EnjoyPhoenix ne veut plus qu'on lui parle de maternité et elle n'est pas la seule

© Capture d'écran YouTube EnjoyPhoenix
© Capture d'écran YouTube EnjoyPhoenix

Dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube, Marie Lopez, alias EnjoyPhoenix, a évoqué le fait qu'elle ne comptait ni se marier, ni avoir des enfants. Avec beaucoup d'émotions, la jeune femme confie son malaise face aux questions sur une éventuelle maternité, qu'elle reçoit régulièrement. Seulement voilà, son témoignage lui a aussi valu de nombreuses insultes et critiques. Pourtant, elle est loin d'être la seule femme à ne pas ressentir ce désir de maternité.

"Le bébé, c'est pour quand ?" Cette question, toutes les personnes en capacité de procréer, et plus particulièrement les femmes, l'ont forcément déjà entendue. Au sein de notre société, la maternité est toujours élevée au rang d'idéal, d'accomplissement total : il faut être mère pour être une femme accomplie. Vraiment ? Selon la dernière étude de l'Ined, en France, 4,3% des femmes ne ressentent pas ce désir de maternité. Et pourtant, celles qui font le choix de ne pas avoir de descendance sont toujours pointées du doigt, couvertes de reproches. Encore plus si elles font le choix de se faire stériliser pour ne plus avoir à subir les inconvénients et les risques liés à une forme de contraception, quelle qu'elle soit.

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EnjoyPhoenix dénonce les injonctions à devenir maman

Ces reproches, ces critiques, EnjoyPhoenix affirme les subir régulièrement. Âgée de 26 ans, la YouTubeuse l'affirme dans sa dernière vidéo intitulée "Mon problème avec le mariage et les enfants" : elle ne se retrouve pas dans le schéma des familles "classiques". Elle estime ne pas avoir besoin de se marier pour prouver son amour envers qui que ce soit, et ne ressent pas l'envie – du moins pour l'instant, puisqu'elle se réserve le droit de changer d'avis dans quelques années – de tomber enceinte. Et ce, depuis sa plus tendre enfance.

"Petite fille, je n'aimais pas les bébés, les enfants. Je ne jouais pas au papa et à la maman. Quand je voyais des bébés dans mon entourage qui criaient, ça avait le don de me rendre totalement hystérique. Je ne supportais pas ça", confie-t-elle. "J'ai toujours été mal à l'aise au contact des petits enfants. Quand on m'en mettait un dans les bras, je ne savais pas quoi faire. Donc déjà, petite, les enfants, ce n'était pas trop mon truc." Ce désamour des bébés n'a pas changé au fil des années, loin de là. Et les injonctions qu'elle reçoit par le biais des commentaires sur sa chaîne YouTube ou sur les réseaux sociaux commencent à sérieusement l'énerver : "A chaque fois que j'ai pu prendre du poids, à chaque fois que je me suis mise en couple, sur Instagram ou sur YouTube, on me demandait : 'Quand est-ce que tu vas te marier ? Est-ce que c'est pour bientôt le bébé ?' Je n'y vois pas de la méchanceté, je sais que c'est de la curiosité parfois un peu maladroite. Mais c'est important de savoir que quand vous posez cette question à quelqu'un, vous ne pouvez pas savoir ce qu'il s'est passé dans son enfance, dans son adolescence. On a tous des traumas, on a tous des souvenirs, des expériences, un passif qui fait que nos choix et nos avis et nos décisions sont ce qu'ils sont."

Aujourd'hui, elle l'affirme sans tabou, mais avec beaucoup d'émotions : "Avoir des enfants, c'est très compliqué pour moi mentalement. C'est presque insurmontable pour moi de me dire qu'un jour, j'aurais des enfants. C'est le résultat de ce que j'ai vécu pendant mon adolescence. J'ai cru pendant très longtemps que ça n'aurait pas d'impact sur ma vie d'adulte, j'avais enfoui tout ça, mais la vie nous rattrape toujours", évoquant les abus sexuels subis par le passé. "Voilà pourquoi aujourd'hui je ne veux pas qu'on me parle d'enfants, et j'ai le droit de dire que je veux qu'on me laisse tranquille avec cette question."

