Ces personnes qui veulent mourir écolo

Continuer de polluer malgré eux après leur mort leur est insupportable. Ched, Lydie, Marie et Aline sont tous les quatre favorables à l'humusation, une technique funéraire 100% écologique (mais encore interdite !) transformant les dépouilles en compost. Pas de cercueil ni d'urne, ils veulent retourner à la Terre et nous expliquent en quoi l'idée n'est pas si farfelue qu'elle en a l'air.

Getty images
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Très engagé dans l'écologie, Ched, 41 ans, est végétalien, autonome en énergie, adepte de la permaculture, des toilettes sèches et de l'éco-construction. Soucieux de rendre à la Terre ce qu'elle lui donne, il tâche au quotidien de s'intégrer dans le cycle de la nature : “mon alimentation végétale se termine dans le compost, qui va nourrir les légumes que je fais pousser avant de les manger, etc”. Mais pour lui, cette symbiose avec la planète ne doit pas se restreindre à son vivant. Sa mort aussi, il la souhaiterait parfaitement respectueuse de l'éco-système.

“être rendu à la Terre serait très satisfaisant pour moi”

“L’idée que l’on rende ma dépouille à la terre aurait quelque chose de très satisfaisant. Ce serait un peu comme se disséminer petit à petit dans l’univers...”. C'est au décès de son père que Ched a commencé à s'interroger sur l'impact écologique de la mort. “Son corps a subi des soins de thanatopraxie, et je me suis interrogé. 'Qu’en aurait-il pensé ? A t’on le choix ?'“. En effet, ces techniques modernes permettant de limiter la décomposition naturelle du corps afin de le maintenir “présentable” jusqu'aux funérailles, nécessitent l'injection de produits chimiques.

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“6 à 7 litres de fluides, mélangés avec de l’eau, comprenant 350 millilitres de fluide de conservation, dont 2 à 5 ml maximum de formol”, selon Dimitri Girardi, en charge des thanatopracteurs au sein de la Fédération française des pompes funèbres (FFPF), interrogé par reporterre.net. On peut ajouter à cela la pollution de l'atmosphère engendrée par la crémation et celle des sols, causée par l'inhumation, les deux seules techniques autorisées à ce jour en France.

Un procédé 100% écologique

Au fil de ses recherches, Ched est tombé sur des articles de La Fondation belge 'Métamorphose' parlant de l'humusation. Écologique, cette technique permet de plonger le corps dans du compost de bois d'élagage et le recouvrir de feuilles mortes et de paille afin qu'il se décompose naturellement. Le tout peut être précédé d'un rituel durant lequel le corps du défunt est enveloppé d’un linceul biodégradable et déposé sur un support en inox, avant d’être emmené vers le lieu de « sépulture », apprend-on sur le site de la fondation Métamorphose. Au terme d'une douzaine de mois, la famille peut récupérer une partie de la matière organique et y faire pousser un arbre sur lequel se recueillir.

“L'arbre symbolise la vie !”

“Je préfèrerais que mes proches se recueillent devant un arbre, car il symbolise la vie”, confie à ce sujet Marie, qui souhaite que sa mort soit “utile” et la plus douce possible pour ceux qu'elle aime. Celle qui est en pleine transition zéro déchet, qui mange local et de saison et n'utilise plus de produits industriels, pense aussi à l'aspect financier : “être enterré implique de payer une certaine somme et d'obliger ses descendants à payer à leur tour après une dizaine d'années. Je ne souhaite personnellement pas être une charge pour eux”. Si aucun coût précis n'est pour le moment avancé, l'humusation devrait être logiquement plus économique qu'un enterrement nécessitant des frais de concession, de conservation et de cercueil.

Crédit Getty
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“J'aime énormément les végétaux alors je me vois bien faire pousser 'mon arbre', s'enthousiasme à son tour Aline 50 ans, elle aussi séduite par le concept de l'humusation. Nous sommes issus de la Nature et nourris par elle et ce serait l’occasion de lui rendre quelque chose !”. Convaincue, la quinquagénaire a d'ailleurs déjà expliqué son choix à ses proches : devenir humus, après avoir donné ses organes à l'école de chirurgie. Car l'humusation ne serait en rien incompatible avec le legs d'organes post-mortem, comme le souligne le site www.humusation.org.

Une pratique encore interdite

Seul problème et pas des moindres : elle est encore interdite partout dans le monde, malgré une demande en constante progression et l'ouverture de nombreux débats. Le 21 mai 2019, une loi autorisant “la réduction organique naturelle” a cependant été promulguée dans l'état de Washington aux Etats-unis. La mesure doit entrer en vigueur en mai 2020.

Lydie se réjouit de ces avancées, même si elle émet encore des réserves sur la façon dont ses proches pourraient vivre le processus. “J'aurais peur que le temps d'attente pour récupérer le compost (ndlr : un an en moyenne) empêche ma famille de faire son deuil”.

Mais les défenseurs de l'humusation ont pensé à tout : durant cette période, les proches pourraient se recueillir près du lieu de décomposition dans un jardin, où une stèle en bois ou en pierre serait érigée. En attendant que l'arbre issu de ce “super-compost” ne déploie ses branches et ne vienne matérialiser ce fameux retour à la nature... et donc à la vie !