Pourquoi le Nutri-Score va changer de mode de calcul en 2023

Le nutritionniste qui a conçu le Nutri-Score, Serge Hercberg, revient pour « Le HuffPost » sur les modifications majeures apportées à cette étiquette alimentaire.

SANTÉ - Des frites surgelées, des sodas sans sucre ou des plats préparés étaient parfois à tort gratifiés d’un A ou d’un B. C’est pourquoi le mode de calcul du Nutri-Score, l’étiquetage nutritionnel imposé en France et d’autres pays européens, va changer à partir de la fin 2023, pour mieux prendre en compte les connaissances en matière d’alimentation et de santé, ont annoncé ce lundi 24 avril les autorités sanitaires.

Avec ses pastilles allant du vert au rouge assorties des lettres de A à E, le Nutri-Score, lancé en 2017, a fait l’objet de critiques qui portent sur le caractère obsolète ou inadapté de certaines de ses recommandations. C’est dans cette optique que ses responsables ont révisé, en deux temps, son algorithme de calcul : après une première étape en juillet 2022 sur les aliments solides, le comité de pilotage vient de rendre ses travaux sur le volet des boissons.

Céréales, lait végétal, viande, soda sans sucre… Serge Hercberg, professeur à l’université Sorbonne Paris Nord, spécialiste de la nutrition en santé publique et père du Nutri-Score, revient pour Le HuffPost sur les nouvelles notes de certains de nos aliments et boissons.

Le HuffPost : Pourquoi les autorités sanitaires ont-elles décidé de modifier l’algorithme du Nutri-Score ?

Serge Hercberg : Depuis que le Nutri-Score a été lancé, il était prévu que son algorithme soit régulièrement actualisé en fonction des progrès scientifiques, des données de santé publique, de l’évolution du marché, de l’offre alimentaire. C’est pourquoi un comité scientifique composé de chercheurs indépendants des sept pays européens où le Nutri-Score est en vigueur (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse, ndlr) s’est réuni pendant 18 mois pour réfléchir à comment améliorer ses performances.

On ne change pas le fond du Nutri-Score, ni sa philosophie, ni son format graphique. Les modifications apportées vont permettre de pénaliser davantage les aliments avec trop de sucre et de sel par exemple.

Quels sont les ajustements effectués pour les produits solides ?

Déjà, il va y avoir une plus forte pénalisation des produits sucrés, car il n’y a pas de seuil en dessous duquel le sucre ne pénalise pas la santé. Les céréales du petit-déjeuner, qui se trouvaient en A, seront désormais C. Les céréales complètes seront en revanche mieux classées.

Parmi les autres modifications majeures : les produits très salés seront pénalisés, comme les pizzas surgelées. L’huile d’olive et de colza passeront de C à B, alors que les autres huiles vont rester C, D, E, selon leur teneur en graisses saturées. Les viandes rouges, dont les études ont montré qu’elles favorisent les risques de cancer colorectal, seront aussi déclassées. Les fromages les moins gras et salés, comme l’emmental, obtiendront un C, alors que les autres resteront en D ou E.

Et pour les boissons, quelles sont les plus affectées par ce nouvel algorithme ?

Le principal problème était celui du lait, et surtout des laits sucrés, qui rentraient dans le mode de calcul des aliments solides : ils passeront désormais dans la catégorie « boissons ».

Certaines boissons lactées étaient très bien classées alors qu’elles contenaient du sucre. Par exemple, des yaourts à boire obtenaient un B alors qu’ils contiennent plus de 10 grammes de sucre pour 100 millilitres, soit comme un soda. Même chose pour les laits fermentés ou les laits végétaux, qui étaient classés A ou B. Toutes ces boissons sucrées seront désormais classées D ou E.

Quant au lait, jusqu’ici A ou B, une distinction va désormais être faite entre le lait écrémé et le lait demi-écrémé, qui vont passer en D, et le lait entier qui va être déclassé en C.

Pour les jus de fruits, pas de changement prévu car ils sont bien couverts par le Nutri-Score. Leur note varie selon leur teneur en sucre : les nectars sont classés D ou E, les purs jus sont classés C ou D. Même chose pour les sodas, pas de modification prévue, car ils sont déjà gratifiés d’un E. Seules les boissons très faiblement sucrées, contenant moins de 2 grammes de sucre par millilitres, seront reclassées en B au lieu de C.

Une importante mise à jour va aussi être effectuée sur les boissons à base d’édulcorants, pourquoi ?

Des études scientifiques ont montré que boire des boissons édulcorées avait peu d’avantage sur la santé par rapport à un soda classique. Ce n’est pas légitime que les sodas « light » ou « zéro sucre » soient classés B, alors ils vont être pénalisés dans le nouvel algorithme et passeront au minimum à C. Les sodas qui mélangent édulcorants et sucres seront eux notés D ou E.

Quelles sont les prochaines améliorations en réflexion ?

La question qui se pose maintenant est celle des aliments ultra-transformés qui contiennent beaucoup d’additifs, qu’on ne prend pas en compte dans le calcul du Nutri-Score. Les chercheurs proposent qu’un bandeau noir figure autour du Nutri-Score pour alerter le consommateur sur ces aliments.

En attendant ce futur bandeau noir, je conseille de regarder la liste des ingrédients sur l’étiquette : si elle est très longue avec des noms savants, c’est sans doute un produit ultra-transformé. Comme pour les aliments classés D ou E, il ne faut pas arrêter de les manger mais en limiter la consommation.

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