L'envie de profiter de sa vie pleinement, sans avoir de comptes à rendre

Au-delà de ce facteur, qui a forcément eu une influence sur sa volonté de ne pas avoir d'enfant, Marie Lopez précise avec beaucoup d'honnêteté qu'elle n'a pas envie d'avoir à "sacrifier" son train de vie à cause d'une maternité. "Pour moi, avoir des enfants actuellement, c'est sacrifier une partie de moi. Me sacrifier, pendant une bonne partie de ma vie, au profit de mes enfants. Sacrifier mon travail, une partie, parce que je ne me sens pas capable de jongler entre mon travail et une vie de famille. J'aime mon travail, j'aime ma vie actuelle, j'aime mon couple comme il est. J'aime voyager, j'aime faire ma vie, j'aime pouvoir prendre des décisions sans forcément me dire que ça va impliquer d'autres personnes. Je suis encore assez égoïste. Je crois très sincèrement que je ne suis pas prête à avoir des enfants, ce n'est pas une vocation chez moi." Et elle réfute à qui que ce soit le droit de critiquer sa décision : "Est-ce que pour autant cela fait de moi quelqu'un de mauvais ? Parce que je suis une femme et que je ne veux pas d'enfants, ou pas pour l'instant en tout cas ? C'est ma vie, c'est mon corps, c'est mon choix, et ça, je veux qu'on le respecte. J'ai l'impression que dans la société actuelle, quand tu as un utérus et que tu es en âge et en capacité de procréer, tu ne deviens plus qu'un outil de procréation, un incubateur sur pattes à qui on demande de faire des enfants."

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Seulement voilà, la jeune YouTubeuse en a conscience : sa décision, son non-désir de maternité va lui valoir des reproches : "On va me dire que je suis égoïste, parce que je suis en mesure de procréer et qu'il y a des femmes qui veulent des enfants et qui ne peuvent pas en avoir. Est-ce que faire culpabiliser quelqu'un, c'est la meilleure façon de donner envie à quelqu'un de faire quelque chose ? Mais pour qui vous vous prenez ? Vous êtes qui pour me dire : 'Tu n'as pas honte de ne pas faire d'enfants, alors que ces personnes qui en veulent ne peuvent pas, et que toi tu es en mesure de procréer ?' Je ne suis pas un ventre. Est-ce qu'on va dire ça à un homme ? Non." C'est d'ailleurs déjà le cas sur les réseaux sociaux, puisque de nombreuses personnes – y compris de nombreuses femmes, merci la misogynie intériorisée – lui affirment qu'elle fait une erreur, qu'elle va regretter son choix. Qu'elle va finir vieille fille. Récemment, l'autrice féministe Chloé Chaudet confiait en effet à Yahoo : "Les injonctions, les demandes de me justifier quant à mon choix de ne pas être mère étaient sans cesse formulées par des femmes. C'est aussi l'une des questions que je pose dans mon livre : à quand une sororité inclusive ?".

"A 54 ans ans, on me demande encore pourquoi je ne veux pas d'enfants"

Ces critiques au sujet du désir de non-maternité, des milliers de femmes les subissent au quotidien à travers le monde, et ce, quel que soit leur âge. C'est notamment le cas de Cristelle. Âgée de 54 ans, elle travaille au contact d'enfants au quotidien en tant qu'éducatrice spécialisée, mais n'a jamais ressenti le besoin ou l'envie de tomber enceinte et d'avoir un bébé. Un choix qui lui a toujours été reproché par son entourage : "On me disait que je me comportais comme une adolescente, que j'étais égocentrique, que je ne voulais pas grandir. Certaines personnes m'ont même reproché d'avoir un problème psychologique, de ne pas vouloir accepter mon statut de femme, que je me mentais à moi-même en affirmant que je ne voulais pas être mère", regrette-t-elle.

