Qui sont ces jeunes qui ne boivent plus d'alcool ?
Rien, ni gros soucis de santé, ni convictions religieuses, ne les obligeait à le faire, mais ils ont préféré dire stop à l’alcool. À l’âge où tous leurs amis se mettent la tête à l’envers en soirée, ils ont eux choisi la sobriété. Quels paramètres ont motivé leur choix ? Comment gèrent-t-ils ce changement de cap au quotidien ? Nous avons interrogé ces jeunes aux convictions bien ancrées…
Il y a deux ans, Mélanie a décidé d’arrêter de boire de l’alcool. Après y avoir pensé “de longues années“, la jeune femme a d’abord participé à de nombreux “Mois de février sans alcool“, avant de stopper sa consommation. Si elle n’était pas dépendante, l’auteure de lavieenplussimple.com, avoue qu’elle “n’aimai[t] pas la manière dont [elle] consommait“ : “Je n’arrivais pas à viser la modération dans ce domaine“, explique celle qui a donc préféré opter pour une solution radicale.
Comme elle, Caroline a voulu tourner la page sur une vie étudiante faite d’excès. Après 5/6 années de soirées bien arrosées, la jeune femme a pris “conscience qu'[elle] détruisai[t] [s]on organisme à petit feu“. Bien décidée à se reprendre en main, celle qui est aujourd’hui naturopathe et coach santé a choisi de ne “plus faire subir à [s]on organisme la farandole de désagréments associés à la prise d’alcool : gueule de bois, fatigue, maux de tête, de ventre, problèmes liés au foie : acné, difficultés digestives, etc“.
“J’ai eu des relations sexuelles non consenties“
Prendre soin de leur corps et de leur santé, voilà ce qui motive une grande partie des jeunes qui choisissent une vie sobre. Bien souvent, c’est après une période de vie marquée par l’insouciance et la fête que ceux-ci décident de bannir l’alcool de leur vie. Comme s’ils prenaient tout à coup conscience d’avoir dépassé leurs limites. Ce déclic, Pauline de la chaîne YouTube Douce Frugalité, l’a eu quand elle a compris qu’elle se mettait en danger. “J’ai insulté des gens en étant bourrée, me suis retrouvée dans des endroits bizarres et eu des relations sexuelles non consenties“ , explique celle qui buvait au départ “pour se désinhiber“. Lorsqu’elle a pris conscience de la gravité de la situation, cette dernière perçut l’urgence de prendre confiance en elle autrement qu’à travers l’alcool. Elle se lança dans le développement personnel…
Comme elle, beaucoup de jeunes avouent boire pour se sentir plus à l’aise en société. Avant de le réaliser, Thomas “buvai[t] beaucoup, jusqu’à être torché au moins une fois par semaine“. Pour le jeune Parisien, “c’était devenu une habitude“ : “je buvais avec des amis sur les quais ou chez eux. S’il n’y avait pas d’alcool en soirée, c’est un peu comme s’il n’y avait pas de musique“, se souvient le trentenaire. Et c’est étonnament lors d’un voyage en Finlande que ce dernier eut une révélation : “Là-bas, j’ai trouvé que les gens n’existaient socialement que par ça et je me suis dit que c’était triste…“. À son retour à Paris, il décida de ne plus toucher “aux alcools cheap et forts“. Une façon de réapprendre à consommer pour le goût et non plus pour l’ivresse.
Arrêter l’alcool oblige parfois à changer d’amis
Si le jeune homme dit ne pas avoir rencontré de problèmes avec son entourage qu’il a même mis au défi de l’imiter, d’autres n’ont pas eu cette chance. Beaucoup de jeunes devenus sobres rapportent en effet avoir dû faire face à beaucoup d’incompréhension, voire de jugement, de la part de leurs proches. “La pression sociale est énorme“, explique Mélanie. “Comme les gens avaient l’habitude que je boive, tout le monde me fait des commentaires quand je leur dis que je ne bois plus d’alcool : Mais pourquoi ? T’es pas drôle ! On peut quand même pas fêter un anniversaire sans boire un verre ? Bois juste un verre !“…
Confrontée elle aussi à ces réflexions, Caroline conseille de son côté de “bien expliquer à ses proches sa décision pour qu’elle soit respectée“. L’auteure de lespetitsplaisirsdelavie.fr va même plus loin en recommandant de s’entourer en conséquence : “quand on ne boit plus, les envies changent […] On s’oriente plus vers des repas entre amis ou des sorties sportives. C’est là que le changement de relations se fait. Il faut savoir tourner la page et être en accord avec ses désirs du moment“. Un tri naturel, c’est aussi ce que Pauline a été amenée à faire en arrêtant de boire. “Les gens que je fréquentais quand je buvais de l’alcool, je ne pense pas que je les aurais fréquentés si je n’étais pas alcoolisée“, s’avoue-t-elle d’ailleurs avec le recul.
Sans alcool “on ressent plus vite la fatigue et l’ennui“
À l’instar de Pauline, les jeunes qui arrêtent de boire font souvent le constat qu’il devient difficile de s’amuser avec des personnes alcoolisées, et parfois de s’amuser tout court. “Les soirées sont souvent moins sympa“, admet Mélanie. “Étant une couche-tôt, l’alcool me permettait souvent de passer le cap des 22h et de pouvoir continuer la fête avec mes amis. Désormais, je me sens beaucoup plus vite larguée en soirée. Je vois que les gens partent dans un autre délire et j’avoue avoir de la peine à délirer autant sans alcool. Sans alcool, pour moi, la fête est quand même beaucoup moins folle !“
Même son de cloche pour Caroline, qui a cependant trouvé la parade pour survivre aux soirées : s’écouter et ne plus faire semblant ! “En soirée, l’alcool inhibe la fatigue et l’ennui. Aussi, quand on ne boit pas, on les ressent plus vite“, explique celle qui n’hésite pas à rentrer tôt, quitte à “passer pour une mamie“. Ressentir de plein fouet, autant son inconfort social que ses états internes, voilà ce que ces jeunes doivent s’attendre à expérimenter en devenant sobres.
“Quand je passe une journée bien naze, je n’ai plus de stratagème pour masquer la douleur”, raconte d’ailleurs à ce sujet Camille de mangeteslegumes.net. Mais ce n’est finalement pas grand chose à côté des nombreux bénéfices qu’elle retire de sa nouvelle hygiène de vie : “Je ne me réveille plus en me demandant ce que je suis en train de faire de ma vie ou de regretter un truc que j’ai pu faire ou dire. Je ne bousille plus mes week-ends à trop dormir et je ne suis plus jamais malade d’avoir trop bu”…
Wassila Djellouli