Mathilde Davril raconte son quotidien d’escort girl : "Je suis une pute et serai prostituée toute ma vie"

Dans son livre "300 de l’heure, le prix de ma liberté" (ed. Max Milo), Mathilde Davril illustre son quotidien d’escort girl, un métier qu’elle exerce et défend depuis plus de 10 ans.

Mathilde Davril est "une nana lambda", issue d’une "famille aimante et complètement ordinaire". "Je n’ai jamais été battue ou violée". La femme de 39 ans a décidé d’exercer le "plus vieux métier du monde " et revendique sa vie de femme libre dans un manuscrit, "300 de l’heure, le prix de ma liberté", publié aux éditions Max Milo.

"Soit tu m’épouses, soit tu me payes"

En 2012, Mathilde Davril a 28 ans et décide d’opérer un changement dans sa vie. Elle débarque à Lyon et devient commerciale au sein d’un journal local. Les jours s’enchaînent alors dans un quotidien ronronnant. Mathilde ne connaît personne à Lyon et s’ennuie ferme. Pour sortir de cette routine, elle s’inscrit sur Tinder. C’est là qu’elle découvre ce qu’elle appelle "en un clic, tu niques". C’est la douche froide pour cette "amoureuse de l’amour". Lasse de ces désillusions en chaîne, elle questionne sa façon de concevoir et plus précisément, de pratiquer l’amour.

À l’aune de sa réflexion sur l’amour : les désillusions amoureuses donc et la honte de se sentir utilisée. "À 20h, on nous promet monts et merveilles et à 08h du matin, toutes les promesses s’envolent.". Un sentiment qu’elle détaille dans l’interview qu’elle nous a accordée : "Parfois, je me suis donnée gratuitement aux hommes parce que j’avais l’impression que c’était un dû. On nous sort, on nous invite au restaurant..."

Certaines femmes, comme Mathilde Davril, ont le sentiment de devoir payer une "addition". Ce sentiment amer sera à l’origine de sa reconversion. "Aujourd’hui, c’est soit tu m’épouses, soit tu me payes". Dans son livre, elle explique ressentir une forme de pouvoir, que certains pourraient considérer comme un sentiment de revanche : "Je n’ai plus le sentiment de m’être fait baiser deux fois" argue-t-elle.

Vidéo. "À 28 ans, j'ai remplacé Tinder par la prostitution"

"300 de l’heure"

Mathilde Davril décide d’entrer dans le monde des relations tarifées. Elle s’inscrit sur un site d’escorting et commence à vendre ses services. Une façon de faire qui est pour elle "plus saine". Elle devient "Mathilda" et impose ses tarifs : 300 euros de l’heure. Avec son travail de commerciale, Mathilde Davril touche le SMIC. En parallèle, ses prestations lui permettent de tripler voire de quadrupler son salaire. Véritable épicurienne, elle brûle la vie par les deux bouts. Voyages, restaurants gastronomiques, shopping… Un nouveau train de vie qui n’échappe pas à son entourage. "Quand j’ai commencé à en parler, je me suis rendu compte que 50% de mes copines l’étaient déjà."

En 10 ans de métier, elle n’a eu aucune expérience négative. Serait-ce juste une question de chance ? Elle concède prendre de nombreuses précautions avant de se rendre à un rendez-vous. Elle choisit son client et s’entretient au téléphone avec lui : "Il faut qu’il accepte de se dévoiler pour me mettre en sécurité et que j’accepte de le rencontrer."

"Ce qui est le plus important dans mon métier, c’est de savoir dire ‘non’. C’est ainsi que l’on se protège et que l’on travaille en toute sécurité."

Une banalisation du métier qui peut étonner à la lecture de son récit. Mais la travailleuse du sexe se défend de faire "la promotion de la prostitution" et préfère avancer l’argument de la libération féminine. "Dans mon métier, la notion du consentement est très importante. C’est moi qui décide de tout. Je décide quelle pratique sexuelle j’ai envie de faire, qui je rencontre et où je rencontre. Ce sont des règles que j’établis en amont avec la personne."

"On n’est pas responsables de toute la misère humaine"

Si elle insiste ardemment sur le fait de ne pas vouloir faire la promotion de son métier, Mathilde Davril défend avec fermeté son refus d’être considérée comme une paria. "Il faut savoir que c’est un travail légal. Nous avons un code NAF (nomenclature d’activité française), un service des prostitués. C’est important d’affirmer mon assurance : Oui, je suis une prostituée. C’est le plus vieux métier du monde. Avançons les lois et protégeons tous les travailleurs et les travailleuses du sexe qui l’ont choisi. Mettons les moyens sur la traite humaine et les mineurs. Mes consoeurs, mes confrères et moi-même ne sommes pas responsables de toute la misère humaine.".

Elle rejoint même les détracteurs de la prostitution qui arguent que c’est une étiquette que l’on garde toute sa vie. "Je suis une pute et serai prostituée toute ma vie" admet-elle avec malice. Pour elle, le statut de prostituée est un état d’esprit durable que l’on conserve "toute sa vie", un peu comme "pour un président. C’est un métier assez noble que l’on garde à vie". À l’heure actuelle, elle est toujours escort et ne compte raccrocher les gants que lorsqu’elle trouvera l’amour. "Je fantasme la fidélité. Quand j’aurai un partenaire, je ne serai qu’à lui."

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