Sur les retraites, Emmanuel Macron au défi de trouver une sortie de crise face à une semaine à hauts risques

Emmanuel Macron photographié lors d’une conférence de presse à l’Élysée (illustration)
Emmanuel Macron photographié lors d’une conférence de presse à l’Élysée (illustration)

POLITIQUE - Il y a des signes qui ne trompent pas. D’abord la mobilisation. Ce lundi 27 mars, Emmanuel Macron réunit avec Élisabeth Borne les chefs de la majorité pour tenter de désamorcer la bombe sociale qui menace d’exploser en marge de la contestation de la réforme des retraites. Puis, l’inquiétude. Sur consigne de Matignon, les ministres ont été invités à limiter leurs déplacements.

Officiellement, pour ménager les forces de l’ordre, dans un contexte où la colère de la rue est clairement montée d’un cran. Ce qui commence à sérieusement embarrasser le camp présidentiel. Ce samedi 25 mars au Parc Floral, pour le Congrès d’Horizons, rares étaient les militants enclins à disserter sur le climat social. Sauf ceux qui misaient sur les lendemains qui chantent.

Sarah, parisienne quinquagénaire travaillant dans l’urbanisme ne cachait pas le caractère « anxiogène » de la période, mais s’en remettait à la star du jour, Édouard Philippe, « un homme d’État et de valeur qui sait parler a tout le monde ». Au même moment, à 390 kilomètres de là, une véritable bataille rangée opposait des militants radicaux aux forces de l’ordre à Sainte-Soline, épicentre de la contestation contre les « méga bassines ». Deux causes, deux ambiances.

« Pourrissement »

Des images chaotiques offrant l’opportunité au gouvernement de jouer la carte (risquée) du parti de l’ordre face à la violence, pour mieux déstabiliser la Nupes, dont certains élus foulaient le même champ que ceux venus en découdre avec les gendarmes. Suffisant pour s’extirper du bazar politique, social et international provoqué par la réforme des retraites ?

Si les syndicats arrivent à réunir autant de monde, je ne vois pas comment on tient sans compromis - un conseiller ministériel

Pas vraiment. « Seule une issue politique et démocratique peut permettre à Emmanuel Macron de sortir de l’impasse. Ce qui pourrait apaiser l’opinion et lui offrir une porte de sortie, c’est une censure du Conseil constitutionnel. Mais les Sages ne se prononceront pas avant plusieurs semaines », observe auprès du HuffPost, Philippe Moreau Chevrolet, spécialiste en communication politique, très sceptique sur la stratégie « du pourrissement » choisie par l’exécutif, consistant à focaliser sur les violences pour cibler la gauche et entamer le soutien à la mobilisation.

« Depuis les Gilets jaunes, cela ne marche plus », alerte cet enseignant à Sciences Po. Alors, quelle carte peut jouer Emmanuel Macron, alors que la prochaine journée de contestation sociale est autant attendue que crainte par les marcheurs ? « Mardi ce sera un test. Depuis jeudi on se disait que c’était le 49.3 qui mobilisait. Mais si les syndicats arrivent à réunir autant de monde, je ne vois pas comment on tient sans compromis », expliquait vendredi 24 mars au HuffPost un conseiller ministériel influent, s’attendant à voir l’exécutif « lâcher quelque chose » le cas échéant.

Vers une négociation avec la CFDT ?

« Est-ce qu’on revient à la table des négociations en suspendant la réforme trois mois ? Est-ce qu’on arrive à se mettre d’accord sur les retraites et le volet travail-pénibilité ? », s’interrogeait à voix haute notre interlocuteur, misant sur la division du front syndical pour négocier uniquement avec Laurent Berger alors que la CGT de Philippe Martinez ne s’est pas exprimée sur l’option de « suspension » de la réforme. Une piste évoquée du bout des lèvres ce dimanche par plusieurs poids lourds macronistes.

Sans aller jusqu’à approuver la demande faite par le secrétaire général de la CFDT d’appuyer sur pause, Yaël Braun Pivet a appelé à discuter au « plus tôt » avec les partenaires sociaux et ce, sans mettre « des préalables ou des conditions à la discussion ». Dans le JDD, Olivier Véran a de son côté a eu un mot à l’égard de Laurent Berger, qui « a eu la sagesse » d’exclure la violence « de la contestation sociale ». Sous entendu, à l’inverse de son homologue cégétiste.

« Je suis à la disposition aussi des partenaires sociaux. Il faut qu’on trouve le bon chemin : est-ce que ce sont des rencontres bilatérales, une intersyndicale ? Il faut qu’on mette de l’apaisement », a renchéri Élisabeth Borne, dans un entretien accordé à l’AFP ce dimanche soir, annonçant sa volonté de ne plus recourir à l’article 49.3 en dehors des textes budgétaires.

Au-delà du front syndical, Emmanuel Macron doit aussi trouver une parade politique lui permettant de retrouver une marge de manœuvre. Un chantier qu’il a confié à Élisabeth Borne, en charge de trouver des solutions pour élargir la majorité relative dont souffre l’exécutif, dans le but de sortir de la situation l’obligeant à choisir entre le passage en force et l’immobilisme.

« La Première ministre va présenter au président la feuille de route des consultations qu’elle compte mener puis elle le fera aux chefs de la majorité et à des ministres au déjeuner à l’Élysée », a fait savoir la présidence ce dimanche.

Le début d’une entente avec Les Républicains ? Non merci, répond le parti de droite, même si le député LR Alexandre Vincendet a appelé vendredi son parti à négocier avec l’exécutif. Un autre dossier complexe sur le bureau, déjà bien chargé, du chef de l’État, dont l’action politique semble dépendre du succès (ou non) de la journée syndicale prévue mardi.

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