Comment l'abbé Pierre a réduit au silence tous ceux qui ont tenté de le dénoncer, déjà dans les années 50
“C’était une époque différente.” Aussi clichée qu’horripilante, cette phrase ressort systématiquement lorsqu’il est question de dénoncer les agissements passés d’un agresseur. Si le mouvement #MeToo a permis de mettre au jour les violences sexuelles subies par des millions de femmes ces dernières années, il a aussi éveillé les consciences sur des décennies entières d’impunité masculine. Non, les viols et autres agressions n’étaient pas plus acceptables en 1950 ou en 1970. Et la récente enquête de Radio France le prouve. Ce lundi 9 septembre 2024, quelques jours après les nouvelles révélations autour des actes commis par l’abbé Pierre, la cellule d’investigation du service public dévoile des éléments inédits : des lettres écrites par le prêtre au milieu du XXe siècle, dans lesquelles il profère des menaces à peine voilées à l’encontre de ceux qui tenteraient de le dénoncer.
En mai 1955, l’abbé Pierre entame une tournée d’un mois aux États-Unis, où il rencontre même le Président de l’époque, Dwight D. Eisenhower. Mais le voyage est écourté, après que plusieurs femmes se sont plaintes du comportement de l’homme d’église. Suther Marshall, un étudiant américain qui avait participé à l’organisation de ce séjour, écrira d’ailleurs une lettre quelques mois plus tard à un proche de l’abbé pour dénoncer cette attitude dérangeante. “J’ai vu tant de choses pendant le voyage, des façons d’agir du Père comme individu. Je pense, par exemple, à Chicago, quand il avait été explicitement décidé (...)