avions tous deux l’impression d’avoir notre double en face de l’autre et cette sensation était extrêmement troublante !”, explique la jeune femme, qui avoue s’être laissée un peu piéger par ses sentiments naissants.

Notre histoire a été tuée par le réel

Redoutant le passage au réel, les deux protagonistes ont laissé filer le temps, préférant poursuivre leurs échanges par mail. “C’était fort, nous attendions chaque jour la réponse de l’autre avec une frénésie non dissimulée”. Après six semaines de discussion passionnée, Fadila et Julien programment une rencontre, quelque peu “stressés face à l’enjeu et à leurs attentes”. Mais celle-ci fit “plouf”, laissant les deux trentenaires impuissants, avec leur histoire avortée. “Ce fut comme faire le deuil d’une relation qui avait rempli nos vies pendant quelques semaines et à laquelle nous étions déjà fortement attachés […] La fin d’une belle.histoire, tuée par le réel. Je l’ai pour ma part vécue comme une vraie rupture !”, affirme Fadila, corroborant-là la pensée de Jacques Salomé.

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Pour le psychosociologue, écrivain et spécialiste de la communication, “la rencontre permise par Internet est une rencontre irréelle constituée d’un ensemble de projections” . Celles de “nos peurs, nos désirs, nos attentes…”. Une rencontre qui ne devient relation que lorsque l’on se confronte à la réalité afin de “valider les informations échangées dans le virtuel”. Et c’est souvent là que le bât blesse.

Cette désillusion, certains duo virtuels la vivent sans même se rencontrer. Tout comme ils sont tombés amoureux sans se voir, ils vivent un chagrin d’amour derrière leur écran, stoppés net par une découverte désagréable.

Les autres hommes qu’elle séduisait sur le net venaient me parler

Sylvain, qui avoue s’attacher vite, se rappelle de sa rencontre sur un forum de discussion avec une certaine Marie. Une femme qu’il décrit encore aujourd’hui comme “un cœur rempli d’amour”, pour laquelle il a complètement craqué suite à des semaines de discussions. Problème : il s’est rendu compte que celle qui occupait toutes ses pensées était volage. “Elle était du genre à aimer les hommes et à les faire craquer. Les hommes qu’elle séduisait venaient même me parler en privé, soit pour comprendre des choses sur elle car eux aussi souffraient, soit pour se vanter d’avoir couché avec elle. Et cela me faisait mal…” . Amour, jalousie, déception, pour le quadragénaire c’est une certitude : tout l’éventail des sentiments amoureux peut être vécu sur le net. “J’ai eu un petit chagrin d’amour”, affirme-t-il d’ailleurs pudiquement au sujet de Marie. Mais cela ne l’a pas empêché de poursuivre ses relations virtuelles, prenant le risque de nouvelles déconvenues : “Le plus dur, c’est lorsque la personne disparaît. Ou lorsqu’on se rend compte que ce qu’elle racontait était des conneries, et que par exemple il s’agissait d’un mec…”

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Nombre d’internautes ont ainsi été piégés par des compagnons virtuels qui ont menti sur leur sexe, leur âge ou leurs intentions. Parfois, c’est plus simplement l’impossibilité d’une concrétisation qui finit par sonner le glas de la passion virtuelle. Comme le montre le témoignage poignant d’une femme sur un blog québecois. L’homme marié dont elle est follement tombée amoureuse repoussait sans cesse le moment de la rencontre, malgré son amour pour elle. “Ce fut un très dur coup pour moi et j’ai été déçue comme jamais je ne l’aurais imaginé, étant certaine que l’on avait à faire un bout de chemin ensemble!”, raconte à ce sujet celle qui fut plongée dans le désarroi.

On ne sait pas s’il pue mais on l’aime inconditionnellement

Si la narratrice a décidé de se protéger en s’éloignant de l’homme, elle se rappelle avec nostalgie de ce qu’elle ressentait pour lui : “Quand on ne s’écrivait pas, on se téléphonait et on parlait des heures durant, on s’envoyait des livres etc. C’était complètement fou à lier. J’avais l’impression de connaître cet homme depuis toujours et de le connaître mieux que quiconque”. Et contrairement aux apparences, la femme déçue s’est toujours rendue compte de l’incongruité de ses sentiments : “On ne sait même pas s’il pue ou s’il a des tics […] Et pourtant, on l’aime inconditionnellement. C’est comme si le physique n’avait plus d’importance, comme s’il ne pesait pas dans la balance”. L’homme lui aurait-elle plu dans le réel ? Elle ne le saura jamais.

Comme eux, beaucoup d’amoureux virtuels ne se rencontrent pas. Ainsi, “l’idéal se maintient, on perçoit de l’autre seulement l’aspect de lui qu’il veut montrer, en général celui d’un être suffisant, parfait, qui pourrait combler tout désir”, explique la psychologue Noémi Schwab, qui met en garde : “Vivre une relation virtuelle est vivre dans le déni de la réalité frustrante que peut représenter l’autre […] Et cela représente toujours un risque, car la réalité peut être évitée un temps mais revient souvent en boomerang”.

Et le retour de bâtons peut être sévère, comme l’explique la psychologue, qui s’appuie sur le film Her de Spike Jonze dans lequel le héros tombe amoureux d’un logiciel : le choc est très violent lorsqu’il apprend que Samantha est une voix qui va bientôt le quitter. Il vit donc un véritable “chagrin d’amour” mais différent des chagrins d’amours réels. Car dans ce cas, c’est la perte de l’idéal qui le chagrine et non le fait d’être déçu par la personne qu’il aime…” Et il semblerait que cela soit souvent le cas chez les “cœurs brisés virtuels”…

Wassila Djellouli