Paola Schietekat, Mexicaine de 27 ans, condamnée à 100 coups de fouet au Qatar pour avoir dénoncé son agression

Paola Schietekat, jeune Mexicaine condamnée à 100 coups de fouet au Qatar pour avoir dénoncé son agression

En 2021, Paola Schietekat, Mexicaine alors installée au Qatar pour le travail, a subi une agression sexuelle. Après l’avoir reporté aux autorités locales, la jeune femme de 27 ans a été à son tour accusée de "relations extraconjugales", un crime relevant de la charia islamique dans le pays. Depuis, Paola Schietekat est condamnée à 100 coups de fouet et 7 ans de prison.

C’est un nouveau fait divers qui met la lumière sur une situation de plus en plus alarmante, et qui prend petit à petit une dimension internationale. Ces derniers jours, Paola Schietekat a livré un témoignage glaçant sur les lois archaïques prônées par la charia islamique dans plusieurs pays du monde. Inculpée de "relations extraconjugales" après avoir dénoncé son agression aux autorités qataries, cette Mexicaine de 27 ans est désormais sous le coup d’une terrible condamnation. Son combat vient juste de commencer.

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Seule face à un système

C’est en 2019 que Paola Schietekat quitte son Mexique natal pour le Qatar, où elle a décroché un poste d’économiste au sein du Comité suprême, en charge de l’organisation de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Les premières années filent parfaitement pour la jeune femme, qui découvre les us et coutumes du pays et se sied parfaitement à ce nouveau quotidien. Mais les choses dérapent dans la nuit du 6 juin 2021. Comme le rapporte la BBC, Paola Schietekat est réveillée par "l’une de ses connaissances de la communauté latino de Doha" qui fait irruption dans son appartement et l’agresse physiquement. D’après ses déclarations et les photos postées sur son compte Facebook, Paola Schietekat s’en sort avec plusieurs blessures au bras et à l’abdomen.

Sous le choc, la jeune femme se rend aussitôt aux autorités afin de dénoncer cette agression. Mais un premier problème se pose : son manque de maitrise de la langue arabe ne facilite pas ses échanges avec la police. Par ailleurs, le consul mexicain ne l’aurait pas davantage aidée dans cette démarche qui, elle l’ignore encore, va prendre un tournant inattendu. "Le consul ne m'a pas conseillée sur la manière dont ma plainte pourrait être utilisée contre moi", a-t-elle confié à la presse mexicaine. Les conseils dont parle Paola Schietekat auraient pu l’alerter sur des éléments importants. Au Qatar, pays qui pratique la Charia, loi islamique, les femmes sont clairement et presque systématiquement désavantagées face aux hommes. Et ça, l’agresseur de Paola Schietekat l’a très bien compris. Cité à comparaître devant les autorités qataries, l’homme a prétendu avoir eu une relation consentie avec la jeune mexicaine. "Bien qu'il n'y ait aucune preuve à l'appui de son accusation, il n'y avait pas non plus de présomption d'innocence pour moi. Et si j'étais une victime, les autorités m'ont traitée comme une criminelle", a déclaré Paola Schietekat.

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Accusée du "crime de zina" et confrontée à un test de virginité

Mais ce n’est que le début de la descente aux enfers pour la jeune expatriée. Aussitôt, les autorités qataries ont lancé une enquête sur elle, à l'issue de laquelle Paola Schietekat et son agresseur ont tous deux été accusés du crime de zina. Cette appellation juridique et islamique considère que tout rapport sexuel hors mariage ou prénuptial est un crime, passible de 7 ans de prison… et 100 coups de fouet. Un crime qui fait écho à celui, encore plus barbare, dit "d’honneur", qui permet à des hommes, en Iran et dans d’autres pays du monde, de tuer leur femme s’ils l’accusent (ou la soupçonnent simplement) d’infidélité. Il y a quelques semaines, Mona Heidari, jeune Iranienne, a été décapitée par son mari, à qui elle avait été mariée de force.

De son côté, Paola Schietekat a même été confrontée à la demande grotesque de la police de se soumettre "à un test de virginité". "Un acte déshumanisant, humiliant et revictimisant" comme le souligne la jeune femme qui a réussi à l’éviter en présentant un certificat de son divorce. "Le parquet m'a libérée à condition que je laisse mon téléphone portable à leur disposition, pour mener à bien l'enquête sur l'affaire de 'fornication'", a-t-elle expliqué. Malheureusement, l’agresseur présumé de Paola Schietekat a lui aussi été libéré sous caution. Une situation évidemment alarmante pour la jeune femme, dont la sécurité est menacée. Et puisque l’horreur continue, Paola Schietekat a bel et bien été condamnée à 7 ans de prison et 100 coups de fouet. Les autorités locales lui ont fait savoir qu’elle pourrait éviter cette sentence… en épousant son agresseur.

Les autorités mexicaines pointées du doigt

Par chance, Paola Schietekat est parvenue à quitter le Qatar quelques jours après son agression. Et aujourd’hui, elle est bien déterminée à obtenir justice, loin des préceptes de la loi islamique. Dans la presse, la jeune femme de 27 ans n’a d’ailleurs pas hésité à pointer du doigt l’inaction des autorités mexicaines lorsqu’elle était encore au Qatar : "Le soutien que j'ai reçu du consul était minime et dédaigneux." Par ailleurs, Paola Schietekat a assuré que son agresseur a plus d’une fois tenté d’entrer en contact avec elle via les réseaux sociaux. Alertées, les autorités mexicaines n’auraient pas pris ses craintes au sérieux, lui conseillant plutôt d’observer une certaine discrétion et d’ignorer les messages de son agresseur. Des déclarations que réfute le ministère mexicain des Affaires étrangères, qui a déclaré il y a quelques jours dans un communiqué de presse que l'ambassade "avait apporté son soutien à sa compatriote et veillé au respect d'une procédure régulière, conformément aux lois en vigueur dans ce pays". La charia donc.

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Résolue à aller au bout de sa démarche, Paola Schietekat estime que cette déclaration n’a que pour objectif "d’invalider" son récit. Aujourd’hui, la jeune femme, qui s’exprime régulièrement sur les réseaux sociaux, bénéficie du soutien de nombreux Mexicains. Le 6 mars prochain aura lieu une audience à Doha portant sur son agression. Vendredi 18 février, Paola Schietekat a pu s’entretenir avec le ministre mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, qui lui a assuré que le meilleur avocat serait mis à sa disposition pour sa défense lors de l’audience. En attendant, la jeune femme veut plus que tout alerter les consciences sur la situation au Qatar, qui s’apprête à accueillir de nombreuses délégations internationales pour la Coupe du monde de football en novembre 2022. Déjà depuis plusieurs mois, ce choix divise. Comment organiser un évènement sportif d’une telle envergure dans un pays où la loi islamique repousse chaque jour les limites de la dignité humaine, et où l'homosexualité est passible de peine de mort ? Paola Schietekat dresse quant à elle un constat limpide : "J'ai réalisé que, malgré mes diplômes universitaires, ma préparation professionnelle, mon indépendance financière et mon travail pour le gouvernement qatari, je suis vulnérable aux violations des droits humains par des institutions archaïques et abusives, et incapable de trouver une protection dans mon consulat."

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