Vie de mensonge - Matthieu : "J’avais envie qu'on partage un traumatisme donc je lui ai dit. C'est super malsain"

Quand Matthieu rencontre l'amour, et pour avoir le sentiment de partager quelque chose de plus avec lui, il se retrouve, un peu malgré lui à raconter un gros mensonge.

Vie de mensonge - Matthieu :
Vie de mensonge - Matthieu : "J’avais envie qu'on partage un traumatisme donc je lui ai dit. C'est super malsain". Crédit : Getty

Matthieu, 26 ans, est dans une relation amoureuse depuis 9 mois : "Ça a été le coup de foudre en soirée. Heureusement, c’était un pote de pote donc je n’ai pas trop galéré à récupérer son contact. J’étais célibataire à ce moment là. Lui pas. Mais je l’ai quand même suivi sur les réseaux et quand il a annoncé qu’il était seul, quelques semaines plus tard, j’ai sauté sur l’occasion en lui rappelant qu’il me plaisait. Je n’ai pas fait mon gros bourrin. Je lui ai proposé de se voir pour parler de ce qu’il ressentait parce que ça m’intéressait vraiment. Mais j’avais une idée en tête, oui. Et même pas mal d’idées en tête. Parce que je ne l’ai pas dit, mais il est vraiment très beau. Et il est aussi super intelligent et vraiment drôle. Bref, c’est l’homme idéal. Alors quand j’ai eu ma chance de l’avoir pour moi, je n’ai pas hésité du tout. On a commencé à se voir comme ça. Pour parler de sa vie, que je lui raconte la mienne aussi. Au début dans des bars et puis au fur et à mesure chez lui ou chez moi. Un soir, il était chez moi, il m’a raconté un truc super intime sur lui et je ne sais pas ce qui m’a pris mais j’ai rebondi. C’est là que je lui ai dit mon premier gros mensonge."

Matthieu n’en revient toujours pas : "J’ai dit que j’avais subi des choses graves. C’est sorti tout seul. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais, je lui ai raconté des tonnes de choses, le film était clair dans ma tête, je n’ai pas hésité. J’avais envie qu’il sente qu’on avait quelque chose de fort, comme un traumatisme, en commun. C’est super malsain de le dire comme ça mais je crois que c’est ce que mon cerveau a pensé sur le moment. On était en train de vivre un moment un peu fort, un peu intense, il était tout contre moi, il pleurait et je me suis laissé emporter avec une histoire super compliquée en plus. Après coup, je me suis même dit que je devais la noter pour ne pas dire des trucs qui ne correspondaient pas plus tard s'il m’en reparlait. Mais je n’étais pas sûr. Je ne pensais pas qu’il pourrait oublier mais je pensais qu’il n’y avait pas forcément besoin de revenir dessus plus tard. Et évidemment, c’est revenu."

Le partenaire de Matthieu propose qu’ils fassent de la thérapie ensemble : "Il avait un ami qui avait fait ça avec son mec et où ils avaient parlé de leurs expériences de l’homophobie. Ça les avait beaucoup rapprochés. Je ne pense pas qu’il voyait ça comme quelque chose pour réparer quoi que ce soit mais plutôt comme un engagement, comme un truc qu’on fait pour montrer à l’autre qu’on se soucie de ce qu’il a vécu et qu’on veut tourner une meilleure page avec lui. Je l’ai pris comme ça. Mais j’ai quand même refusé. Je ne me voyais pas tenir le mensonge devant un psy. Je n’ai jamais vu un psy et j’avais peur, comme un gamin, qu’il puisse voir que je mentais parce que je ne faisais pas les bons gestes, que je n’avais pas les bonnes réactions. Je sais que les psy ne sont pas des super héros ou des génies du mentalisme, mais ça m’inquiétait quand même donc j’ai fait le mec qui ne voulait pas qu’on aille plus loin sur ça. Il en a conclu que j’étais encore très traumatisé, que c’était quelque chose qui me faisait encore du mal et il s’est mis à s’occuper encore plus de moi."

Matthieu culpabilise : "Il me chouchoute. Il est aux petits soins. Il me demande constamment comment je me sens et si je vais bien. Il propose des sorties "self care" pour me faire du bien. Je sens que ça part de quelque chose de très positif et de très amoureux chez lui, mais je ne sens pas que c’est quelque chose que je mérite du tout. Surtout qu’au départ, ce mensonge part d’une vérité qu’il m’a dite sur lui. Et là, comme il est à 100% focalisé sur moi, il refuse que je m’occupe de lui ou que je me soucie de comment il se sent justement. J’ai juste réussi à le faire s’engager à me dire quand quelque chose de lui provoque des cauchemars, le stresse ou lui déclenche des angoisses mais c’est le maximum que j’ai pu obtenir. Je pense que je vais essayer d’organiser des choses de mon côté pour "qu’on se fasse du bien à deux", comme des massages au spa ou des week-ends en amoureux. Mais pour l’instant, je suis enfermé dans ma bêtise : j’ai dit quelque chose de pas vrai du tout, sans penser à mal et alors que je respecte vachement les victimes de violences, et je me retrouve à endosser un rôle qui n’est pas juste du tout. Je n’envisage pas de dire la vérité, je ne veux pas le perdre, mais j’espère que le temps va lisser tout ça."

Qui sont ces gens qui mentent sur leurs vies, leurs histoires ou leurs personnalités ? Comment en vient-on à mentir ? Pour certaines personnes, il n’est pas possible d’être totalement honnête même auprès de proches ou de personnes aimées. Essayons de comprendre un peu mieux ceux et celles qui mentent malgré l’amour. Si vous aussi vous voulez raconter vos histoires exceptionnelles, vous pouvez envoyer un message à cette adresse : lucilebellan@gmail.com.