Michel Drucker : "Johnny, Belmondo, Tapie... Je vois partir tous ceux avec qui j’ai eu vingt ans"
Si la télévision avait un visage, ce serait sans doute le sien. Au fil des années, Michel Drucker s'est imposé comme l'animateur par excellence, celui qui murmure à l'oreille des stars et connaît aussi bien les vieux de la vieille que les artistes qui fascinent la nouvelle génération. Le revers de la médaille, c'est que la star du PAF a vu partir bon nombre de célébrités auxquelles il s'était profondément attaché. Pour Yahoo, Michel Drucker raconte ses plus beaux souvenirs.
Le 6 décembre 2017, Michel Drucker a ému la France entière en rendant hommage à Johnny Hallyday, les larmes aux yeux et la gorge serrée : "Tu aurais pu vivre encore un peu, Johnny. Je sais que nous nous reverrons un jour ou l'autre. Salut mon pote !" Cette déclaration d'amitié posthume, l'animateur le plus populaire du PAF commence à en avoir l'habitude. Lui qui y évolue depuis maintenant plus de 50 ans a eu l'occasion de faire toutes sortes de rencontres avec des personnalités du show business, de fonder des amitiés solides... Mais aussi de dire adieu à certains de ses proches. Interviewé par Yahoo, l'emblématique figure de proue de France Télévisions se confie avec émotion sur l'impact de ces deuils qui se suivent, sans pour autant devenir plus faciles à vivre.
"Bernard Tapie ? Sa fille Sophie m’a téléphoné et m’a dit : viens vite, c’est la fin"
Michel Drucker en a conscience : de par son métier, il accompagne les personnalités tout au long de leur carrière et même de leur vie, y compris lorsque ces dernières prennent fin. "En TV, les accompagner jusqu’à leur dernière demeure comme on dit, c’est quelque chose de très douloureux. Je vois partir tous ceux avec qui j’ai eu vingt ans." La liste est longue, ne serait-ce que pour l'année 2021 : "Guy Bedos il n’y a pas tellement longtemps, Jean-Paul Belmondo récemment, Bernard Tapie encore plus récemment..." Le décès de l'homme politique l'a particulièrement marqué, puisque les deux hommes se connaissaient depuis près de 60 ans.
"Avec Bernard Tapie, on s’est connus quand on avait vingt ans. Il était chanteur, moi j’étais apprenti journaliste sportif et je l’ai présenté dans un gala un dimanche après-midi." Proche de la famille de ce dernier, c'est la fille de Bernard Tapie qui l'a contacté, alors que son père était sur son lit de mort : "Sa fille Sophie, que j'ai connue petite, m'a téléphoné quelques jours avant en me disant : "Ça ferait plaisir à papa de te voir, mais viens vite, parce que c'est la fin." Michel Drucker se souvient avec précision de cette dernière image de son ami : "Il était là, une ombre, il avait la peau et les os émaciés. Il avait la patte de son chien dans sa main et c’était très émouvant. Et là, avec tout ce qu’il lui restait de voix il a justement évoqué, alors qu’on en avait jamais parlé, depuis près de soixante ans, il m’a dit 'Tu te souviens quand tu m’as présenté ?'. Il se souvenait de ça."
À ce moment-là, l'animateur en a conscience : c'est la dernière fois qu'il discute avec son vieux copain : "Je savais que je ne le reverrai plus, on a évoqué nos souvenirs. Car j’en ai plein, des souvenirs avec lui, et c’est un mec qui m’a beaucoup marqué."
Jean-Paul Belmondo, Johnny Hallyday, et tous les autres
Un autre qui l'a beaucoup marqué, c'est Jean-Paul Belmondo, dit Bebel, qui nous a quittés le 6 septembre 2021. "Avec Jean-Paul, j’ai fait un voyage de plus de 55 ans. J'étais son voisin à Paris, j’allais le voir tous les jours avant qu’il meure parce qu’il était au Quai d’Orsay et moi j’étais à côté. Il a été héroïque, il a vécu 20 ans avec un terrible handicap, fauché à 70 ans par un accident vasculaire cérébral terrible, qui l'a laissé paralysé d’un bras et d’une jambe." Aujourd'hui encore, il salue le courage de son ami : "Il a continué : il a fait un film avec Francis Huster, Un Homme et son Chien. Il s’est battu jusqu’au bout et il s’est éteint fatigué."
Difficile d'évoquer les amis disparus de Michel Drucker sans parler de Johnny Hallyday. Si l'animateur a pu accompagner Bernard Tapie et Jean-Paul Belmondo dans leurs derniers instants, le Taulier a dit non, fier et bien décidé à ne pas se montrer sous une frêle apparence à ceux qui l'ont connu si puissant. "Johnny m'a écrit un mot formidable avant de mourir. Il m'a dit : "Ne viens pas me voir, je ne veux pas que tu me vois dans cet état"." Le tout avant de remercier son ami pour toutes ces belles années et de conclure : "J'ai été jeune tellement longtemps que je ne me suis pas vu vieillir."
Une volonté d'être aussi fort que ses "potes"
Si Michel Drucker tient tant à être "le premier centenaire encore à la télévision", ce n'est pas forcément une question d'ego. Peut-être est-ce tout simplement une façon pour lui de rendre hommage à ses copains, ces hommes qui se sont battus jusqu'au bout contre la maladie. "Belmondo, Tapie et Johnny, c’est les trois légendes de la France de ces années-là. Ils ont tous fait preuve d’un courage incroyable. Johnny a failli mourir, il est pratiquement mort sur scène. Pendant la tournée des Vieilles Canailles, il était avec un masque respiratoire toutes les trois chansons. Tapie s’est battu jusqu’au bout. Jusqu’au bout. Il est mort pendant ses chimios, pratiquement. Et Jean-Paul, héroïque pendant 20 ans. Voilà pourquoi ces trois personnages sont des héros. Parce qu’ils ont montré à la France entière, à des millions de gens, qu’ils ne lâchaient rien."
La mort ? L'animateur de Vivement dimanche prochain y pense, comme tout le monde. "C’est vrai que je suis arrivé à un âge où j’y pense beaucoup. La liste est longue, quand j’étais à l’hôpital pendant près d’un an, j’ai vu partir Christophe, j’ai vu partir Brasseur, j’ai vu partir Bedos, j’ai vu partir Annie Cordy, j'ai vu partir Pierre Cardin, j’ai vu partir Juliette Gréco… Tous ces gens-là, ce sont des gens que j’ai reçus dix fois dans mes émissions, ce qui fait que j’ai l’impression d’être un peu orphelin, parce qu’on n’est plus nombreux, et on n’est plus nombreux à les avoir connus comme je les ai connus moi. Mon album de famille, c’est vraiment un album assez triste. C’est quand même, mes jardins secrets, ce sont des cimetières."
Mais il n'a pas lâché, même quand il était "au bord du gouffre, avec un pronostic vital un peu engagé." "Je me suis dit, si jamais je passe de l’autre côté, bah c’est comme l’a dit Bernard Tapie, c'est pas grave. Je vais les retrouver, on va faire une émission de télé canon. Donc je me dis que si jamais je passe l’arme à gauche, je traverse le miroir, je vais peut-être avoir l’énorme surprise de retrouver Romy Schneider, Mireille Darc et Jean Gabin. Et c’est vrai que je ne suis pas croyant, et pourtant : quand ça allait très très mal pour la première fois de ma vie où j’ai pensé que je ne reviendrai pas, ou en tout cas très diminué, j’ai pensé qu’après tout ça va être peut-être le début d’une nouvelle aventure." Philosophe jusqu'au bout.
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