Au fil des années, elle a eu le droit à tous les arguments possibles et imaginables. "Certains me disaient de continuer à chercher 'le bon compagnon' pour fonder une famille, qu'une vie sans enfant n'étais pas une vie, que j'allais me trouver toute seule." Cristelle a même parfois reçu des arguments pour le moins étonnants : "Quand je disais que je ne voulais pas d'enfant car ce monde était trop dingue, on me répondait : 'Va savoir si ton enfant n'est pas celui qui le changera ?'. Aujourd'hui âgée de 54 ans, la quinquagénaire subit encore et toujours le tabou autour de la maternité. "A mon âge, les gens trouvent encore louche que je n'ai pas d'enfants. Ils arrêtent la conversation, une gêne s'installe. On m'a recommandé l'adoption, ou encore de devenir famille d'accueil. On me demande encore pourquoi je ne veux pas d'enfants." Pourtant, cette dernière est loin de regretter son choix : "J'ai travaillé avec plus de 2 000 enfants en 20 ans, j'ai eu ma dose. Et je suis une marraine et une tante comblée, alors tout va très bien."

"Même quand je dis que je suis stérile, on me reproche de ne pas faire d'effort"

Le cas d'Emilie est quelque peu différent. À 28 ans, elle ne supportait plus les injonctions de son entourage ou même d'inconnus autour de la maternité. Elle a donc sciemment décidé de mentir à son entourage, et de dire que non seulement qu'elle ne voulait pas d'enfants, mais qu'en prime, elle ne pouvait pas en avoir. "Depuis que j'ai entamé mon parcours pour me faire ligaturer les trompes, je dis aux gens qui me demandent pourquoi je n'ai pas d'enfant que je suis stérile. Je trouve ça dingue de devoir en arriver là pour avoir la paix, j'ai conscience que c'est ultra-violent pour les personnes qui ne peuvent vraiment pas concevoir, mais j'en avais marre d'entendre tout le temps : 'Alors, le bébé, c'est pour bientôt ?'. Je pensais que si les gens de mon entourage pensaient que j'étais stérile, ils me lâcheraient la grappe. Quelle erreur !"

En effet, si le stratagème d'Emilie marche plutôt bien avec les inconnus, sa famille ne compte visiblement pas lâcher l'affaire. "Ma grand-mère m'envoie chaque jour des remèdes abracadabrants pour 'guérir' la stérilité, ma mère me bassine sur l'adoption, la PMA, les mères-porteuses à l'étranger... Et bizarrement, il n'y a que les femmes de mon entourage qui réagissent comme ça. Quand je leur dis d'arrêter, que ça me met mal à l'aise, et que je ne veux pas être mère, on me reproche de ne pas faire d'effort, et on me balance que la stérilité n'est pas une fatalité. Que ça doit être difficile pour les femmes qui ne peuvent vraiment pas procréer..."

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Le regret maternel, un risque pour celles qui se forcent à devenir mère

Face aux injonctions, aux reproches, à la pression de la famille ou encore d'un conjoint, combien de personnes ont déjà fini par craquer, et accepter d'avoir des enfants, en dépit de leur non-désir de maternité ? Ces dernières s'exposent à un risque, celui du regret maternel. Le sujet est peut-être encore plus tabou que celui des femmes qui ne veulent pas d'enfants, puisqu'il est difficile d'admettre qu'il est tout à fait possible d'avoir des regrets après avoir fondé une famille.

Fin mars, sur les réseaux sociaux, le hashtag #RegretMaternel avait permis à de nombreuses mères de confier que, si elles aimaient évidemment leurs enfants, leur rôle de mère leur apparaissait tellement pesant qu'elles regrettaient leur maternité. Pour elles, le soi-disant accomplissement lié à la maternité n'a jamais été une réalité. Notamment à cause de la charge mentale qu'elles peuvent ressentir face aux impératifs de la société. Chloé Chaudet, maîtresse de conférences et autrice du livre "J'ai décidé de ne pas être mère", l'affirme : "L'idéal de l'accomplissement féminin qui passe par la maternité peut se révéler illusoire. Illusoire dans le quotidien des femmes, face au monde professionnel, à toutes ces attentes qu'elles ne sont pas forcément capables de remplir d'être à la fois une compagne parfaite, une amante parfaite, une amie parfaite, une mère parfaite. Et d'avoir par dessus tout une carrière professionnelle épanouie. Le fait que ce soit possible d'éprouver ce regret d'être mère et d'en parler, ça remet un peu les choses en place dans la mesure où quand on n'est pas trop sûre de soi, qu'on se demande si on veut vraiment devenir mère ou non, on sait qu'il est possible de le regretter. Donc, on comprend que l'instinct maternel n'est pas une donnée universelle."

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