Cate Blanchett évoque les difficultés à financer le film "Carol" : "Personne ne voulait d'un film sur deux femmes qui tombent amoureuses"
Nommé à six reprises aux Oscars, le film "Carol" a bien failli ne jamais voir le jour. Le long-métrage réalisé par Todd Haynes a en effet eu bien du mal à trouver des financements. Et selon Cate Blanchett, c'est une question de lesbophobie.
En 2016 en France, les spectateurs découvraient dans les salles obscures "Carol", un long métrage réalisé par Todd Haynes, et porté par Cate Blanchett, Rooney Mara et Sarah Paulson. Adapté du roman "The Price of Salt", de Patricia Highsmith, le long-métrage raconte la romance entre une jeune vendeuse et une bourgeoise d'âge mûr en plein divorce.
Une romanche impossible en 1952 à New York, aussi bien à cause de la différence d'âge entre les deux protagonistes, leurs différences de classes sociales, mais surtout à cause de l'homophobie et du sexisme de l'Amérique, prude et conservatrice.
Si le film n'a connu qu'un tiède succès auprès du grand public, "Carol" a été un succès critique, qui a valu le prix d'interprétation féminine pour Rooney Mara au Festival de Cannes 2015, quatre nominations aux Golden Globes, et six nominations aux Oscars.
Un film difficile à financer
Présente à Toronto pour le TIFF, Cate Blanchett s'est plongée dans ses souvenirs du tournage du long-métrage, évoquant sa collaboration de longue date avec le réalisateur Todd Haynes. La comédienne était ravie de pouvoir tourner le film "Carol" sous sa direction, car le film a été particulièrement compliqué : "Il nous a fallu cinq ans et plusieurs réalisateurs pour mener le projet à bien, car il a été extrêmement difficile de trouver un financement."
"A un moment, un autre réalisateur devait tourner le film, et il a, en quelques sortes, été retiré du projet", explique-t-elle, sans mentionner le réalisateur en question, mais tout en précisant qu'elle s'était elle-même retirée du projet, jusqu'au moment où elle avait appris l'intérêt de Todd Haynes.
"A ce moment-là, personne ne voulait nous financer. Personne ne voulait voir ça. Qui allait vouloir regarder un film avec une femme, et même deux, qui tombent amoureuses l'une de l'autre ?"
Une volonté de faire bouger les choses
Même si le long-métrage a moins de 10 ans, l'actrice estime que le projet était "malheureusement risqué, à l'époque", mais qu'elle ne regrette pas de l'avoir fait. "Nous réfléchissons à tout ce qui reste à changer au sein de l’industrie en termes d’équité, d’inclusion et de réalisation de films plus durables. Mais vous savez, nous avons fait d’énormes progrès. Ces dernières années, les films sont tellement plus vibrants, car moins homogènes."
Elle-même adepte des projets à risque, Cate Blanchett avait profité d'une conférence au Festival de Cannes de 2023 pour dénoncer la misogynie du monde du showbusiness, et le fait que les femmes soient encore largement en minorité. Avec son associée, Coco Francini, elles avaient dressé un triste constat : "Nous avons toutes les deux eu des expériences durant lesquelles nous arrivions sur un plateau, et en faisant le point sur qui était là, nous nous sentions mises à l'écart et énervées. J'ai réalisé à plusieurs reprises que j'étais la seule femme, face à 62 hommes", regrettait-elle. "Le ratio n'est pas bon, c'est totalement disproportionné. Quand il n'y a que des hommes sur le plateau, cela veut dire que l'on doit rire aux mêmes blagues. J'ai un très bon sens de l'humour, mais j'avais envie de faire changer les choses."
Et d'affirmer : "J'attends avec impatience le jour où nous n'aurons plus besoin de donner d'interviews sur la place des femmes au cinéma."
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