Comment cette interview de Benjamin Castaldi sur la décision de sa grand-mère, Simone Signoret, nous fait réfléchir
Auteur du livre "Je vous ai tant aimés... Montand et Signoret, un couple dans l'Histoire", Benjamin Castaldi évoque la relation tumultueuse entre sa grand-mère, Simone Signoret et son mari, Yves Montand. L’histoire de ce couple mythique du cinéma français est aussi connue pour l’infidélité d’Yves Montand avec Marylin Monroe. Dans une interview accordée à Yahoo, Benjamin Castaldi revient sur la réaction de Simone Signoret et plus précisément sur comment cette infidélité révélée aux yeux de tous l’a libérée d’une série d’injonctions qui pèsent lourd sur le quotidien des femmes.
L’histoire pourrait vulgairement se résumer ainsi : trompée et humiliée, Simone Signoret a rebondi en devenant une grande actrice. Du moins, c’est en ces termes que Benjamin Castaldi fait l’éloge de la carrière prolixe de sa grand-mère.
Pour la promotion de la pièce de théâtre "Bungalow 21" qu’il a imaginée et écrite avec Eric-Emmanuel Schmitt, l’ancien chroniqueur de Touche pas à mon poste revient sur une affaire d’infidélité qui avait défrayé la chronique à l’époque : Yves Montand et Marylin Monroe. L’acteur français, alors marié à Simone Signoret, a en effet vécu une idylle avec l’illustre Marylin Monroe, rencontrée sur le tournage du film "Le Milliardaire" en 1960.
"Elle a compris que la beauté n’était qu’un passage"
Si cette histoire a fait les choux gras de la presse people à l’époque des faits, elle n’a malheureusement pas épargné ses protagonistes. Simone Signoret est profondément blessée par la trahison de son mari, selon les dires de son petit-fils. Une trahison qui marquera un tournant dans sa vie de femme.
"Partant de ce postulat qu’elle a perdu ou qu’il y aura de toute façon toujours plus belle que toi ou qu’il y aura toujours une femme que ton mari gardera plus longtemps que toi, elle se dit : 'Puisque la vie est ainsi, je vais devenir vieille très vite'" explique Benjamin Castaldi au micro de Yahoo. Cette affirmation, discutable à plusieurs niveaux, nous éclaire néanmoins sur une des postures adoptée par Simone Signoret à l’époque, celle d’avoir arrêté de se comparer aux autres actrices uniquement en se basant sur l’aspect physique. Une prise de position forte dans une industrie cinématographique massivement polluée par les diktats de la beauté.
À l’aube de ses 40 ans, l’actrice française décide de se focaliser uniquement sur sa carrière au détriment de son aspect physique et de sa vie affective. "Elle a quand même pris la décision de mettre un terme à sa vie amoureuse et sexuelle à 40 ans" explique Benjamin Castaldi au micro de Yahoo. Doit-on y lire un aveu d'échec ? Seule l'intéressée pourrait répondre à la question.
Un Oscar à 40 ans
"Une fois qu’elle avait entériné qu’elle était vieille, elle n’avait plus aucun problème" déclare Benjamin Castaldi. Si cette déclaration est encore une fois très discutable sur la forme - décréter qu’une femme est "vieille" à 40 ans peut faire hérisser les poils - elle sous-entend qu’à partir du moment où Simone Signoret s’est retirée du "marché de la bonne meuf", comme le théorise Virginie Despentes dans son essai "King Kong Théorie", elle a gagné une sérénité lui permettant de se réaliser en tant qu’actrice. La même année, Simone Signoret devient la première actrice française oscarisée pour son interprétation dans "Les Chemins de la haute ville" de Jack Clayton.
Cette consécration est la première d'une longue série. L'actrice enchaîne les rôles à succès salués par le monde du 7ème art. "C’est une des rares actrices à avoir eu une carrière aussi belle après" souligne son descendant. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à y voir "la vengeance de Signoret", sous-entendant de cette façon qu'il y aurait eu une bataille entre les deux comédiennes.
De nombreuses essayistes féministes ont éclairé sur la rivalité féminine. Dans son essai "Rivales", Marie-Aldine Girard expliquait que les racines de la rivalité féminine puisent leurs fondements dans le patriarcat et la course contre la montre qu’il impose aux femmes. Rester jeunes pour être plus belles. Être plus belles pour être choisies. Être choisies parmi toutes pour accéder au rang social plus élevé.
Vidéo. Marie-Aldine Girard : "Le concept de la reine des abeilles, c’est quand une femme arrive à un poste de pouvoir"
En 1978, à 58 ans et 18 ans après son premier sacre, Simone Signoret reçoit le César de la meilleure actrice pour son interprétation de Madame Rosa dans "La Vie devant soi". Le long-métrage remporte l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.
"En perdant face à la plus belle femme du monde"
Lorsque la liaison entre Yves Montand et Marylin Monroe est dévoilée dans la presse, elle est présentée comme une bataille entre l'épouse et la maîtresse. Simone Signoret perd la face devant celle qui est considérée à l’époque comme la plus belle femme d’Hollywood. Procédé encore une fois très patriarcal que d’ériger l’une contre l’autre deux femmes, dont l’une doit uniquement sa victoire à sa beauté. Le même Benjamin Castaldi emploiera le jargon guerrier pour évoquer la tristesse de sa grand-mère : "En "perdant" face à la plus belle femme du monde".
Dans les faits, la "protagoniste victorieuse" se donnera la mort en 1962. Dans le documentaire "Deux couples à Hollywood" de Sylvain Bergère, on apprend que Simone Signoret a réagit à la mort de Marylin Monroe en disant regretter de ne pas avoir pu lui dire qu’elle ne lui en avait jamais voulu…
Preuve une fois encore que la prétendue rivalité féminine est une conception qui n’arrange que les affaires du patriarcat.
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