En quelle langue une personne sourde de naissance pense-t-elle?
Une petite voix interne accompagne constamment les pensées quotidiennes de la grande majorité d'entre nous. En anglais, elle s'appelle «inner speech», que l'on peut traduire par «discours intérieur». Inaudible pour autrui, ce langage prend la forme d'une voix humaine et joue un rôle fondamental sur le plan cognitif: il nous aide à apprendre, à organiser notre pensée, mais aussi à réguler nos émotions et à nous motiver. Certains n'en ont pas et ce n'est pas grave du tout, cela s'appelle l'aphantasie.
Pour ceux qui sont atteints de surdité, comme de nombreuses personnes âgées, c'est une toute autre histoire. Surtout pour les sourds de naissance, qui n'ont jamais entendu un son ou un mot de leur vie. Pour les autres, ils continueront de penser dans leur langue natale, même s'il ne peuvent plus l'entendre. Pour l'heure, il est impossible de pénétrer à l'intérieur du cerveau d'une personne sourde, pour observer sa manière de pensée et la comparer à celle d'une personne entendante. Il faut donc se fier aux différents témoignages obtenus par des spécialistes.
La langue des signes n'est pas la même pour tout le monde
Yves Delaporte, ethnologue français et ancien directeur de recherche au CNRS, explique au magazine Sciences et Avenir que la plupart des sourds de naissance lui ont indiqué penser par images, à partir de leur propre langue des signes. En effet, contrairement à ce que l'on imagine, il n'existe pas qu'une seule langue des signes, mais de multiples, qui se transmettent de génération en génération.
L'anthropologue indique que les langues des signes diffèrent selon les pays, mais aussi selon les régions et leurs dialectes. «En France, chaque institut spécialisé pour les sourds (à Paris, Clermont-Ferrand, Metz, Arras, etc.) a développé sa propre langue des signes au cours du XXe siècle. Puis durant les années 1980, un intérêt croissant est apparu pour cette forme de…