Élection de Donald Trump : "Eux ont peur pour leur vie, et pour leur santé", certains membres de la communauté LGBTQIA+ envisagent de quitter le pays
L'élection de Donald Trump pour un second mandat aux Etats-Unis fait craindre le pire aux personnes de la communauté LGBTQIA+. Inquiètes pour leurs droits, de nombreuses personnes anticipent déjà le retour de l'homme d'affaires au pouvoir dans quelques semaines. Quitte à accélérer certains de leurs projets personnels.
Il y a quelques jours, Donald Trump a été réélu face à Kamala Harris, et prendra la suite de Joe Biden, quatre ans après avoir quitté la Maison Blanche après son premier mandat. Si son élection n'a pas vraiment été une surprise, elle n'en est pas moins un choc pour de nombreuses minorités, qui s'inquiètent pour l'avenir de leurs droits sous la présidence d'un homme qui n'a jamais caché son opposition aux LGBTQIA+.
De nombreux mariages en perspective
A cause du premier mandat de Donald Trump, de nombreux droits ont été mis en péril. Outre la révocation de l'arrêt Roe v. Wade, qui a largement freiné l'accès à l'avortement à l'échelle du territoire américain, les questions en lien avec l'homosexualité et les différentes identités de genre ne doivent plus être évoquées dans les écoles de plusieurs états.
De même, les agressions LGBTphobes connaissent une hausse constante ces dernières années aux Etats-Unis, avec une augmentation de 16% des attaques transphobes, et de 23% des attaques liées à une orientation sexuelle, selon le dernier rapport du FBI. Alors forcément, le retour de Donald Trump au pouvoir fait craindre le pire aux personnes concernées, comme Kelsey* et Juliet*. Âgées de 27 et 28 ans, les deux jeunes femmes devaient se marier l'hiver prochain.
"On était en plein préparatifs pour notre mariage hivernal, on adore Noël et on était ravies de préparer une grande cérémonie glacée pendant l'hiver 2025", regrettent les deux jeunes femmes. "Mais avec l'élection de Trump, on est nombreuses à avoir peur pour nos droits, et notamment pour notre droit de nous marier", confie Kelsey avec émotion. "Du coup, on a décidé d'avancer la date. On a rendez-vous dans deux semaines pour se dire oui, juste entre nous. La fête attendra. Je refuse de prendre le risque de ne pas pouvoir épouser la femme de ma vie, sous prétexte qu'on a idiot en tant que président."
Des préparatifs partout aux Etats-Unis
Kelsey et Juliet en ont conscience, leur situation est loin d'être la plus dramatique. "On se sent un peu futiles à vouloir se marier, quand on sait que notre existence en tant que lesbiennes n'est pas menacée, ou du moins pas encore", souligne Juliet. "On a plein d'amis dans la communauté LGBTQIA+, et notamment des adelphes trans. Eux ont peur pour leur vie, et pour leur santé, parce que certains états pourraient les contraindre à détransitionner."
Cette inquiétude est d'ailleurs vécue par Rosalia*, femme trans âgée de 39 ans. "Je prends un traitement hormonal depuis 19 ans maintenant. Tous mes papiers sont genrés au féminin, mais l'inquiétude de voir l'extrême droite nous supprimer nos droits est plus présente que jamais", estime la trentenaire, engagée dans de nombreuses associations.
"Actuellement, on se mobilise à l'échelle du pays, sur les réseaux sociaux. On encourage toutes les personnes trans à avancer le plus possible dans leurs démarches administratives, pour changer de genre à l'état civil, et surtout, on leur recommande de faire un stock d'hormones, que ce soit de la testostérone pour les hommes trans, et des oestrogènes et de la progéstérone pour les femmes trans. On ne sait pas à quel point les approvisionnements vont être limités dans les semaines, les mois, voire les années à venir, s'inquiète-t-elle.
"Arrêter son traitement hormonal brusquement, c'est prendre le risque de connaître des problèmes de santé, physiques comme psychologiques. Ça serait dramatique. Des personnes risquent d'en mourir", s'alarme-t-elle. "Du coup, on s'organise partout aux Etats-Unis, grâce aux réseaux associatifs, mais aussi de façon internationale, un peu comme cela a été le cas avec les pilules abortives. On veut être prêts au cas où la situation dégénère."
Quitter le pays, la dernière option
Malgré le travail vital des associations, la situation devient trop inquiétante pour les personnes qui vivent dans des Etats qui ont majoritairement voté pour Donald Trump. C'est le cas de Theodora*, qui a déjà son plan d'action pour la suite : "Avec ma compagne, on se prépare à quitter le pays." La jeune femme, qui a entamé sa transition depuis deux ans, ne se sent plus capable de vivre aux Etats-Unis en toute sécurité.
"J'ai déjà subi plusieurs agressions. À la base, on comptait juste changer d'Etat l'année prochaine, mais avec l'élection, on ne se sent pas de rester ici", explique-t-elle. Leur destination ? "L'Europe, et plus précisément l'Espagne, puisque ma compagne a de la famille là-bas, et qu'ils sont beaucoup plus ouverts en matière de droits LGBTQIA+."
Leur départ demande toutefois une sacrée organisation : "On doit obtenir des visas, quitter nos jobs, trouver du travail sur place, vendre nos affaires, notre voiture... L'idée, c'est d'avoir un maximum d'argent pour voir venir", précise Theodora. "En plus de nos jobs actuels, on a pris plein de missions en freelance. Je pense qu'on travaille 12 heures par jour, 7 jours sur 7, et qu'on va faire ça jusqu'à notre départ en janvier. On veut avoir de quoi tenir au moins un an sans emploi, au cas où", souligne-t-elle.
Grâce à Rosalia, avec qui elle est également en contact, Theodora sait qu'elle pourra continuer sa transition hormonale y compris à l'étranger. "Elle m'a mise en relation avec des associations et des personnes trans qui vont m'aider sur place. Ça me rassure. J'ai peur pour l'avenir, mais grâce à la solidarité de nos communautés, ce n'est pas si terrible", conclut-elle avec émotion.
* Dans un souci d'anonymat, les prénoms ont été modifiés.