Astrid : "J'ai 35 ans et le médecin nous a dit de faire notre deuil"
Astrid et son mari ont essayé pendant plus d'un an d'avoir un enfant. En apprenant le diagnostic, le couple s'est lancé dans un parcours PMA infructueux. Finalement, Astrid et son époux ont dû faire le deuil d'un enfant, non sans peine.
Astrid a 35 ans et elle est en couple depuis 9 ans : "J’ai rencontré mon mari parce qu’on avait des amis en commun sans le savoir. Il y a eu une soirée de Nouvel An, on a fait connaissance et on a plus été capable de se quitter. Je considère que c’est mon âme soeur. On a tout traversé ensemble. On a été très heureux, et j’espère bien que ça va se reproduire encore. Et on a aussi été très malheureux. Au début de notre histoire, il a eu des soucis de santé et j’ai décidé de me mettre en pause dans mon travail pendant quelques mois pour m’occuper de lui. Et puis, ça a été mon tour. Il s’est aussi occupé de moi. Après tout ça, on a pris un peu de temps pour nous. Pour nos carrières, mais aussi pour profiter de nos proches, pour voyager. C’était une période très joyeuse. On avait l’impression d’avoir traversé le pire. On a ensuite décidé de faire un enfant. C’était en plein confinement. On se sentait prêts. Mais ça ne marchait pas. J’avais lu qu’il fallait essayer au moins un an avant de s’inquiéter, donc c’est ce qu’on a fait. Au bout d’un an, toujours rien."
"J'étais épuisée"
Astrid apprend par son médecin qu’elle ne pourra probablement pas avoir d’enfant naturellement : "J’avais des ovaires polykystiques et c’est ce qui semblait bloquer. Le médecin a préconisé une PMA. On en a fait deux. Mais ça n’a pas marché non plus. J’ai l’impression que ces années à espérer et à tout faire pour avoir ce bébé à nous ont été les plus dures qu’on a traversées. Pour la première fois, on a eu des disputes avec mon mari. On ne savait pas gérer la douleur de l’autre en plus de la mienne. C’était trop gros. Ça semblait aussi impossible à envisager parce qu’on s’aimait tellement fort. On pense que plus on s’aime et plus c’est évident que ça va marcher. Mais ça ne marche pas comme ça. Le médecin nous a dit de faire notre deuil si on ne voulait pas adopter, ni continuer les démarches. J’étais épuisée physiquement et moralement. On a décidé de laisser tomber."
"Ça a toujours été le plan depuis que je suis petite"
Mais Astrid reste sensible à tout ce qui a trait aux enfants et aux bébés en particulier : "Les premiers mois après cette décision, je ne pouvais plus regarder la télé, aller au cinéma, lire des livres. Même aller sur internet c’était difficile. Quand on n’y fait pas attention, on ne le voit pas mais il y a des femmes enceintes, des annonces d’accouchement et des photos de bébés et de familles heureuses partout. Je me suis refermée sur moi-même. Avec le temps, c’est un peu passé et je supporte mieux. Mais je pleure encore quand j’apprends qu’une connaissance est enceinte. J’arrive à me réjouir pour les gens, surtout si c’est des personnes que j’aime. Mais la première réaction, c’est de m’enfuir et d’aller pleurer chez moi, dans ma voiture ou aux toilettes. C’est plus fort que moi. Pourtant je vois une psy. Mais apprendre qu’un couple a réussi à fonder une famille et que je ne pourrais jamais le faire avec l’homme que j’aime, ça me brise toujours le coeur. Ce n’est même pas tellement de la jalousie. C’est du désespoir. Mon mari est beaucoup plus mesuré que moi sur cette question et il me dit toujours qu’on a de la chance de s’avoir, déjà, et qu’en plus on est relativement en bonne santé. Il prend le bon côté des choses. Moi, j’ai du mal. Je ne sais toujours pas gérer ma frustration de ne pas me sentir complète, avec une famille comme j’en ai toujours rêvé. Au moins un enfant, idéalement deux. Ça a toujours été le plan depuis que je suis toute petite. C’est pour ça que si c’est dur, je pense. C’est parce que c’était quelque chose de profondément ancré en moi, qui faisait presque partie de ma personnalité. Là, je dois me réinventer et réinventer un avenir. Il n’y a pas beaucoup d’exemples autour de moi, de personnes qui n’ont pas d’enfant, par choix ou pas. Tout le monde s’y met à un moment ou à un autre. C’est ce qui complexifie un peu plus l’affaire. On est tous seuls avec ça."
15 à 25% des couples sont concernés par l’infertilité en France d'après les données de l'Enquête nationale périnatale (ENP) et de l'Observatoire épidémiologique de la fertilité en France (Obseff). Et ces chiffres ne font qu’augmenter en raison de plusieurs facteurs dont le recul de l’âge de la maternité. Ce sujet encore tabou mérite tout de même d’être exploré. Comment vit-on l’infertilité quand elle est subie ? C’est la question que nous avons décidé de poser à des femmes confrontées au problème.