Journée mondiale du droit à l’avortement : "L’IVG n’est pas un droit inaliénable. Soyons attentives et attentifs"

En cette journée mondiale du droit à l’avortement, battons en brèche les nombreuses idées reçues sur l’interruption volontaire de grossesse et insistons sur la nécessité de se battre pour ce droit qui tend à se fragiliser.

Les idées reçues sur l’IVG restent nombreuses. Pour Yahoo, la gynécologue/obstétricienne Laura Berlingo revient sur les fausses croyances qui planent autour de ce droit légalisé en France depuis 1975.

Vrai ou Faux : "Le taux d’IVG a explosé en France"

C’est l’un des arguments fallacieux brandis par les anti-IVG : la légalisation de l’avortement pousse de plus en plus de femmes à se faire avorter.

Un raccourci dangereux démenti par Laura Berlingo et les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiés ce mardi 28 septembre.

En 2020, 222 000 femmes ont ainsi vécu une interruption volontaire de grossesse (IVG) en France, un chiffre en baisse de 4% par rapport à l’année précédente. Selon la Drees, cette baisse serait liée au contexte de crise sanitaire et plus particulièrement au recul du nombre de grossesses, désirées ou non.

Laura Berlingo souligne que le chiffres annuels relatifs à la pratique de l’IVG sont stables en France depuis à peu près 20 ans.

Notons toutefois qu’en 2019, il y a eu 232 200 avortements pratiqués en France, un chiffre record depuis 1990. La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques avance une hypothèse : la méfiance grandissante des 20-29 ans à l’égard des contraceptions hormonales.

Vrai ou Faux : "En France, on peut se faire avorter à tout moment"

Comme l’a souligné Laura Berlingo, on ne peut pas se faire avorter à tout moment en France. Le délai légal maximal dépend quant à lui de la méthode utilisée : médicamenteuse ou instrumentale.

Sur le site de l’Assurance Maladie, on détaille les délais légaux des deux types d’IVG :

  • "L’IVG médicamenteuse est possible jusqu’à la fin de la 5e semaine de grossesse, soit 7 semaines après le début des dernières règles. Si l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse est pratiquée dans un établissement de santé, ce délai peut s’étendre à 7 semaines de grossesse, soit 9 semaines après le début des dernières règles.

  • L’IVG instrumentale (par dilatation du col et aspiration du contenu de l'utérus) peut être réalisée jusqu’à la fin de la 12e semaine de grossesse, soit 14 semaines après le 1er jour des dernières règles."

En janvier dernier, le Sénat, majoritairement républicain, a rejeté une proposition de loi visant à allonger le délai légal de l’avortement instrumentale de 12 à 14 semaines. Une décision pourtant demandée de longue date par les diverses associations telles que le Planning familial. Allonger le délai légal permettrait aux femmes de leur laisser le temps de s’informer sur leurs droits et de prendre la décision en conséquence.

Les associations françaises estiment qu’entre 4000 et 5000 Françaises sont contraintes chaque années de se rendre à l’étranger pour avorter. Le Conseil national consultatif évoque lui le chiffre de 2000. Les femmes qui ont recours à l’IVG hors du territoire français se rendent plus principalement aux Pays-Bas, où le délai légal est fixé à 22 semaines, ou encore au Royaume-Uni.

Outre la contrainte de devoir se rendre dans un autre pays pour pratiquer une IVG, dans son édition du 28 septembre, le quotidien Libération relaie les témoignages de deux femmes obligées de se rendre dans une clinique néerlandaise pour avorter. L’une d’elle déclare avoir dépensé en tout et pour tout 2000 euros. "Je trouve ça complètement anormal de devoir payer, dans tous les sens du terme. De subir une épreuve psychologique qui va me marquer à vie, alors que je suis victime de la situation. Je suis choquée de ne pas pouvoir être accompagnée dans mon pays, alors que j’ai tout fait comme il fallait".

Vrai ou faux : "L’IVG peut rendre stérile et provoquer des cancers"

La gynécologue se montre claire : "L’IVG pratiquée dans des conditions de sécurité, telles qu’elles sont faites en France, ne rend pas stérile, ne provoque pas de cancer. Ce qui est dangereux, c’est lorsque l’IVG est interdite et pénalisée, puisqu’on arrive à des IVG clandestines, qui sont faites dans des mauvaises conditions, et elles, pour le coup, peuvent être très dangereuses."

Vrai ou faux : "L’IVG n’est pas un droit inaliénable"

Vrai… Les récents débats autour du rejet de l’allongement du délai maximal de l'avortement dans l’Hexagone montrent que ce droit reste fragile. Ces dernières semaines ont été marquées au fer rouge par le recul de l’IVG. C’est d’autant plus alarmant que cela se produit à nos portes, comme en Pologne par exemple, ou dans des pays tels que les États-Unis.

Vidéo. "C'est très grave ce qu'il vient de se passer en Pologne"

Pour rappel, en Pologne, l’arrêt du Tribunal constitutionnel du 22 octobre 2020 stipule que l’IVG ne peut plus être pratiquée dans les cas de malformation ou maladie grave du foetus, ce qui représentait 98% des cas en 2020. Soulignons également que la Pologne est un pays conservateur où le nombre d’avortements légaux est particulièrement faible. Les femmes qui décident d’avorter pour d’autres raisons le font en commandant des pilules abortives sur Internet ou en se rendant à l’étranger.

Le 1er septembre, le Texas a promulgué une loi anti-avortement interdisant l’IVG a plus de six semaines de grossesse, sans exception en cas de viol ou d’inceste. Une loi aux relents répressifs inédite dans le pays.

Enfin, en Chine, le gouvernement n’hésite pas à brandir de l’épouvantail de la stérilité pour dissuader les femmes d’avorter. Face au vieillissement de la population, le gouvernement a abandonné sa politique de l’enfant unique et souhaite "limiter les avortements pratiqués à des fins non-médicales".

Heureusement, le 26 septembre dernier, la minuscule enclave de Saint-Marin a voté en faveur de la légalisation de l’avortement. Preuve que rien n'est acquis, dans le mauvais, comme dans le bon.

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