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« Porno : l’enfer du décor » : les cours d’éducation à la sexualité à l’école préconisés par le Sénat

Parmi les recommandations du Sénat, qui appelle le gouvernement à lutter contre les « violences systémiques » de l’industrie du porno, l’éducation à la sexualité en milieu scolaire refait surface.

ÉDUCATION - « Éduquer, éduquer, éduquer. » C’est un chapitre à part entière du rapport du Sénat intitulé « Porno : l’enfer du décor », adopté le 17 septembre par la délégation aux droits des femmes du Sénat. Alors que deux tiers des jeunes de moins 15 ans ont déjà eu accès à des images porno, la question de l’éducation à la sexualité se pose.

« Tous les intervenants entendus par la délégation se sont accordés pour dénoncer l’échec de l’éducation à la sexualité en France aujourd’hui », soulignent les quatre sénatrices qui en sont à l’origine, Annick Billon (UDI), Alexandra Borchio Fontimp (LR), Laurence Cohen (PCF) et Laurence Rossignol (PS). Selon leur enquête, la loi n’est pas appliquée.

Depuis 2001, la loi Aubry a instauré des « séances d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle ». L’article L312-16 du code de l’éducation prévoit qu’une information et une éducation à la sexualité soient dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène. Ce qui est très loin d’être le cas.

Faire appliquer la loi

Bien souvent, l’éducation à la sexualité se limite à quelques heures de cours de SVT sur la reproduction, en classe de 4e. « Il n’est plus possible de se contenter comme aujourd’hui d’’interventions pompiers’ en réaction à une crise dans l’établissement (agression sexuelle, vidéo de revenge porn qui circule…) », estiment les rapporteures.

La recommandation 19 du texte vient rappeler la nécessité de la prévention : « Établir un tableau de bord annuel, par académie, de la mise en œuvre des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective et désigner un délégué académique à l’éducation à l’égalité et à la sexualité, afin d’accentuer la pression pour la mise en œuvre de ces séances. »

Si tant est qu’elles soient bien mises en place, les sénatrices préconisent d’élargir le champ des discussions et d’y intégrer la pornographie. « Ces séances ne doivent également pas être uniquement des séances de prévention contre les grossesses non désirées et les infections sexuellement transmissibles (IST) », indique le rapport.

Aborder le sujet de la pornographie

Pour autant, le texte propose l’intervention de professionnels de santé, de préférence extérieurs à l’établissement, afin que les jeunes se sentent libres de poser des questions dans un cadre sécurisant et « sans la peur d’être jugés ».

« Les séances d’éducation à la vie affective et sexuelle doivent s’inscrire plus largement dans une éducation à l’égalité et une éducation aux compétences socio-émotionnelles qui incluent les notions d’intimité et de respect de l’autre, de son consentement, de sa sexualité », ajoutent les rapporteures.

Des séances qui doivent donc intégrer une sensibilisation au sujet de la pornographie et des représentations qu’elle véhicule. « Ces sujets devraient, dans l’idéal, être abordés avant même la première exposition à des contenus pornographiques, soit dès l’école primaire », est-il précisé. Car si l’exposition à ces contenus semble parfois inévitable, il convient alors de leur donner des grilles de lecture pour y faire face.

Des professionnels de santé spécialisés

Aussi, afin que le porno ne soit pas la seule réponse aux questions que peuvent se poser les enfants et les adolescents, les sénatrices proposent de « recruter des professionnels de santé, formés en matière d’éducation à la santé et de conduite de projet, dans les établissements scolaires ».

Alors que l’Éducation nationale ne compte que 7 700 infirmiers pour 62 000 sites scolaires et 13 millions d’élèves, l’objectif est ambitieux. Le rapport plébiscite la présence de médecins, infirmiers et psychologues scolaires, qui font cruellement défaut. « Et oui, il faudra des moyens, reconnaît Annick Billon (UDI) lors de la conférence de presse. Mais si on vote des lois et qu’on n’est pas capable de les appliquer, ça ne sert strictement à rien. »

Sensibiliser et informer les familles

Les parlementaires n’éludent ni l’emploi du temps déjà chargé des enseignants et directeurs d’établissements, ni la réticence de certains parents face à l’éducation à la sexualité, « notamment pour des motifs religieux ou idéologiques. » « Ces séances pourraient être évoquées lors des réunions de rentrée scolaire avec les parents d’élèves afin de mieux expliquer leur importance et leur contenu », suggère le rapport.

« C’est important de sensibiliser aussi les familles, les parents qui ne savent pas ce que font leurs enfants sur Internet », a insisté Alexandra Borchio Fontimp lors de la conférence de presse de présentation du rapport, rappelant l’existence de la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr.

D’où l’importance également de « faire connaître, dans les établissements scolaires et directement sur les réseaux sociaux utilisés par les adolescentes et les adolescents, les ressources accessibles pour répondre à leurs questions en matière de sexualité », autre recommandation.

En parallèle, l’éducation aux médias et aux usages numérique et le développement du sens critique semblent essentiels. C’est notamment le rôle de l’enseignement moral et civique (EMC) et de l’éducation aux médias et à l’information (EMI). « Ces enseignements devraient intervenir davantage en amont dans la scolarité des élèves », note le rapport. Dès la primaire, donc.

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